Acte d'engagement de Martial Bizien dans les Forces Françaises Libres (FFL)
Légende :
Acte d'engagement de Martial Bizien dans les Forces Françaises Libres (FFL), signé le 28 octobre 1940
Genre : Image
Type : Acte
Source : © Archives Famille Bizien Droits réservés
Détails techniques :
Document d'une page.
Date document : 28 octobre 1940
Lieu : Angleterre - Cornouailles
Analyse média
Cet acte d’engagement dans les Forces Françaises Libres, signé le 28 octobre 1940 par Martial Bizien, jeune marin-pêcheur bigouden de 19 ans, devant l’enseigne de vaisseau Georges Lequien, marque son intégration officielle dans la Résistance extérieure. Il fait partie de la première vague d’engagements, celle de l’été 1940.
C’est à Penzance, petit port des Cornouailles britanniques, qu’il contracte son engagement, en présence de deux témoins qui ont apposé leur signature sur l’acte présenté ici. Ce contrat officiel signifie aussi que Martial Bizien acquiert un statut militaire, en l’occurrence au sein des Forces Navales Françaises Libres (FNFL). Son âge correspond à celui de la majorité des engagés (plus de la moitié d’entre eux sont en effet nés entre 1919 et 1923). En outre, comme 26 % des Français libres, il est originaire de Bretagne. Il constitue donc un exemple assez représentatif des engagés volontaires à l’appel du général de Gaulle.
Delphine Lefloc'h
Contexte historique
Né le 20 juillet 1921 à Guilvinec (Finistère), Martial Bizien s’engage dans la France libre dès l’été 1940. Il n’a donc pas encore 19 ans quand il rejoint l’Angleterre, le 25 juin, suite à l’appel du général de Gaulle et après l’armistice franco-allemand du 22 juin. A bord d’un canot misainier de 9 mètres, le Petit Manuel, dont son père, Charles Bizien, est le patron, il gagne Falmouth (Cornouailles britanniques) le 28 juin, en compagnie de celui-ci, d’Ernest Le Goff, René Vigouroux, Louis Coïc et Jean Biger, via les Glénan puis l’Île de Sein. Leur traversée se finit à la voile – avec des voiles de fortunes réalisées à l’aide de couvertures – puisqu’alors le moteur du bateau est hors d’usage, du fait d’un simple manque d’huile.
Le 1er octobre 1940, désormais en Angleterre, Martial Bizien intègre l’équipage du langoustier camarétois La Marie-Louise en tant quechargé de mission de 3e classe, agent P2, au sein du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA). Il fait ainsi partie des pionniers du réseau de renseignement Nemrod qu’Honoré d'Estienne d'Orves commence à mettre en place. Sa tâche et celle de ses camarades consiste à transporter vers le Finistère les premiers agents chargés d’organiser, en territoire occupé, les réseaux de renseignements de la France libre. Quelques jours plus tard, le 28 octobre 1940, il peut signer officiellement son acte d’engagement dans les Forces Françaises Libres, devant l’Enseigne de Vaisseau Georges Lequien.
C’est le 21 et le 22 décembre 1940 qu’il accomplit sa 1re mission au sein de l’équipage de La Marie-Louise (dirigée par le patron Jean-François Follic et composé, outre Martial Bizien, de Pierre Cornec, Yves Deguin et Jean Biger). Ils convoient, depuis Newlyn (petit port proche de Penzance en Cornouailles britanniques), Honoré d’Esienne d’Orves et son quartier-maître radiotélégraphiste Alfred Gaissler (alias Georges Marty) sur les côtes finistériennes. « Me voilà de nouveau sur la terre de France ! », peut s’exclamer le capitaine de corvette d’Estienne d’Orves, débarqué de nuit dans l'anse de Pors-Loubous, un petit-port abri de la commune de Plogoff (Finistère), tandis que La Marie-Louise regagne les côtes corniques.
Mais le 19 janvier 1941, Gaessler, dont nous savons à présent qu’il est un agent double au service des Allemands, dénonce le réseau Nemrod. Honoré d’Estienne d’Orves, qui a toutefois pu organiser les premières liaisons entre la France occupée et Londres, est interpellé le 22 janvier 1941 à Nantes (puis fusillé au Mont-Valérien). Trois semaines plus tard, le 15 février, Martial Bizien est lui aussi arrêté, en compagnie de Jean-François Follic, Amédée Ansquer, Maurice Guilcher, Pierre Cornec et Yves Pennec : La Marie-Louise est arraisonnée en pleine mer, au large d’Ouessant, par la Kriegsmarine. Elle transporte alors undeuxième opérateur radio, Jean-Jacques Le Prince, muni d’un autre poste émetteur-récepteur. L’équipage parvient discrètement à détruire le poste radio et à faire disparaître les documents compromettants, avant son arrivée au port d'Audierne.
Emprisonné d’abord à Angers puis à la prison parisienne du Cherche-Midi et à Fresnes, Martial Bizien est jugé en mai 1941 par un tribunal militaire. La sentence tombe : il est condamné à mort. Mais, sans doute du fait de son jeune âge, sa peine est in extremis commuée en quinze ans de travaux forcés. C’est ainsi qu’après une centaine de jours de détention, il est envoyé à la prison allemande de Siegburg, au sud-est de Cologne. Comme beaucoup de prisonniers, il est victime de mauvais traitements durant sa captivité. Il est peu nourri et mal soigné et ses geôliers cherchent à le faire parler, l’incitent à donner les noms de ses compagnons. Faute de soins, une blessure au pied s’aggrave, au point qu’il doit être transféré à la prison centrale de Düsseldorf où il subit une amputation partielle de la jambe droite. C’est dans ce contexte qu’il bénéficie d’une mesure de grâce : son emprisonnement est transformé en une liberté surveillée d’une durée d’un an. Rapatrié le 8 décembre 1943, il passe ainsi sa convalescence en France, au sanatorium de Haut-Lévêque, situé à Pessac dans la région bordelaise.
Son engagement est reconnu à la Libération par la République qui lui octroie le titre de Chevalier, puis Officier de la Légion d’Honneur et le nomme sous-lieutenant en novembre 1955. La Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance française lui sont aussi décernées.
Auteur : Delphine Lefloc'h
Sources :
Témoignage de Martial Bizien (« J’ai eu la chance ») paru dans Ouest-France, le 2 novembre 1994.
Site des Français libres, consulté le 12 mai 2018.
Jean-François Muracciole, « L’historiographie de la France libre », in La Lettre de la Fondation de la Résistance, n° 77, juin 2014.
« Les engagements dans la France libre à la suite de l’Appel », Revue de la Fondation de la France libre, numéro spécial CNRD, septembre 2009.
Joseph Coïc, Les Bizien, une famille de résistants habitant au Ménez au Guilvinec, in Le Pays bigouden sous l’occupation, n° 6, à paraître.
Fiche sur Honoré d’Estienne d’Orves sur le site de l’Ordre de la Libération, consultée le 11 mai 2018.
Notice Wikipedia d’Honoré d’Estienne d’Orves, consultée le 11 mai 2018.
Notice Wikipedia d’Alfred Gaessler, consultée le 12 mai 2018.
Site de l’association Grains de mémoire des Sables d’Olonne, consulté le 12 mai 2018.