Le drapeau à Croix de Lorraine de Joséphine Baker
Légende :
"Gala des Ailes" au théâtre Paramount à Paris, 21 novembre 1944.
Genre : Image
Type : Photographie
Producteur : Gasquet et Bouclaud / Service cinématographique de
Source : © ECPAD / Défense / AIR 142-3141 Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique noir et blanc
Date document : 21 novembre 1944
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Analyse média
Le débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 11 novembre 1942 réconforte Joséphine Baker alors hospitalisée depuis de longs mois. Elle entrevoit enfin l'espoir de voir son pays d'adoption, la France, libéré de l'occupant nazi. Dès sa sortie de l'hôpital, elle décide de remonter sur scène et de se produire au profit des forces alliées. Elle participe ainsi au théâtre aux armées alliées dirigé par le colonel Meyers, ami du général Eisenhower. En parallèle, elle veut soutenir le général de Gaulle dont elle est une fervente partisane.
Le général Billotte, chef d'état-major à Alger du général de Gaulle, accepte l'idée d'une tournée officielle de propagande de Joséphine Baker. Ces galas et concerts organisés au profit de la Résistance française sont placés sous le patronage du Général.
La première représentation se tient à l'Opéra d'Alger le 13 août 1943 avec la présence effective du général de Gaulle et de hauts responsables civils et militaires français et étrangers.
Frédéric Rey, partenaire de Joséphine sur scène, raconte : « Nous réglions les éclairages lorsque Joséphine dit : "Ce serait fantastique si un grand drapeau tricolore pouvait être déplié sur la scène... avec une croix de Lorraine !" Bien entendu, un tel drapeau n'existait pas. "On va le faire ! dit-elle. Ce n'est pas difficile de trouver du tissu blanc, du tissu bleu et du tissu rouge !" [...] Le rideau se leva donc sur le jazz américain qui "chauffa" la salle. À l'entracte, l'officier d'ordonnance demanda à Joséphine de se rendre dans la loge d'honneur du général. Émue, la main comprimant son coeur, elle se trouvait enfin face à face avec celui qu'elle suivait depuis l'appel du 18 juin 40. Le général lui céda son propre fauteuil. Quand elle revient en coulisses, elle tenait son poing crispé sur une petite croix de Lorraine en or... Jamais je ne devais lui voir un visage plus bouleversé. C'était le cadeau du général. Elle ouvrit la main, nous montra le bijou, la gorge si serrée qu'elle ne put articuler une parole. [...] Et quand, à la fin de la soirée, le grand drapeau se déplia avec son immense croix de Lorraine de six mètres tandis que sonnait la Marseillaise, la salle entière fut soulevée d'enthousiasme, d'émotion. Cela, c'était le cadeau de Joséphine au général de Gaulle. »
Durant la grande tournée de Joséphine au Moyen-Orient et au Proche-Orient, partout où elle chante, de Tripoli à Tel-Aviv en passant par Alexandrie ou Beyrouth, elle fait déployer sur scène ce drapeau français frappé d’une croix de Lorraine.
La France libérée, Joséphine Baker entame une série de galas philanthropiques au profit des oeuvres sociales de l'Armée, à Paris mais également dans le sud-est de la France, à Marseille, Cannes, Nice et Monte-Carlo. Dans son édition du 23 novembre 1944, le quotidien Ce Soir revient sur le concert offert par l'artiste sur la scène d'un cinéma de Marseille et sur l'histoire de ce drapeau : "Un capitaine qui a accompagné Joséphine Baker dans ses tournées en Afrique du Nord, en Syre, au Liban et en Egypte, me raconte que ce prestigieux emblème fut confectionné clandestinement dans une chambre minuscule et avec des matériaux de fortune. Pendant plus de deux ans, il a symbolisé la France combattante, servi sa propagande et rallié autour de lui les forces patriotiques françaises et indigènes, ainsi que d'innombrables sympathies étrangères." Le journaliste poursuit : "C'est un drapeau déjà glorieux qui, après avoir attiré à lui d'énormes sommes d'argent au profit de la Résistance, étale aujourd'hui ses plis pour la première fois devant un public métropolitain".
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources :
Ce Soir et L'Echo d'Alger sur gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Joséphine Baker et Jo Bouillon, Joséphine, Éditions Robert Laffont, 1976.