Rue Jean-Starcky, Mulhouse (Haut-Rhin)
Légende :
Nom de rue attribué au Compagnon de la Libération Jean Starcky à Mulhouse
Genre : Image
Type : Nom de rue
Producteur : Bertrand Merle
Source : © Bertrand Merle / Aéria Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : Juillet 2017
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse
Analyse média
Rue nouvelle nommée Jean-Starcky par le conseil municipal le 28 novembre 1994. Elle est située à l’intérieur du campus de l’Illberg et longe des bâtiments du CNRS notamment l’Institut de chimie des surfaces et interfaces. Elle est parallèle à la D8B3 et à la rue Alfred-Werner (1866 -1919, né à Mulhouse, de nationalité suisse. Prix Nobel de chimie en 1913). La plaque de rue précise l’année de naissance (1909) et de décès (1988), l’implication pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale (Compagnon de la Libération) ainsi que les travaux archéologiques (Grand spécialiste des manuscrits de la mer Morte). Sa qualité de prêtre n’est pas mentionnée ni son lieu de naissance.
Bertrand Merle
Sources
Les rues de Mulhouse. Histoire et patrimoine. Conseil consultatif du patrimoine mulhousien et avec le concours de la Société d’histoire et de géographie de Mulhouse. Editions JM 2007 et JM 2009 actualisées et enrichies.
Contexte historique
Jean Starcky (Johann Karl Georg dans l’état civil) est né à Mulhouse, le 3 février 1909 dans l’Alsace devenue allemande après la défaite de la guerre de 1870-1871 et le traité de Francfort-sur-le-Main. Il est le fils de Jean Gabriel Starcky, employé chez DMC et de son épouse Berthe, née Gutknecht. La famille est catholique et habite à l’époque 34 rue Hubner. Une plaque apposée sur l’immeuble indique: « Maison natale de Jean Starcky - prêtre 1909/1988 - exégète - grand spécialiste des manuscrits de la mer Morte ».
Son père est appelé à voyager en Europe dans le cadre de ses activités professionnelles. Jeune, Starcky est donc scolarisé dans différents établissements et fait ses études à Mulhouse, Mayence (lycée français), Reims (Saint-Joseph) puis à l’institut catholique de Paris. Par la suite, il étudie aux instituts bibliques de Rome puis Jérusalem. Prêtre à Paris, il est exempté du service militaire en raison d’une santé précaire et n’est pas mobilisé en 1939 puis est nommé curé de Palmyre (Syrie). A cette période, il enseigne aussi à l’université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban). Réformé à nouveau, il entend l’appel gaulliste du 18 juin 1940 et prend fait et cause pour la France libre pour laquelle il s’engage le 29 août 1941. Le proche Orient est marqué en juin et juillet de cette année en Syrie par les affrontements entre les troupes vichystes du général Henri Dentz (1881-1945) et les Britanniques dans les rangs desquels figurent aussi des soldats gaullistes.
Jean Starcky, aumonier militaire avec le grade de capitaine, est au Caire en juillet 1942 puis en Tunisie dans l’attente des futures opérations de la Libération. Il débarque le 19 avril 1944 en Italie et prend part aux batailles du Monte Cassino puis de Toscane.
Dans son éloge funèbre prononcé le 13 octobre 1988 à Paris en l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, Mgr Daniel Pezeil ancien évêque auxiliaire de Paris relate cette période: « Jean Starcky s’imposa d’aller sous un bombardement intense en rampant assister vaille que vaille un soldat allemand qui se mourait entre les lignes. » Il qualifie ainsi l’engagement de Jean Starcky: « Un Alsacien impatient de soustraire sa province natale et sa famille à un joug odieux de l’emprise monstrueuse et à l’hégémonie du paganisme nazi ».
Une personnalité alsacienne, au courant de l’annexion de fait, rappelée dans un mémoire rédigé par Maurice Gilles, chef de section de la 1ere compagnie du génie de la division de la France libre: « Il était alors ce 15 juin 1944, 14h30 environ. Les derniers allemands s’accrochaient encore avec mes sapeurs le long de la route qui mène à Torre Alfina (province de Viterbe) au nord de Rome. Dans un champ de blé, un mitrailleur parachutiste allemand à l’immense stature, ses cheveux blonds débordant légèrement de son casque rond, s’en allait majestueusement et calme vers une position objective. Ce soldat se présentait à moi, de profil. Déjà la ligne de mire de ma carabine se stabilisait sur cet objectif qui n’était qu’à quelques mètres… je voyais distinctement cette cible et lui ne pouvait me voir. A cet instant, le père Starcky, venu je ne sais comment à mes côtés, s’approche de mon épaule et me dit:
- Ami Gilles, ne tire pas. Depuis quelques jours, je n’ignore pas qu’au sein des unités ennemies qui nous sont opposées, se trouvent de jeunes alsaciens récemment incorporés de force. Fais grâce à ce soldat, peut-être alsacien comme moi. Ce sera une si belle action, mon ami. Merci. Aussitôt la carabine s’abaisse, en même temps le parachutiste tourne sa tête, ses yeux clairs s’écarquillent, il nous regarde et se met à sourire. Le père et moi sourions aussi largement. Chacun de nous repart vers son destin. »
Le chemin de la libération conduit ensuite Jean Starcky en Provence où il débarque à Cavalaire (Var) le 17 août 1944 avec le bataillon d‘infanterie de marine et du Pacifique, puis il participe aux combats de Villersexel (Haute-Saône) le 22 septembre aux portes de l’Alsace. L’itinéraire de Jean Starcky entre 1939 et 1945 révèle la complexité de la situation alsacienne et des parcours multiples de ses hommes: il est tout d’abord face au général Dentz, issu d’une famille alsacienne qui a opté pour la France après la défaite de 1971. Il est major de Saint-Cyr en 1900 (promotion Tchad). En 1939, Henri Dentz, occupe un poste de commandement en Alsace puis en juin 1940, est nommé gouverneur militaire de Paris peu avant l’arrivée de la Wehrmacht. Condamné à mort à la Libération puis grâcié par de Gaulle, il décède en détention à Fresnes. Le parcours de Jean Starcky croise aussi dans la dernière année de la guerre des incorporés de force: lors de la campagne d’Italie puis en France.
Jean Starcky est nommé Compagnon de la Libération le 20 août 1944.
Mais la guerre n’est pas terminée. Son unité participe à des opérations de réduction des poches allemandes de l’Atlantique et du front de l’Est. Il est blessé sur la ligne de défense des Alpes dans le massif de l’Authion au-dessus de Nice (11 avril 1945).
Démobilisé à l’automne 1945, Jean Starcky entame alors une très importante carrière d’archéologue et d’exégète où il occupe différents postes à Paris et au Moyen Orient (CNRS, Institut français d’archéologie, Institut catholique, direction de revues scientifiques) et publie de nombreux ouvrages (dont Palmyre, la fiancée du désert) et articles. Son nom reste aussi attaché à la traduction des manuscrits de la mer Morte. Il a souvent célébré des offices à Colombey-les-Deux-Eglises. Jean Starcky est officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, croix de guerre (1939-1945), médaille coloniale (Tunisie, Lybie, Sylver Star (USA), mérite syrien. Il est inhumé au cimetière Montparnasse à Paris.
Bertrand Merle
Bibliographie
- Jean Starcky. Fiche de Marc Lang. Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. N° 47. Pages 4956-4957.
- https://www.ordredelaliberation.fr/fr/les-compagnons/923/jean-starcky
- http://www.1dfl.fr/STARCKY.html. Témoignage de Henri Bertrand.
- http://www.1dfl.fr/STARCKY.html. Témoignage de Maurice Gilles.
- Jean Starcky. Nécrologie d’Ernest Will. Revue Syria. Persée. Pages 353-354. 1989.
- Eloge funèbre prononcé par Mgr Daniel Pezeil. Revue de la France libre. N° 265. (bibliothèque MISHA à Strasbourg / 7T PEZ 21 - fonds Jacqueline Pirenne).
- Etat civil de la Ville de Mulhouse. Naissances 1909.