Plaque à la mémoire d'Eugène Pons, Lyon
Légende :
Né le 15 mai 1886 à Saint-Etienne (Loire), maître imprimeur à Lyon, Eugène Pons contribua à l'impression de différents journaux clandestins. Déporté, il meurt le 24 février 1945 à Hambourg Neueugamme (Allemagne).
Situation : 21 rue René Leynaud à Lyon
Genre : Image
Type : Monuments et plaques
Producteur : Mylène Babolat
Source : © Cliché Mylène Babolat Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : Juillet 2020
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon
Contexte historique
Eugène Pons est né le 15 mai 1886 à Saint-Etienne (Loire). Sa mère, Marie Jay, qu’il perdit enfant, était institutrice et son père, Victor Pons, journaliste. Eugène Pons a épousé Rose-Adrienne Lavanière le 28 janvier 1913. Un fils, Marcel, naquit le 13 décembre de la même année. Profondément chrétien, pratiquant depuis son plus jeune âge, il adhéra au Sillon, mouvement de Jeunes chrétiens créé par Marc Sangnier, à l’adolescence.
Eugène Pons participa à la Grande guerre. Un second fils, Albert, naquit le 22 juin 1916 alors qu’il était toujours au front. Un peu plus tard, le régiment d’infanterie auquel il appartenait quitta l’est de la France pour embarquer à Marseille, direction Salonique (Grèce). Il y contracta le paludisme. Il a été décoré de la croix de guerre et la médaille d’Orient.
Eugène Pons retrouva Lyon en 1918. De retour à la vie civile, il devint comptable dans une fabrique de parapluies puis dans une entreprise de fruits et légumes au marché du quai Saint-Antoine à Lyon. Albert, le cadet de ses enfants, mourut le 4 décembre 1920 de la grippe espagnole. Le couple aura par la suite cinq autres enfants.
En plus de ses engagements dans les institutions chrétiennes, Eugène Pons prit des engagements politiques au sein de Jeune République, mouvement politique à tendance chrétienne. De nombreux futurs résistants de la Seconde guerre mondiale à Lyon, s’y côtoyèrent comme Antoine Avinin, l’un des fondateurs du mouvement Franc-Tireur ou Joseph Folliet. Les réunions du secteur « croix-rousse » se passaient souvent chez les Pons, rue Denfert-Rochereau.
Plus tard dans l’entre-deux guerres, un ami, Georges Neveu, lui proposa de prendre la gérance de l’Imprimerie de la Source, 21, rue de la Vieille Monnaie à Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse. À la déclaration de guerre, cette entreprise employait une vingtaine de personnes. Dès l’armistice, Pons est résistant. Il commença par confectionner des tracts qu’il diffusait sur la ville. Il s’agissait soit de tracts issus de sa prose, teintés de christianisme, soit paradoxalement de tracts communistes. En effet, quand André Liebherr, cadre de l’Humanité avant-guerre vint lui demander d’imprimer des tracts communistes, il n’hésita pas : toutes les bonnes volontés étaient bonnes pour contrer le nazisme.
En mai 1941, Jean Stetten-Bernard vint à son tour consulter Eugène Pons. Il demanda à ce dernier d’imprimer un tract en réponse au président des Etats-Unis Franklin Roosevelt, tract expliquant que le peuple français ne voulait pas collaborer. Il accepta, travailla toute la nuit, et le tract était prêt le lendemain. Par la suite, Stetten fut un compagnon important.
Pons collabora dès le départ à l’aventure du mouvement Témoignage Chrétien et du journal éponyme. Les deux premiers numéros furent imprimés par Joseph Martinet de Villeurbanne, Pons les diffusa autant qu’il le put mais n’avait pas au début, les équipements adéquats pour imprimer ces épais journaux. Par la suite en mars 1942, à partir du troisième numéro, tous les Cahiers et Courriers du Témoignage chrétien passèrent sous ses presses. Ce furent le père Chaillet et Louis Cruvillier qui vinrent le solliciter. Pons confiait en général le brochage des journaux à son confrère Louis Besacier. Ce fut ce dernier qui prit en charge l’impression de Témoignage chrétien quand Pons fut arrêté en mai 1944.
Il imprima également Franc-tireur dans les premiers mois de 1942, vraisemblablement au moment où Henri Chevalier ne voulait plus imprimer cette feuille clandestine du fait de divergences idéologiques, ainsi que La Marseillaise. Il collabora régulièrement avec André Bollier et le mouvement Combat, le volume important imprimé par ce dernier nécessitait plusieurs imprimeurs. Combat était la plupart du temps composé par Joseph Martinet mais il arriva qu’Eugène Pons rende service quand la demande était trop forte.
Son activité officielle d’imprimeur marchait à plein régime en journée ; la nuit, le samedi et le dimanche, les presses tournaient pour la Résistance. Rapidement, Pons fut aidé par quelques-uns de ses employés. Malgré tout, quand la plupart terminaient leur service le samedi midi, le contremaître Verrier revenait ainsi que les ouvriers Charles Planchet (né en 1896) et Pierre Barnier (1920-1997). Une fois réalisées, les épreuves étaient transportées à Fourvière par Adrien Némoz (né en 1919) ou Fernand Belot (1917-1944) afin d’être corrigées par le Père De Lubac (1896-1991).
Ce fut Eugène Pons qui fut chargé de l’impression du célèbre « faux » Nouvelliste daté du 31 décembre 1943. L’histoire du « faux » Nouvelliste compta parmi les opérations les plus spectaculaires de la Résistance à Lyon. L’idée fut de remplacer, dans les kiosques, le journal collaborationniste Le Nouvelliste par un faux. Le contenu du « faux » relatait les exploits des maquis et de la Résistance, ainsi que les échecs de l’Allemagne ; et cela eut comme deuxième effet de ridiculiser le vrai Nouvelliste. Eugène Pons et son gendre Pierre Barnier s’occupèrent en un week-end, de l’impression de 25 000 exemplaires. Francisque Vacher (du journal Le Progrès) qui travaillait pour l’imprimerie de la rue Viala, grava un cliché du titre, Pons ne disposant pas de caractères analogues à ceux du Nouvelliste. Sous couvert de censure, l’équipe du « faux » Nouvelliste se rendit dans de nombreux kiosques sélectionnés avec soins, pour remplacer les vrais numéros par les faux. Les itinéraires des véhicules des Messageries Hachette, habituellement chargés de la distribution du Nouvelliste, furent en amont minutieusement étudiés, les habitudes des employés épiées. La voiture stoppait, l’un des hommes en descendait, annonçait au vendeur que le Nouvelliste était censuré par les autorités allemandes et qu’un autre exemplaire devait être vendu à sa place. Ce n’est qu’à 8 heures du matin que le subterfuge fut découvert.
À partir du début de l’année 1942, Eugène Pons fabriquait aussi des faux papiers. Ces papiers servaient à l’évasion de prisonniers français en Allemagne. Au cours de la guerre, plusieurs centaines de prisonniers ont ainsi pu être libérés.
Le 21 mai 1944 vers midi, la Gestapo entrait dans l’imprimerie, fit sortir tous les employés et perquisitionna l’atelier, mais ne trouva rien de compromettant. Pourtant de nombreux éléments de la Résistance étaient accessibles. Cependant, un ouvrier, Charles Lang, qui crût bon de servir d’interprète car maîtrisant parfaitement l’allemand, fut arrêté. Etant d’origine alsacienne, il fut gardé prisonnier car considéré comme Allemand. Faute de preuves à charge, Eugène Pons fut libéré mais protesta avec véhémence pour protéger son ouvrier. On l’emprisonna. Interné à la prison de Montluc, Pons fut transféré le 1er juillet 1944 au camp de transit de Compiègne. Le convoi qui le menait vers la mort quitta Compiègne le 15 juillet 1944. 1500 hommes étaient entassés dans des wagons à bestiaux. Le train avait pour terminus le camp de Neuengamme. Agé de 60 ans, Eugène Pons mourut d’épuisement le 24 février 1945.
Dans la Résistance, Eugène Pons se faisait appeler La Source ou Pilate.
Eugène Pons fut reconnu "mort pour la France". Il avait reçu dès 1943 la médaille de la Résistance. Il a été fait officier de la Légion d’honneur à titre posthume et décoré de la croix de guerre. Une rue porte le nom d’Eugène Pons dans le quatrième arrondissement de Lyon (Conseil municipal, délibération du 26 novembre 1945). Une plaque a été apposée au 21 rue René Leynaud : « A la mémoire du résistant Eugène Pons, 1886-1945, Maître imprimeur mort en déportation au camp de Neuengamme le 24 février 1945, souvenez-vous ». Un hommage lui est aussi rendu sur une plaque collective à l’église Saint Eucher, située aujourd’hui, rue Eugène Pons à Lyon.
Notice PONS Eugène [PONS Eugène Flavien, pseudonyme : La Source, Pilate] par Régis Le Mer, mise à jour par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 1er avril 2017, dernière modification le 20 avril 2019.