Germaine Sablon

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Collection Philippe Jadin Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir-et-blanc

Lieu : France

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Contexte historique

Qui entendra la voix de Germaine Sablon, grave, juste et délicate, s'étonnera sans doute de l'injustice infligée par la postérité à sa notoriété qui fut réelle. Un quotidien suisse assurait pourtant en 1951 qu'elle demeurait avec Edith Piaf l'une des très grandes vedettes du disque français tandis qu'Outre-Manche elle était qualifiée de Française la plus connue... avec Françoise Rosay ! Pareille injustice s'explique probablement autant par une curiosité qui lui fit embrasser styles et horizons géographiques divers qu'à un esprit d'indépendance et un patriotisme qui sut se montrer à la hauteur des plus douloureux événements du XXème siècle. Un « cœur qui chante » ainsi que le décrivait Jean Cocteau, qui ne trahissait rien d'autre qu'une nature sincère, entière et courageuse.

Née en 1899 dans une famille de musiciens au Perreux-sur-Marne, fille d'Adhémar Sablon, chef d'orchestre et compositeur à succès, sœur de Marcel, futur directeur de théâtre, d'André, compositeur et chef d'orchestre, et de Jean Sablon, la star internationale, Germaine fait tout comme ses frères l'objet d'une solide éducation musicale. Formée au piano, au chant classique auprès de Bora Lévy et à l'harmonie, elle fréquentera les cours de comédie de Charles Dullin. Germaine se rêve cantatrice et se destine à l'opéra-comique. Si elle se produit notamment à la Gaîté-Lyrique dans les Cloches de Corneville, elle se voue principalement à l'opérette et ce dès 1915. Mariée en 1918 à Maurice Bloch, elle divorce de lui pour épouser Jean Legrand, fils du propriétaire du Journal de Valence, où elle s'installe, délaissant sa carrière et donnant bientôt naissance à deux fils, Pierre et André.

Elle retrouve Paris en 1931, y enregistre son premier disques et effectue son premier tour de chant l'année suivante. En 1933, elle passe à l'ABC et crée la version féminine d' Ici l'on pêche de Jean Tranchant (enregistrée en 1934) alors que son frère Jean en donne la première version masculine, qu'il enregistrera plus tardivement. Adepte d'une nouvelle chanson française, Germaine participe de la veine novatrice ouverte par Mireille, Pills et Tabet, Jean Tranchant et son frère Jean Sablon : des airs empreints d'un rythme et une poésie inédits, servis par les musiciens de premier plan que seront Wal-Berg, Fred Adison, Michel Warlop, André Ekyan. Django Reinhardt l'accompagne en 1934 et 1935 (Un Amour comme le nôtre, duo avec Jean Sablon). Une modernité qui n'excluera pas un répertoire plus traditionnel (Aux Marches du Palais) et des emprunts à d'autres interprètes tel Mon Légionnaire (1937), créée par Marie Dubas, sans compromettre cependant une unité de style servie par une personnalité forte et originale. Germaine retrouve la scène de l'ABC en 1936 et 1939.

Au cœur de l'hiver 1939-1940, elle chante pour les soldats de la ligne Maginot. Elle descend dans le Midi dès 1940, chez sa mère, à Agay, y accueille Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon, résistants tout comme elle et organise pour le réseau d'évasion Hugo le départ et l'embarquement nocturne d'officiers français, polonais et alliés à destination de Londres et Gibraltar, avec l'aide d'André Gillois et André Girard. Son groupe démantelé, elle se rend en novembre 1942 à Barcelone à pied afin de gagner le Portugal pour rallier de Gaulle à Londres le 6 février 1943.
Un soir de mai, accompagnée de Joseph Kessel et Maurice Druon, elle se rend au Club français de Saint James Park. Emmanuel d'Astier souhaite qu'ils y entendent Guerilla song, interprété et joué par sa compositrice Anna Marly qui s'accompagne à la guitare. Voilà deux semaines qu'André Gillois et Emmanuel d'Astier recherchent un indicatif pour le nouveau programme résistant français de la BBC, Honneur et patrie, émis depuis Londres. Ils le diffusent, simplement sifflé par Claude Dauphin, dépourvu de ses paroles, mais souhaitent en faire un hymne emblématique de la Résistance et pensent que Jeff, qui collabore à Honneur et Patrie, pourra les écrire. Pour sa part, Germaine souhaite que Jeff et Maurice, qui lui ont déjà écrit deux chansons, l'aident à renouveler son répertoire. Inspirés par l'air qu'ils viennent d'entendre, Jeff et son neveu lui trouvent des paroles, ne conservant de l'oeuvre originale qu'une ou deux idées, telle l'image des corbeaux. Germaine transpose dans la nuit la chanson dans un petit carnet et l'enregistre dès le lendemain, le 30 mai, aux studios d'Ealing pour Alberto Cavalcanti. Elle devient ainsi la créatrice du Chant des Partisans. Le cinéaste, à la recherche de deux chansons à joindre à la Marseillaise pour compléter Pourquoi nous combattons (Three Songs about resistance), l'inclura dans sa trilogie. Le texte sera également imprimé dans les Cahiers de la Libération et largué par la RAF sur les territoires occupés. Germaine la popularisera et enregistrera le disque à Paris en 1946 à la réouverture des studios.

Aux ordres de la 1ère Division française libre, elle se retrouve infirmière pour les ambulances de Lady Spears dans les campagnes de Tripolitaine. Marraine du 22e bataillon de marche nord-africain, elle en est nommée « soldat d'honneur ». Elle sera également de la campagne d'Italie, où elle sera blessée au Mont-Cassin, et de France, participant à la libération de l'Alsace.

Démobilisée le 18 juin 1945, Germaine se produit en Suisse puis s'envole pour rejoindre son frère Jean au Brésil, où ses fils ont passé une partie de la guerre avant de combattre dans les armées de la libération. Elle entame une tournée brésilienne avec Jean (notamment au Casablanca à Rio)et l'accompagnera en Amérique du Sud puis aux Etats-Unis, ne négligeant pas les studios de radio chers à son benjamin. Elle se produira encore en 1950 au Blue Angel à New York puis au Canada et devient à sa façon une ambassadrice de la chanson française à l'étranger. Déjà porteuse de la Croix de guerre avec palmes, Germaine sera décorée de la Légion d'honneur en 1951 pour ses faits de guerre. Egalement « Officer » des Vétérans des Foreign Wars (USA), elle sera maintes fois honorée. Elle continue de fréquenter les scènes (Concert Pacra, Paris), les studios d'enregistrement (à l'occasion pour Walt Disney) et de cinéma jusqu'en 1955. Une carrière cinématographique de seize films aux côtés d'Henri Garat, Reda Caire ou Pierre Brasseur, débutée dès 1919 (La Double existence du docteur Morat) et close avec La Foire aux femmes (1955), entre autres dirigée pas Diamant-Berger, Lacombe, Cavalcanti ou Delannoy. Retirée dans sa villa la Maritana à Agay, Germaine partage la vie de Georges Raynal, ancien maire de Saint-Raphaël. Elle s'éteint le 17 avril 1985.


Auteur : Philippe Jadin