Square Marcel-Stoessel, Mulhouse
Légende :
Square dénommé Marcel-Stoessel par un arrêté municipal du 14 avril 1995.
Genre : Image
Type : Nom de rue
Producteur : Bertrand Merle
Source : © Collection Bertrand Merle / Aéria Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : Juillet 2017
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse
Analyse média
Square dénommé Marcel-Stoessel par un arrêté municipal du 14 avril 1995. Cet espace de verdure est situé au pied de la résidence Roxelane et est enserré par la rue de l’Ours ainsi que la rue du Traineau d’où est prise la photographie. Les axes principaux du quartier sont le boulevard de la Marne, qui longe un des côtés du lycée Albert-Schweitzer et l’avenue Aristide-Briand (connue également sous ses appellations locales de Stressla et de chaussée de Dornach) qui mène du centre-ville à Dornach (D166).
La plaque apposée devant le square indique l’année de naissance (1904) et la date de décès (29 juin 1943). Mais surtout, elle informe le passant de l’engagement de Marcel Stoessel qualifié de « patriote Mulhousien » et la façon dont il est décédé, « exécuté ». Enfant, Marcel Stoessel et ses parents ont habité rue du Rossberg située non loin du square qui porte son nom.
Bertrand Merle
Sources
Les rues de Mulhouse. Histoire et patrimoine. Conseil consultatif du patrimoine mulhousien et avec le concours de la Société d’histoire et de géographie de Mulhouse. Editions JM 2007 et JM 2009 actualisées et enrichies.
Contexte historique
Marcel Stoessel est né à Mulhouse le 13 septembre 1904 dans une famille catholique. Ses parents sont Charles Stoessel et Anne-Marie née Schmitt. Le père est ouvrier d’usine. La famille habite à cette date 14 rue de la Tuilerie (aujourd’hui rue de la Moselle) près du Bollwerk dans le centre-ville. Il est mort guillotiné par les nazis à Stuttgart (Allemagne) le 29 juin 1943.
La lecture de son acte de naissance résume l’histoire de l’Alsace entre 1870 et 1945. Dans l’état civil de l’époque allemande (l’Alsace et la Moselle ont été annexées après la guerre franco-prussienne de 1870-1871 par le traité de Francfort-sur-le-Main du 10 mai 1871), Stoessel est écrit Stössel et Marcel rédigé Marcell, avec deux « l » afin de permettre une prononciation du prénom à la française. Son acte de naissance est complété par la mention légale de son mariage avec Marie Madelaine Jaegle le 26 février 1927, en français cette fois-ci, l’Alsace est à nouveau française depuis 1918. Son décès est mentionné par deux inscriptions différentes. Une première en allemand sous l'Occupation de fait, rédigée en 1943, en bas de page. Une seconde après-guerre, en marge et en français, est datée du 26 février 1948.
Marcel Stoessel a travaillé dans différentes grandes entreprises industrielles de Mulhouse, dans le textile d’abord chez DMC (Dollfus-Mieg et Compagnie) et Schaeffer puis à la SACM en 1941 (Société alsacienne de construction mécanique). Il a détenu différentes responsabilités syndicales à la CGT, notamment pendant les grèves de 1936 chez Schaeffer. Il est proche de René Kern, exécuté en même temps que lui à Stuttgart sept ans plus tard.
Il a 35 ans lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Il avait effectué le service militaire au 21e régiment d’infanterie (1924-1926) dans la Rhénanie occupée par la France à l’issue de la guerre de 1914-1918 puis a été rappelé en 1939. Son régiment est d’abord stationné dans le Sundgau puis envoyé dans le nord du pays. Prisonnier de guerre le 15 juin 1940, il est interné à Colmar (Haut-Rhin) puis libéré le 24 août comme « alsacien de souche allemande ». L’Alsace est alors annexée de fait. Il est embauché comme grutier à la fonderie de la SACM. Pendant ses heures de loisirs, il dirige les sections de cyclisme artistique et de cycle-ball du club mulhousien Solidarité.
A son retour à la vie civile, il rejoint le groupe de résistance clandestin dirigé par Georges Wodli (15 juillet 1900 Schweighouse-sur-Moder - 1er avril 1943 Strasbourg) à l’automne 1941. Georges Wodli à ce moment est délégué interrégional du comité central clandestin du PC pour l’Alsace-Lorraine. Différentes actions sont menées par l’organisation clandestine Wodli: sabotage du travail dans les usines, distribution de tracts, de journaux clandestins Der freie Gewerkschafter (CGT) et L’Humanité (PC) et de quêtes pour venir au soutien de familles après les arrestations. Marcel Stoessel, sous le pseudonyme de Louis, œuvre dans la propagande: il récupère des machines à écrire, produit des tracts, les fait imprimer puis en assure la distribution. Il a notamment dénoncé dans ces tracts le régime nazi et l’annexion de fait de l’Alsace.
La répression se met néanmoins rapidement en place. Trop d’imprudences ? Dénonciations ? Toujours est-il que le printemps 1942 est significatif. Dans le Haut-Rhin, près de 100 personnes sont arrêtées entre le 14 mars et le 14 juillet, dont Marcel Stoessel le 12 mai 1942 à son travail. La Gestapo perquisitionne aussi son domicile, rue de la Mer-Rouge. Elle n’y trouve rien, heureusement, les tracts ne sont pas arrivés à l’heure et son épouse n’a pas été inquiétée. Il est tout d’abord incarcéré à la prison de Mulhouse (12 mai 1942 - 5 juin), puis au camp bas-rhinois de Vorbrück-Schirmeck (5 juin - 20 décembre), Buhl en Allemagne (20 décembre - 15 mars 1943), Strasbourg (Bas-Rhin) pendant le procès devant le Volksgerichtshof, le tribunal du peuple (19 mars - 23 mars) qui le condamne à mort pour « haute trahison ». Il est alors déporté à la prison de Stuttgart le 9 avril et guillotiné le 29 juin.
A la suite des arrestations de 1942, dix peines capitales sont prononcées en 1943 et mises en œuvres après les procès de Strasbourg. Le 28 avril, à la veille de son exécution, il écrit une lettre en allemand de quatre pages à sa famille. Le document est un formulaire fourni par l’administration pénitentiaire. Y figurent en gothique, l’adresse de la prison (Urbanstrasse 18A; entrée des visiteurs par la rue des Archives) et différents renseignements concernant les heures de visite, l’obligation d’écrire en allemand et de ne recevoir que du courrier exclusivement rédigé dans cette langue. A noter que dans la case expéditeur, le condamné a écrit son nom dans son orthographe française. L’administration, elle, a précisé Marzel Stössel. La lettre, avec une seule rature, rédigée à l’encre bleue débute ainsi: « Chers tous. Une fois encore et pour la dernière je veux vous écrire. Quand vous aurez reçu cette lettre, ma vie aura cessé. J’aurais aimé vous dire encore beaucoup de choses. Je ne verrai plus le soleil se lever, mais pour vous il se lèvera certainement encore (…) ». Tout au long de ces lignes, il s’adresse à son épouse, à ses parents, à ses deux enfants, Marcel l’aîné et Roger le cadet, à ses beaux-parents, ses beaux-frères et belles-sœurs, ses neveux et l’Alsace, sa chère patrie (Heimatland).
Les 1er et 29 juin 1943, outre Marcel Stoessel, sept autres Haut-Rhinois ont été guillotinés à Stuttgart. Il s’agit de René Birr (Reguisheim), Eugène Boeglin (Rouffach), René Kern (Morschwiller-le-Bas), Alphonse Kunz (Mulhouse), Adolphe Murbach (Colmar), Auguste Sontag (Wintzenheim) et Edouard Schwartz (Lutterbach) jetés ensuite dans une fosse commune à Heidelberg (Allemagne). Dans sa dernière cellule, Marcel Stoessel était incarcéré en compagnie d’un allemand, membre du PC. Une fois libéré, ce dernier a fait une déposition en indiquant que Marcel Stoessel n’était pas communiste, ce qui a permis de ne pas être jeté dans une fosse commune. La famille a pu rapatrier la dépouille à Mulhouse en 1948. Cet allemand a également servi d’intermédiaire avec Marie Stoessel qui a ainsi pu visiter à deux reprises son mari, dont une avec son fils aîné. Marcel Stoessel est enterré à Dornach.
Aux élections municipales de 1945, Marie Stoessel a été élue au conseil municipal de Mulhouse sous l’étiquette PC. Une cérémonie s’est déroulée sur la tombe de Marie et Marcel Stoessel le 29 juin 2013, date du 70e anniversaire de l’exécution. Une plaque commémorative y indique que Marcel Stoessel est « combattant volontaire de la résistance ». Le site du service historique de la Défense indique qu’il est « déporté interné résistant ». En 1961, Marcel Stoessel a été décoré de la médaille militaire à titre posthume. La citation est la suivante: « Magnifique patriote. Arrêté pour faits de résistance le 12 mai 1942, a été déporté le même jour dans un camp de concentration où il est mort glorieusement pour la France le 29 juin 1943. »
Bertrand Merle
Bibliographie
- "Marcel Stoessel". Fiche d’Eric Le Normand avec l’aide de Marcel Stoessel fils. Figure aussi une partie des archives de la famille Stoessel. DVDrom de l’Aéria sous la direction d’Eric Le Normand « La résistance des Alsaciens ». Aéri. 2016.
- "Marcel Stoessel". Fiche de Léon Strauss. www.maitron-fusillés-40-44.univ-paris1.fr
- "Marcel Stoessel: une rue portera son nom à Mulhouse". Le collectif à la mémoire de Marcel Stoessel et ses compagnons. En toute liberté n°0. Magazine de l’actualité des syndiqués CGT en Alsace. 1995.
- Etat civil de la Ville de Mulhouse. Registre des naissances. 1904.
- http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr
- "Les rafles des autorités nazies sur la classe ouvrière durant l’été 1942 (14 mars - 14 juillet)". Eric Le Normand. DVDrom de l’Aéria sous la direction d’Eric Le Normand « La résistance des Alsaciens ». Aéri. 2016.
- "Les procès de la Résistance ouvrière de l’année 1943". Eric Le Normand. DVDrom de l’Aéria sous la direction d’Eric Le Normand « La résistance des Alsaciens ». Aéri. 2016.
- Mulhauser Tagblatt. 25 mars 1943.