Sépulture de Marcel Bonnafoux, Saumane (Gard)
Légende :
En bordure de la D.907 à la sortie du village en direction de Saint André de Valborgne se trouve le cimetière du maquis de l'Aigoual Cévennes, en un lieu plus facile d'accès que le modeste monument du "Bidil" lieu de l'attaque du 1er juillet 1943 et à proximité de la tombe de Marcel BONNAFOUX "commandant Marceau", chef militaire du maquis, tué au Vigan lors des combats de la Libération.
Genre : Image
Type : Sépulture
Source : © Mémoire et Résistance dans le Gard Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Gard - Saumane
Analyse média
Sur la stèle en granit sculptée par Mérignargues, figurent une croix de Lorraine et un éloge au courage de "Marceau".
Contexte historique
Combattant tombé les armes à la main, Marcel Bonnafoux occupe une place bien à part dans la Résistance gardoise, comme en témoigne les nombreux hommages rendus à sa mémoire : cimetière du maquis à Saumane, nom d'une place à Nîmes, monument commémoratif au Vigan...
Il est né à Anduze en 1910 dans une famille de trois enfants. Son père est un modeste employé au PLM (Paris-Lyon-Marseille). Après le certificat d'études primaires, il entre en apprentissage, à Nîmes, chez un artisan décorateur. Il a un réel talent de dessinateur ; une fois son service militaire accompli, il s'installe comme ensemblier décorateur. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, douze ouvriers travaillent avec lui dans son atelier nîmois, rue Auguste-Pellet. Depuis 1935, il est marié avec Germaine Lamothe. Avant la guerre, il est déjà engagé dans le combat antifasciste : ayant pris le parti des Républicains lors de la guerre civile d'Espagne, il organise en 1939 des collectes pour les républicains espagnols réfugiés.
Au lendemain de la défaite, les premières mesures du régime de Vichy le déterminent à entrer dans l'opposition à Pétain et dans la Résistance. En 1941, alors qu'il se trouve à Sisteron, un train de Juifs déportés le remplit de colère et de honte. Il rejoint d'abord un groupe de Résistance de Marseille. Puis, en 1942, dans le Gard, il rejoint le mouvement Combat et le Comité d'action socialiste.
Le 18 août 1942, à Nîmes, il rencontre René Rascalon, connu en 1929 lors de grèves syndicales et découvre qu'ils partagent les mêmes convictions et la même envie de se battre. Le lendemain 19 août, lors d'une réunion avec Albert Thomas, premier chef départemental de Combat, ils décident de créer des sizaines puis des trentaines. Ce jour-là, Marcel Bonnafoux adopte le pseudonyme de "Marceau", nom du jeune général révolutionnaire commandant l'armée de Sambre-et-Meuse, alors que Rascalon prend celui d' "Alais" en souvenir de sa ville natale.
Par la suite ils organisent, avec une douzaine d'élèves du Lycée de garçons de Nîmes, quelques coups de main à l'encontre du SOL et une campagne de V et de croix de Lorraine. Marceau fait aussi du renseignement, diffuse des tracts et des journaux clandestins : Madame Bedos, veuve de Maître Charles Bedos, avocat résistant, se souvient que leur domicile lui servait de boîtes à lettres.
Après la publication des lois sur la Relève et le Service du travail obligatoire (STO), il s'occupe aussi de camoufler des réfractaires, comme ces deux jeunes qu'il cache au Grau-du-Roi, début 1943, avec l'aide du docteur Jean Bastide, directeur du sanatorium. Quand René Rascalon implante un maquis à Aire-de-Côte, "Marceau" le met en relations avec des commerçants nîmois qui acceptent d'aider à ravitailler les réfractaires. Lorsque René et Julia Rascalon sont obligés de quitter Nîmes et de partir dans la clandestinité, c'est lui qui s'occupe de l'expédition régulière des vivres vers le maquis.
Son activité ne tarde pas à être connue de la police française et de la Gestapo et le jour de la Toussaint 1943, des policiers allemands se présentent à son atelier de décoration mais il réussit à s'enfuir. Il arrête alors son travail, entre dans la clandestinité et rejoint le maquis de Lasalle alors que sa femme Germaine va, dans un premier temps, habiter Collias et sert d'agent de liaison.
Au sein de ce maquis, "Marceau" prend la direction du corps-franc, installé à Générargues, dans le hameau de Picadénoux, puis à Lasalle, au château de Malérargues. L'équipe dirigée par "Marceau" mène à bien de nombreuses opérations : parmi celles-ci, citons l'enlèvement de 1800 tenues militaires aux Etablissements Paulhan le 8 janvier 1944, l'attaque contre la gendarmerie de Saint-Hippolyte-du-Fort le 17 février 1944 pour délivrer Jean Viala, autre responsable du maquis de Lasalle, la récupération d'armes et de matériel des Chantiers de jeunesse à la maison forestière du Marquairès (Lozère) début mars 1944, la destruction d'une usine participant à la production de carburant à Cardet le 7 mai 1944 ou encore la participation à l'engagement de Cornély contre des troupes de la Wehrmacht et des Waffen SS le 16 juin 1944...
Après le débarquement en Normandie le 6 juin 1944, le maquis de Lasalle voit ses effectifs augmenter rapidement mais manque d'armement. Le 13 juin 1944, après une entrevue avec Antoine Cassé, responsable de la Résistance à Ganges, "Marceau" négocie la fourniture d'armement parachuté et pose avec lui les bases d'un regroupement des maquis du secteur sur les pentes de l'Aigoual. Amorcé un mois plus tard, ce regroupement prend le nom de "maquis de l'Aigoual-Cévennes". "Marceau", membre de son directoire, en commande également le corps-franc et conduit, par exemple, l'embuscade qui permet de neutraliser la relève de la garnison du Vigan, à Pont-d'Hérault, le 18 juillet 1944. Après l'arrivée d'une unité de 600 hommes de l'Ost Légion arménienne au Vigan, le 7 août 1944, la décision est prise par le directoire de l'Aigoual-Cévennes de lancer une opération sur la ville pour neutraliser, soit par la force, soit par une reddition négociée, cette garnison. Mais, le 10 août 1944, l'opération tourne mal et "Marceau" est tué à la tête de ses hommes.
Enterrée d'abord à l'Espérou, sa dépouille est transférée le 10 octobre 1944, en présence d'une foule considérable, au cimetière du maquis à Saumane. La citation du colonel Colas (commandant militaire de l'Aigoual-Cévennes), sculptée en relief sur sa tombe à Saumane illustre bien l'aura de Marceau auprès des résistants : "héros extraordinaire de cette guerre extraordinaire, il reste au premier rang des purs héros de la France".
Le 7 mai 1978, au Vigan, là où il est tombé, un monument à sa mémoire a été inauguré place de Bonald, avec là encore une épitaphe d'un de ses compagnons de lutte, le pasteur Olivès : "Il fut le premier partout, même à la mort".
Voici ce que dit de lui Jean Castan, jeune chef d'Aire-de-Côte, son ami du groupe franc, dans un récit sur l'activité du maquis Aigoual-Cévennes : "Le principal artisan et animateur de cette vaste organisation, Marceau, mena une vie de forçat. Levé le premier, rarement couché, il est partout, ordonne, étudie, s'emporte, félicite, allant de l'un à l'autre et transmettant à tous son ardeur et sa foi... Les garçons sont fanatisés par lui ; son pouvoir est illimité, car les hommes ne reculent jamais lorsqu'il leur demande quelque chose".
Le docteur Jean Bastide du Grau du Roi qui l'a très bien connu pendant la période clandestine écrit de lui dans le Populaire du Gard du 15 décembre1944 : "Il était psychologue, il jugeait vite et bien les situations et les hommes, il était extrêmement dévoué et sûr pour ses amis, et on le lui rendait bien. Un rayonnement se dégageait de sa personne et de son fier regard, il était décidé dans son air et dans ses gestes... "
Son épouse Germaine est décédée en 2007.
Fabrice Sugier in CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009