L’Organisation juive de combat et la libération de Paris

Légende :

L'immeuble du 84 rue de Grenelle, quartier général de la section parisienne de l'Organisation juive de combat (OJC) en août 1944.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Musée Carnavalet, Paris Droits réservés

Détails techniques :

Photographies analogiques en noir et blanc

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Contexte historique

C’est au début de l’année 1944 que l’Organisation juive de combat (OJC) constitue un groupe dans la capitale autour d’André Amar, César Chamay et Ernest Appenzeller. Des éléments actifs de la Sixième, organisation clandestine dirigée à Paris par Simon Levitte, rejoignent la formation, notamment le groupe dirigé par Tony Gryn et Lucien Rubel.

Entre le 17 et le 19 juillet 1944, la répression frappe le groupe et les principaux responsables sont arrêtés par la Gestapo. Face à cette hécatombe, la direction de l’OJC implantée à Toulouse décide de faire venir à Paris des éléments de province, notamment de Nice, afin de reconstituer le groupe et contribuer à la libération de la capitale. La nouvelle formation comprend entre autres Tony Gryn, Lucien Rubel, Isidore Pohorylès, Rachel et Nelly Cheigam, Betty Knout ou encore Marc Lévy. A ce groupe se joint Albert Akerberg, chef de la Sixième à Paris. Ils sont rattachés au groupe franc Alerte du MLN commandé par le capitaine Pierre Galais dit "Charcot-Neuville".

Leurs réunions se tiennent dans l’appartement que Tony Gryn loue au 85 boulevard Saint-Michel, au-dessus du foyer des étudiants en pharmacie, puis au 84 rue de Grenelle qui devient le quartier général de l’OJC à Paris. Rachel Cheigam a témoigné de l’ambiance qui y régnait : "Pendant ces jours de la Libération, nous nous étions tous installés rue de Grenelle, si bien que dans ce petit appartement nous étions une vingtaine à dormir. Nous couchions par terre, sous la table, sous le piano ou bien sur le lit mais à quatre ou cinq. Pour nous, la rue de Grenelle n’était pas le quartier-général mais la maison", "C’était un tout petit appartement de trois pièces, au premier étage, donnant sur une cour, assez sombre, et meublé d’une manière très vieillotte. Dans un poêle qui devait dater du temps de mon arrière-grand-mère, nous faisions parfois brûler quelques bouts de bois pour essayer de faire cuire un peu de nourriture, car le gaz était coupé à cette époque. Nous étions tous plus ou moins fauchés, et de toute façon le ravitaillement était quasiment nul à Paris ; nous mangions surtout des pâtes. Mais l’atmosphère était chaude, fraternelle, amicale"

Le groupe franc dispose de quelques armes dont la plupart ont été ramenées de Toulouse par Betty Knout. Rachel Cheigam se rappelle que l’huile de leur dernière boîte de sardines a servi à nettoyer cet armement.

Le 18 août 1944, un commando composé d’Albert Akerberg, Lucien Rubel, Tony Gryn, Marc Lévy et Isidore Pohorylès, muni d’un ordre de mission signé du colonel Rol-Tanguy, prend possession du camp de Drancy. Le lendemain, ils investissent le siège de l’Union générale des israélites de France (UGIF) et arrêtent son président, Georges Edinger. Albert Akerberg se rend dans le bureau de l’agent comptable et se fait remettre la caisse, ce qui permet de commencer immédiatement le travail social, surtout envers les Juifs qui commençaient à sortir de leurs planques.

Le 19 août, le groupe franc Alerte est affecté à la protection du poste de commandement du colonel Rol-Tanguy, place Denfert-Rochereau. Une partie du groupe de l’OJC se joint à lui, tandis que d’autres combattants juifs reçoivent l’ordre de garder le Petit Pont, près du parvis de Notre-Dame. De garde à proximité du pont Saint-Jacques, Tony Gryn participe à la capture d’un camion allemand contenant des mines qui sont ensuite utilisées pour la protection de la Préfecture de Police : "Lorsque la révolte a été proclamée à la Préfecture de police le 19 août, nous avions la garde du Petit Pont car on attendait une attaque de tanks allemands. Un camion allemand a été capturé sur le Parvis Notre Dame, par un de nos camarades espagnols, Albert, qui était notre instructeur militaire, et par moi-même qui suis arrivé en motocyclette juste à ce moment. C’était pendant les heures où il y avait un cessez-le-feu entre les Allemands et la Résistance. Le conducteur a dit que ce camion était rempli de vêtements. Nous avons fait prisonnier un SS qui venait de tirer une grenade que, heureusement, il n’a pas eu le temps de lancer. Heureusement aussi que les camarades postés aux fenêtres de la Préfecture, et qui avaient commencé à tirer, n’ont pas atteint le camion, car lorsque nous avons fait rentrer ce véhicule dans la cour de la Préfecture, nous nous sommes aperçus qu’il était plein de mines et de nitroglycérine. Il y avait là de quoi faire sauter et le pont, et l’aile de la Préfecture, et peut-être Notre-Dame. Dans le film Paris brûle-t’il ?, on voit une scène analogue avec un camion capturé sur le parvis Notre-Dame, mais il n’est pas fait mention de nous, car évidemment les personnes qui ont été témoins de cet événement ne savaient pas qui nous étions".

Rachel Cheigam, quant à elle, reçoit pour mission principale de transmettre les ordres de mission aux différents groupes. Elle rejoint ensuite le groupe chargé de la protection du PC de Rol-Tanguy ; garçons et filles s’installent dans la gare Denfert-Rochereau et assurent la garde de jour comme de nuit.

Le groupe franc Alerte a également pour mission de faire le "nettoyage" du quartier de Denfert-Rochereau et d’arrêter collaborateurs et soldats allemands. Tony Gryn l'évoque dans son témoignage de 1973 : "Nous ne savions plus quoi faire de nos prisonniers. Nous avons d’abord occupé un petit hôtel du quartier, puis nous avons décidé d’occuper l’hôtel Moderne, place de la République. Nous avons installé nos prisonniers avec nous dans les chambres de cet hôtel.(…) Heureusement, peu de temps après, on a organisé des camps de prisonniers dans les casernes et autres lieux, et nous avons remis nos prisonniers à la Police Militaire, bien contents d’en être débarrassés".

Le 26 août, le groupe franc juif a la satisfaction de prendre part au défilé triomphal du général de Gaulle sur les Champs-Elysées. Tony Gryn se souvient : "Notre section a la charge d’assumer une partie du service d’ordre. Nous sommes tous revêtus d’un uniforme bleu marine…de la milice pétainiste, dont nous avions confisqué un stock, quelques jours auparavant. Mais nous arborons fièrement le brassard aux trois couleurs avec FFI brodé dessus. Mitraillette au poing – une de nos mitraillettes apportées de Toulouse par Betty Knout – je suis installé sur l’aile avant d’une voiture pour assurer notre garde".


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 18 P 128 (Organisation juive de combat).
« France 1940-1945 : Des Juifs en résistance », Revue d’histoire de la Shoah ; n°152, septembre-décembre 1994.
Mémorial de la Shoah, Paris :
- CMXXV_12_2 - Attestation du lieutenant Rubel, 20 octobre 1944, dressant une liste des membres du groupe franc Alerte
- DLXI-3 - Témoignage d’Albert Akerberg, février 1973
- DLXI-15 - Témoignage de Rachel Cheigam, avril 1973
- DLXI-35 - Témoignages de Tony Gryn, 1973-1975

Anny Latour, La Résistance juive en France, Paris, Stock, 1970.