HISTORIQUE DU « RESEAU MAURICE »
Légende :
Monuments aux morts dédiés aux martyrs du CDM, Camouflage du Matériel de l’Armée, érigé dans la cour d’honneur du 3° RMAT à MURET.
Type : Image
Producteur : Olivier Matet
Source :
Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Haute-Garonne
Analyse média
Réseau militaire de renseignements et d’évasion crée par le CDM.
Contexte historique
Depuis 2004 que cette étude ait été réalisé, que Monsieur Michel GUILLOU a bien voulu l’héberger sur sont site internet, elle est devenu une référence sur le « Réseau MAURICE ». En mettant à disposition du public ces documents je voulais rendre hommage à tous ces noms trop vite oubliés des livres d’histoires. Parce qu’au cours de mes recherches j’ai aussi été confronté à des gens pour qui le nom d’une personne s’il ne le connaissait pas, ne pouvait être qu’un « « imposteur ». Sans se demander si le fait de n’avoir jamais eu entendu prononcer son nom tenait peut-être au fait que « l’imposteur » avait travaillé dans des services officiels « discrets ».
Hommage aussi à mon grand-père qui envoya son unique fils de 17 ans remettre les plans des installations du VERDON à un agent de l’INTELLIGENCE SERVICE, dans un bar de Bordeaux. Mais pouvait-il faire autrement après que les trois enfants de Pierre MONTEL furent déportés dans les camps nazis et assassinés. Hasard ou clin d’œil, le QG du « réseau Maurice » commença à fonctionner le 1° Février 1943. Quatorze ans après jour pour jour je naissais. Je ne crois plus au hasard depuis longtemps !
En complétant aujourd’hui cette étude sur le « Réseau MAURICE » je voudrais exaucer le vœu de Monsieur André HALLARD (décédé) « ancien membre de la section de Commandement des services spéciaux de Madrid pendant l’occupation ». Cité dans le livre du Colonel Rémy « MORHANGE ». Président de « l’association pour le mémorial aux martyrs du Camouflage de Matériel Militaire ». Le CDM. Avant de décéder il voulait inaugurer une plaque commémorative à Monferran-saves, en hommage à toutes les personnes citées ci-après et d’après les documents originaux en ma possession. En souhaitant que ce vœu puisse se réaliser…. !
Projet de plaque commémorative rédigé par André HALLARD.
Dans cette demeure, le réseau MAURICE a établi son PC le 1° février 1943. Réseau militaire de renseignements et d’évasion crée par le CDM. « Honneur et Reconnaissance » Le « réseau Maurice » qui de 1943 à 1944 a fait évadé de France : 329 militaires, tous spécialistes, 350 aviateurs alliés, plusieurs centaines de militaires Polonais, avait son PC dans cette maison, grâce à Monsieur MATET, maire et Conseiller général du Gers. Décédé en 1976 dans le Transsibérien à KIROV, Sibérie.
A Monsieur Henri MATET, CDM depuis 1940.
Au Général MOLLARD, fondateur du CDM dés 1940 et « MAURICE » en 1943. Déporté, son fils mort, assassiné à DORA.
Au Général NOETINGER, ses deux fils tués au combat.
Au Général ZDROJEWSKI, commandant en chef de l’armée Polonaise en France.
A Monsieur MONTEL, ancien ministre. Trois fils morts en déportation.
A Jean-Louis VIGIER, ancien Maire de Paris, authentique martyr, chef du réseau Maurice.
Au Général SCHLESSER du 2° Dragon, évadé de France.
Au Colonel CAVARROT, organisateur Maurice.
Au réseau MORHANGE, légendaire résistant.
A l’armée Polonaise en France, décisive lors du débarquement.
Aux guérilleros Espagnols en France et en Espagne.
Aux passeurs, Français, Espagnols, Polonais.
Aux religieuses du Préventorium de Monferran-saves.
Aux 120 fusillés ou morts en déportation des réseaux CDM et « Maurice ». 20 tués sur place, 10 fusillés du réseau Maurice.
Aux résistants anonymes, aux patriotes maquisards.
Pour que soit connu le sacrifice de ses Français patriotes, anonymes, des Maires, conseillers généraux, députés, sénateurs, à leurs martyrs, fusillés ou déportés, qui avec les militaires de l’armée d’active on voulu continuer le combat, souvent pour mourir et sauver ainsi l’honneur de la France et la liberté.
HISTORIQUE DU « RESEAU MAURICE »
Réseau militaire de renseignements et d’évasion crée par le CDM.
Catégorie : Le « réseau MAURICE » était un réseau de renseignements et d’évasion sur l’Afrique Française du Nord, via les Pyrénées et l’Espagne.
Nom du chef de réseau : Le réseau fût créé par le Général MOLLA.RD, Emile, dit « DUBOURG », créateur et chef du Service du Camouflage du Matériel (C.D.M.); et dit « MAURICE » au titre du réseau qui a pris son nom.
Le Général MOLLARD a été arrêté par la gestapo le 7 septembre I943 et déporté en Allemagne. Le chef et organisateur du réseau était Le Lieutenant-colonel CAVAROT Henri, dit : « VINBOIS », »JACQUES », CAMPAN ».
Date de création : le 1 Février 1943.
Missions du réseau et liaisons : Renseignements militaires et acheminements sur le B.C.R.A. d’ALGER de ces renseignements et de personnels demandés par l’Armée Française s’organisant en A.F.N (Officiers, sous-mariniers, aviateurs, conducteurs et monteurs de chars ; candidats eux Ecoles militaire, etc...) par franchissement des Pyrénées et traversée de l’Espagne.
Acheminements également d’officiers aviateurs alliés.
Les acheminements de courriers sur l’Afrique du Nord se faisaient, via les services français de BARCELONE et MADRID (services du Colonel MALAIS), une fois par dizaine environ (trois fois par mois). Les évasions se faisaient irrégulièrement selon les effectifs des passagers, la situation des pistes et leurs possibilités du moment. Les indicatifs étaient : « DUBOURG », « JACQUES », ou « DEBIT DE TABAC YVES ». Il est passé par les pistes du « réseau MAURICE » : 329 « passagers Français (officiers, Sous-officiers, Spécialistes, etc…).
Les pertes ont été de 20 « passagers » tués sur place ou déportés. 350 aviateurs alliés dont une cinquantaine par les pistes des Pyrénées Orientales (signe de reconnaissance « LOUIS BRUN «) et trois cents environ par les pistes de l’Ariège (signe de reconnaissance. « GRIMAUD«).
Implantation du réseau MAURICE :
Le P.C. du réseau a fonctionné : - à MONFERAN-SAVES (Gers), aux environs de Toulouse du 1 Février 1943 au 31 Octobre I943. Henri MATET Maire du village installa le poste de commandement du réseau au sein de l’Orphelinat de Saint Joseph de Guebwiller (replié à Monferran-Savès) où la Supérieure, Madame Cécile Van den Driessche, en religion : Sœur Paulaine, en assura l’organisation et la permanence. Elle devait par la suite devenir un très actif agent de liaison du réseau, assistée en cela par Sœur Alfrédine. Si la famille de ces deux religieuses se reconnaît, merci de prendre contact avec l’auteur de cette étude pour recueillir photos et témoignages. Merci. Sœur Paulaine, lors d’un déplacement routier fut amenée à cacher sous son habit de religieuse un aviateur Anglais, franchissant ainsi tous les barrages. Henri Matet conduisait la voiture. - à PARIS du 10 Novembre 1943 à la 1ibération.
Le réseau se répartissait ainsi :
Groupe « MAURICE l » (VALLS DE GOMIS) à PERPIGNAN et opérant dans les Pyrénées Orientales et sur le littoral méditerranéen de MARSEILLE à la frontière espagnole.
Groupe « MAURICE II) (l’AIGLE). Ayant une équipe dans le Nord et une équipe dans le Cotentin.
Groupe « MAURICE III » (FATIGUE) dans l’Ariège.
Groupe « MAURICE IV » (ELAUD). Dans les Pyrénées Atlantiques et les Hautes Pyrénées.
Groupe « MAUR1CE V » (JOURDAN). Sur le littoral méditerranéen de MARSEILLE à la frontière italienne. Ce groupe a été rattaché le 10 Mai 1944 au réseau « SAMSON ».
Groupe « MAURICE VII » (LERIN). Dans la région de TOULOUSE -AGEN - MONTAUBAN Groupe « MAURICE VIII » (ISOLES). Opérant à PARIS avec pointes à VICHY et à WIESBADEN.
Groupe « MAURICE IX » (HUMBERT). Opérant à PARIS.
Effectifs et pertes :
Les effectifs du « réseau MAURICE » ont été de: 316 Agents se répartissant en :
• 39 agents de la catégorie « P.2.»
• 179 agents de la catégorie « P.I.»
• 98 agents de la catégorie »O« . 31 de ces agents « PI » et « O » ont été assimilés à la catégorie « P.2 » du fait de leur déportation.
Sur ce total de 3I6 agents : 61 ont été arrêtés ( dont 33 ont été déportés}. 11 sont morts (fusillés ou morts en déportation). 4 sont de grands blessés. Il reste à signaler que le chef du « réseau MAURICE » a mis sur pied le 10 avril 1944 le Groupe « AIL « du réseau » ALIBI ». Ce groupe a été constitué par une ossature de 11 agents du réseau » MAURICE et de 21 agents nouveaux n’appartenant pas au réseau MAURICE.
HISTORIQUE DU RESEAU MAURICE
Fait le 6 Octobre 1968 au Congrès de Versailles du réseau C.D.M, « Camouflage Du Matériel ». Par Jean-Louis VIGIER, Chef du Réseau, Ancien Président du Conseil Municipal de Paris et Sénateur de la Seine.
Le Général MOLLARD, Chef du Réseau CDM, Fondateur du réseau MAURICE, après avoir remercié Monsieur et Madame FLOIRAT ainsi que Madame Simone CREANGE d’avoir rejoint Versailles dans la nuit. Après avoir présidé samedi toute la journée la remise des Bourses de l’Avenir du Périgord, il complimenta les congressistes présents d’être venus nombreux à Versailles malgré les changements intervenus dans la désignation du lieu de réunion et salua avec plaisir le groupe dit des « Catalans » qui, la veille, pour la première fois, participaient à nos assemblées.
Après ces remerciements adressés à tous et également à ceux qui comme le Lieutenant colonel MORAINE se sont dépensés avec un inlassable dévouement pour que cette journée soit une réussite parfaite et ce fut effectivement le cas. Le Général MOLLARD exposa les conditions dans lesquelles fut créé le Réseau « Maurice » en février 1943. Les liaisons prises avec les Forces Françaises Libres à Alger nous permettaient de recevoir quelques directives (notamment celles de demeurer en Métropole) et de connaitre les besoins de l’Armée d’Afrique et techniciens d’aviation, de chars, etc.
A l’initiative des Commandants RISON et CAVARROT, soutenus et animés par le Colonel NOETINGER et le groupe C.D.M. de Toulouse, il fut décidé de rechercher les moyens de faire franchir la frontière espagnole aux volontaires désireux de servir en Afrique du Nord avec priorité pour les techniciens de l’Armée. Par la même occasion, les renseignements recueillis seraient transmis à Alger et la liaison maintenue entre le C.D.M. et les Forces Françaises Libres. Par Jean-Louis VIGIER, neveu du Colonel NOETINGER et agent du Réseau C.D.M. à Toulouse, catalan d’origine, la nouvelle organisation qui n’avait pas encore de nom, trouva tout de suite une aide précieuse dans la Résistance Catalane, disposant déjà de filières pour le franchissement de la frontière espagnole, catalans d’origine espagnole et française dirigés par notre amis Valls de Gomis.
Dans le but d’éviter aux passager clandestins un séjour prolongé sur le territoire espagnol ou de moisir dans les geôles madrilènes, il fut décidé de prendre un contact direct avec les services secrets et résistants français installés à Barcelone et Madrid. Cette mission fut confiée au Colonel NOETINGER dans des conditions qui furent narrées avec humour par le général. Elle fut parfaitement réalisée grâce au concours précieux du groupe catalan de Valls de Gomis et de ses camarades. C’est alors que le nombre des passages alla en augmentant, non sans quelques accrocs, jusqu’au jour du 7 Septembre 1943, alors que donnant à Monsieur MONTEL et au Commandant CAVARROT ses dernières instructions pour rétablissement d’une délégation C.D.M. en Espagne, la Gestapo a mis fin à la carrière résistante du général et fort heureusement à lui seul. C’est alors que le commandant CAVARROT donna le nom de « Maurice » au réseau d’évasion, du nom d’emprunt pris par le général après l’occupation de la zone sud par les allemands.
Après ce bref exposé de la naissance du Réseau MAURICE, le général donna la parole à JeanLouis VIGIER pour en faire l’historique : "Le 10 Novembre 1942 la zone sud de la France était envahie. Dès lors, les exigences du combat dans lequel beaucoup d’entre nous s’étaient engagés depuis longtemps étaient modifiées. Ainsi, le réseau MAURICE vit-il le jour. J’ai reçu de notre chef, le Général MOLLARD, à qui je suis heureux de renouveler l’expression du respectueux attachement des membres du réseau Maurice, la mission de vous présenter un rapport sur l’activité de ce réseau. C’est pour moi un redoutable honneur. Je voudrais vous rassurer, si je souhaite ne rien oublier d’essentiel, je tiens aussi à ne pas retenir trop longtemps l’attention de ceux qui ont fait des centaines de kilomètres pour se retrouver . Je précise que les services rendus par ses membres au réseau MAURICE, depuis sa création, s’ajoutent à ceux qu’ils ont pu rendre antérieurement à la Résistance, contre I »Hitlérisme qui, pour certains d’entre nous, a commencé avant même l’occupation de la France. Ainsi l’invasion de la zone Sud amena-t-elle le chef du C.D.M. à créer un nouveau réseau plus spécialement destiné aux passages. Il baptisa ce réseau « MAURICE » et confia, comme il vient de vous le dire, le soin de le remettre sur pied au Colonel CAVARROT, à qui je dois une partie importance de la documentation qui m’a été nécessaire. Je lui adresse l’expression de mon affectueuse gratitude. On était en contact avec le Colonel NOETINGER, mon oncle, dont il demanda la collaboration. Mon oncle le dirigea sur moi, qui suis originaire des Pyrénées Orientales, né à quelques kilomètres de Perpignan. Le Colonel CAVARROT voulut bien faire aussitôt de moi son adjoint. Trop d’entre nous ici présents ont connu le Colonel NOETINGER
Pour que l’on ne me pardonne pas de consacrer quelques instants de votre attention à évoquer le souvenir d’un homme qui fut l’un des plus purs symboles et l’un des principaux recruteurs de la Résistance, tant par le travail qu’il a accompli que par la façon dont il l’a accompli. Cet Alsacien de souche, sa famille est originale de Molsheim, avait coutume de dire que l’honneur et le devoir avaient une résonance magique et qu’en les invoquant on pouvait tout obtenir de lui. C’était vrai. Mais il ne supportait pas d’accomplir ce qu’il avait décidé de faire au nom de ses principes sans montrer au grand jour la voie dans laquelle il s’était engagé. La clandestinité, il est vrai, lui convenait fort peu. Ses bureaux successifs, ses domiciles, furent rapidement transformés en centres de recrutement. Combattant, pendant l’affreuse débâcle, avec les derniers éléments de sa division encerclée par l’ennemi (il était Colonel Chef d’Etat-major de la 42ème D.I.) il parvint à s’échapper au moment où il allait être fait prisonnier. Il tenta de passer en Angleterre et après plusieurs échecs se résigna à se rendre en zone moins occupée. Il fut un des très rares combattants à avoir entendu l’appel historique du 18 Juin du Général de Gaulle. Il l’avait fort bien connu à Metz, qui avait été leur garnison commune. Il obéit aussitôt à cet ordre d’espérer et donna dès lors comme but à sa vie de faire partager son espérance.
Aux jeunes combattants, légitimement traumatisés par les conséquences d’une inconcevable humiliation et qui auraient volontiers songé à commencer par rechercher les coupables, il disait: « Vous tombez dans le piège de l’ennemi. Il s’agit maintenant de le chasser » .Il avait raison. Lorsque dès Juin 1940, on lui demandait : y aura-t-il une suite en France ? Il répondait sans hésitation « cette suite, nous devons la créer et la créer immédiatement ». Et il donnait l’exemple. Le 29 Aout 1940, il est nommé Commandant du 24ème Régiment d’Artillerie à Toulouse avec mission de le réformer. Dès lors, son bureau et aussi son domicile, 15 rue Ninau, grâce à l’accord de sa propriétaire, servirent de point de ralliement aux premiers résistants de la région et aux réfugiés qui venaient le rejoindre. Ce régiment, en effet, était composé de sous-officiers, en majorité alsaciens et lorrains. Il s’agissait pour une bonne part de prisonniers évadés qui l’avaient connu à Metz. Ainsi se créa avec le précieux concours d’une lorraine, Madame COLLAINE, une association des gens de l’Est qui fut en réalité l’une des premières associations de résistants.
Tous les premiers résistants de la région toulousaine étaient en rapport avec le Colonel NOETINGER. Ils furent mis en contact l’un l’autre, en général par lui. Je citerai au hasard le Général SCHLESSER, les Colonels CABANIER, POINTURIER, RISON, PELISSIERCARTON, et aussi TAILLANDIER, BONNEVAL, GUISSET et son fidèle collaborateur, HALLARD, ESPIT ALLIER, GARDIOL, CANDAU, CARLIER, Madame GILLES, MONIN, sans oublier Auguste LARQUIER, toulousain installé à Barcelone pour les besoins de la cause et j’en oublie, mais il m’est impossible de les citer tous. J’en ai rencontré des dizaines par son intermédiaire et souvent dans son bureau ou dans son appartement.
Il eut, dès qu’il le pût, une activité de renseignements. Notre camarade de GARDIOL m’a récemment appris que, dès 1940, par son intermédiaire et par l’intermédiaire de nos camarades CANDAU et CARLIER, des courriers étaient remis au Capitaine BRUNIER de l’aérostation de Toulouse-Pérignon Balma et étaient dirigés vers l’Angleterre. Certains d’entre eux venaient de Vichy et étaient transmis ou apportés par mes soins. Le Colonel réalisa également du camouflage d’armes, y compris dans le grenier de son propre appartement qui en était rempli. Le Ier janvier 1942, il est nommé Commandant du département de la Haute-Garonne. Il se découvre de plus en plus ouvertement. Il fournit des renseignements de plus en plus nombreux et s’engage plus encore dans le camouflage du matériel. Comment ce personnage que tous connaissaient et reconnaissaient, put-il n’être arrêté qu’en 1943 ? Il avait des complicités appréciables parmi les fonctionnaires à tous les échelons. Certains l’ont aidé avec efficacité et en prenant beaucoup de risques. Sa notoriété, ses qualités morales, son courage tranquille forçaient le respect de tous. Peut-être aussi se cachait-il si peu qu’il était impossible de deviner son activité réelle. Mais il finit par se trouver cependant dans une situation provisoirement assez comique : Commandant le département de la Haute-Garonne, l’entrée des portes de prisons, où il allait encourager des résistants arrêtés lui fut interdite, avant qu’il ne les franchisse, si je puis dire, pour son propre compte et pour être conduit à Evaux-les-Bains.
Vous m’aurez pardonné, j’en suis certain, cette digression. Il s’agissait pour moi de rendre hommage à l’un des meilleurs parmi les meilleurs. Il fallait donc que l’armée d’Afrique prenne corps rapidement, c’est-à-dire puisse compter à la fois sur des renseignements militaires, sur des cadres officiers et sous-officiers, des spécialistes des hommes de troupe. Telle fut la mission de notre réseau. Notre liaison avec les services de Madrid et de Barcelone a été faite par une mission spéciale pour laquelle le Colonel NOETINGER fut volontaire. Dès lors les acheminements de courrier sur l’Afrique du Nord furent assurés par les services fer de Madrid et de Barcelone trois fois par mois environ. Les évasions se faisaient moins régulièrement, selon les effectifs des passagers, la situation des pistes et leurs possibilités du moment. Les indicatifs étaient DUBOURG, JACQUES et DEBIT DE TABAC YVES. Il est passé par les pistes du réseau MAURICE 329 passagers Français, officiers, sousofficiers, spécialistes de toute sorte et jeunes réfractaires qui ont démontré que le service du Travail n’était pas forcément obligatoire.
Je salue au passage, notre ami MOREAU, Président des Evadés de France (sur les 329, les pertes ont été de 20 passagers, tués sur place ou déportés) et d’autre part 350 aviateurs alliés dont une cinquantaine par les Pyrénées-Orientales (signe de reconnaissance Louis BRUN) et 300 environ par les pistes de l’Ariège (signe de reconnaissance GRIMAUD). Le P.C. du réseau a fonctionné à MONTFERRAND-SAVES (Gers) chez Henri MATET, aux environs de TOULOUSE, du 1er Février 1943 au 31 Octobre 1943. Ce fut CAVARROT qui contacta MATET, Maire de MONTFERRAND-SAVES et Conseiller Général, pour lui demander des caches pour camoufler du matériel. Il accepta aussitôt et lorsque CAVARROT fut chargé de créer MAURICE, il en fixa le P.C. chez MATET à MONFERRAND-SAVES qui travailla de son mieux et dangereusement avec MAURICE, camouflant des résistants recherchés en se servant du Préventorium où il les introduisait comme malades avec la complicité des Religieuses, (Sœur PAULAINE notamment. note du rédacteur).
L’implantation de notre réseau se fit, au tout début, à Perpignan. Je pris contact avec mon ami, frère de résistance, Manolo VALLS DE GOMIS, réfugié catalaniste, qui habitait Perpignan et opéra sur le littoral méditerranéen de Marseille à la Catalogne. Je manquerais au plus élémentaire de mes devoirs en omettant de dire ce que nous devons et par conséquent ce que la France doit au désintéressement, au courage, à l’efficacité de nos camarades catalans, nés de l’autre côté des Pyrénées, réfugiés en France. Ils nous ont apporté pendant une période particulièrement dangereuse le fruit de leur expérience dans le combat qu’ils avaient précédemment mené et au concours duquel il leur arriva d’avoir déjà en face d’eux des militaires hitlériens. Leur Président Louis COMPANYS, arrêté par la Gestapo et fusillé, leur avait, il est vrai, donné l’exemple. Manolo VALLS DE GOMIS, Jacques CORNUDELLA, ont aujourd’hui la nationalité française. D’autres ont conservé la nationalité espagnole. Il ne m’appartient pas de les distinguer, mais de les unir dans l’expression de la même reconnaissance.
Aussi, tant que cela me fut possible et avant de rejoindre Toulouse, j’habitai Perpignan où notre réseau permit de fournir aux forces françaises libres un nombre très important de volontaires. Paradoxalement, notre mission consistait, à la fois à faire du renseignement, c’est-à-dire à étoffer un service clandestin et aussi à faire du recrutement, c’est-à-dire une certaine publicité. Cette anomalie inévitable me donna la certitude qu’un jour ou l’autre j’étais destiné à tomber dans les mains de la Gestapo. Je devais particulièrement préparer ma succession. A Perpignan, à deux reprises sans le courage de mon camarade, finalement déporté, mais dont la Gestapo n’obtint aucune confidence, j’aurais été arrêté plus d’un an auparavant. Notre système de recrutement fut facilité par les passagers qui se trouvaient entre nos mains. C’est ainsi que nous demandâmes à plusieurs d’entre eux de rester en France pour nous apporter leur collaboration auprès de moi et avec RAMBAUD, LAIGLE, Jean SAUVAN, Jeanine GRAND, et mon frère de guerre, René SÉBILLLE. J’utilisai aussi, personnellement l’identité de plusieurs évadés, avec leur autorisation. Le Colonel CAVARROT baptisa le groupe VALLS DE GOMIS : Maurice I, le Groupe Maurice 2, animé par notre ami LAIGLE, dont le vrai nom était LEFEVRE, était composé d’une équipe dans le Nord et d’une équipe dans le Cotentin.
Comme vous le devinez, il s’agissait d’un groupe de renseignements et je me souviens que le dernier courrier que j’ai déposé dans une de nos boites aux lettres, immédiatement avant d’être arrêté, était un plan du Cotentin, établi par notre Camarade LAIGLE, professeur de dessin. Ce plan a été fort apprécié et d’une utilité certaine pour le débarquement. Le Groupe Maurice 3, était animé par le Colonel FATIGUE dans l’Ariège, le Groupe Maurice 4, par le Capitaine PLAUD. L’un et l’autre s’occupaient évidemment plus spécialement des passages. Le groupe Maurice 5, animé par JOURDAN, MAURICHEAU-BEAUPRE, s’occupait sur le littoral méditerranéen de Marseille à la frontière italienne. Ce groupe a été attaché le 1 er Mai 1944 au réseau SAMSON.Le Groupe Maurice 6, animé par EMBRY, s’occupait des renseignements dans la région de Toulouse. Le Groupe Maurice 7, confié à PERIN dans région de Toulouse, également Agen et Montauban. Le Groupe Maurice 8, opérait à Paris avec des pointes à Vichy et Wiesbaden. Enfin, le Groupe Maurice 9 opérait à Paris sous la direction de notre Camarade HUMBERT. D’autres pistes de passages nous furent offertes, en particulier par le Commandant CONZE, ancien Gouverneur militaire de Lyon, aujourd’hui en retraite.
Les effectifs du réseau Maurice ont été de 316 agents se répartissant en 39 agents de la catégorie I, 179 de la catégorie 2 et 98 de la catégorie o. 31 de ces agents de la catégorie P 1 et O ont été assimilés à la catégorie P2 du fait de leur déportation. Sur ce total de 316 agents : 61 ont été arrêtés (dont 33 ont été déportés), 11 sont morts Tel fut le prix de ces passages, des renseignements dont beaucoup furent essentiels, des demandes de bombardements, qui furent efficaces, mais quelquefois trop meurtriers, de la transmission de nombreux messages, de l’établissement de cartes d’identité, de tabac et d’alimentation avec le concours d’André DECONNINCK, de Louis GUISSET (Président d’honneur du Réseau Morhange. Note du rédacteur) pour Montauban et de René MARTY pour Pia (Pyrénées Orientales). J’ai lu, il y a longtemps, avec beaucoup d’ironique satisfaction que le Tarn-et-Garonne et les Pyrénées-Orientales figuraient en tête du recrutement des évadés de France.
Nous pouvons aussi nous honorer d’avoir établi un nombre considérable de faux papiers pour tous ceux que recherchait l’occupant, et en particulier pour les juifs, victimes du racisme nazi. Notre réseau fut mêlé à l’évasion du Général de LATTRE. Une partie de son Etat Major et deux de ses gardiens, les frères Lucien et Marcel LEBLANC, franchirent les Pyrénées le 14 septembre 1943 par nos soins. Il s’en fallut de peu que Manolo et moi enlevions le Général lui-même. Il s’en fallut d’un, disons « lâchage », qui aurait pu nous faire arrêter à Riom. De nombreuses boites aux lettres furent nécessaires à ces réalisations.
Il ne me parait pas intéressant d’en citer quelques unes, en particulier les points de liaison que nous avions à Paris quelques semaines avant le débarquement : 65 avenue de la Bourdonnais 14 place du Havre 6 rue d’Antin 15 rue Drouot 10 Cité d’Antin 2 rue Danton 3 rue du Cardinal Mercier 13 rue du Château 36 rue Bonaparte 4 rue Charles Tellier 20 rue du Condé Il serait fastidieux de vous citer la liste incomplète certes, mais substantielle des passagers qui sont passés entre nos mains. Ce ne fut pas toujours facile. Des incidents plus ou moins graves ont marqué ces passages. L’un deux a été particulièrement meurtrier. C’est celui-ci que je voudrais vous raconter brièvement.
Le 13 Juillet 1943, un convoi comprenant entre autres deux fils de Pierre MONTEL, ex-Adjoint de la municipalité de Lyon, nous arrive. Le passeur habituel (par la suite, il a été arrêté par la Gestapo et condamné à mort), en toute bonne foi, a l’imprudence de le confier à un individu qui le sollicitait depuis longtemps et qui était en fait un agent de la Gestapo. Cet individu fut recherché et arrêté par la police française. Le 17 Juillet, le demi-billet de 5 francs, signal de reconnaissance, revient avec une lettre signée demandant une somme supplémentaire de 10 000 Frs pour le guide qui s’était offert de conduire le groupe jusqu’à Jaca. A la réception de ce signal de reconnaissance rapporté par le guide, signal indiquant que la frontière avait été franchie, et de la lettre, une seconde caravane fut mise en route et confiée à la même piste. Elle se composait entre autres : du Lieutenant Edmond d’ALNONCOURT, à qui fut donné le Commandement du Groupe, et de l’étudiant en droit Yves MONTEL, fils ainé de Pierre MONTEL et frère des deux autres enfants qui faisaient partie de la caravane précédente. Ce deuxième convoi subit le même sort, mais cette fois-ci un demi-billet revint qui ne portait pas le même numéro que celui qui avait été remis au Lieutenant d’ALNONCOURT. D’ailleurs quelques instants avant, Germaine RICHARD, à qui j’exprime ici à nouveau notre reconnaissance, m’avait prévenu que les premiers fils MONTEL avaient été aperçus dans un train qui les conduisait au fort du Ha à Bordeaux. Ainsi, le troisième convoi ne partit pas par la même filière. Ce faux passeur, nommé DEL ESTAL, fut condamné à mort après la Libération. Le peloton d’exécution fut commandé par Pierre MONTEL. Notre réseau devait vivre une nouvelle date particulièrement pénible. Le 7 Septembre 1943, le Colonel MOLLARD est arrêté par la Gestapo dans sa propriété de Penne d’Agenais. Avec lui se trouvaient le Colonel CAVARROT et Pierre MONTEL, ancien adjoint au Maire de Lyon, père des jeunes gens dont je viens de parler. Pierre MONTEL et le Colonel CAVARROT sont gardés à vue par la Gestapo pendant 7 heures et relâchés, grâce au calme et à l’initiative du Colonel MOLLARD car le scénario qui avait pu être monté avec lui avait parfaitement réussi. Malgré la perte de ses trois enfants, Pierre MONTEL partit pour Alger et tint à le faire par notre réseau. Tout heureusement, se passa bien. A la fin du mois d’Octobre 1943, l’Etat-major du réseau est contraint de quitter Toulouse. Nous nous installons à Paris. Dès le début de 1944 la surveillance, le renforcement de la barrière des passages rendait de plus en plus difficile l’acheminement des courriers et même des passagers. je cherchai un contact pour faire face à cette situation. Je fus mis en rapport avec Georges CHARAUDEAU. Inutile de dire combien je me félicite de l’avoir connu puisque cela m’a permis de nouer une très grande amitié à laquelle s’est ajoutée, depuis longtemps une profonde affection. En accord avec le colonel CAVARROT, je fus chef de ce sous réseau « AIL », mis sur pied le 1 avril 1944 (ce groupe a été constitué par une ossature de Il agents de Maurice et 21 qui n’appartenait pas à ce réseau) et dès lors Georges CHARAUDEAU et moi eûmes des rendezvous fréquents, qui me permirent de mettre à sa disposition les renseignements les plus importants à l’approche du débarquement. Notre collaboration ne devait pas durer très longtemps. Recherché à Perpignan, Toulouse, Lyon, Vichy, Pont St Esprit, etc, j’était donc venu avec le Colonel CAVARROT à Paris à la fin de l’année 1943 après avoir échappé 7 fois aux griffes de l’occupant. La 8ème me fut fatal.
Impérieusement, contraint de me rendre à un rendez-vous, tout en n’ignorant rien du risque que je courrais, je ne pus passer à travers les mailles. Tout le quartier de l’Opéra avait été cerné. C’était le 30 mai 1944. Je fus arrêté à 19 heures, près de chez notre camarade Jean MAYARD, restaurateur, qui eut, malgré les menaces, le courage de ne pas me reconnaitre. Au début de l’occupation, j’apercevais souvent à Lyon un officier de chasseur gravement blessé aux jambes qui marchait avec difficulté. Le souvenir de l’affreuse débâcle me rendait honteux d’être tout à fait valide et m’inspirait cette réflexion « puissent les malheurs de mon pays être un jour inscrits dans ma chair ». Mon vœu a été exaucé. Je ne regrette rien, bien au contraire. Je me suis trouvé plus à l’aise quand j’ai revu après la Libération certains de nos camarades qui étaient passés entre mes mains et qui avaient payé, eux aussi, un lourd début à la souffrance. Le 3O Mai 1944 commença donc pour moi une épreuve terrible. Le ciel a permis que je puisse me taire, mais elle n’en reste pas moins, avant tout, une grande leçon d’humilité. « Fragile héroïsme » tel est le titre constant que j’ai en tête chaque fois que j’écris quelques pages la concernant. 30 Mai 1944 ! Une semaine après, c’était le débarquement au nord de la France, puis le 15 Aout, ce débarquement dans le midi méditerranéen qui, malgré ma condamnation à mort, devait m’épargner l’exécution. Nous voici une nouvelle fois réunis. Heureux de nous retrouver dans le souvenir glorieux de notre combat et de notre victoire. Lorsqu’il s’était agi pour nous de choisir d’être volontaires de l’espérance, aux raisons patriotiques de cette option s’étaient ajoutés des impératifs humains. Le triomphe de l’Hitlérisme nous aurait enlevé toutes les raisons de vivre. Permettez-moi de puiser dans l’épreuve que j’ai connue le thème de notre conclusion. Je me suis donc trouvé dans une situation où la notion même de courage ne s’applique plus à rien, où l’homme est ramené par la violence qu’il subit en deçà de l’humanité. Les vertus individuelles ne se situent pas dans ce domaine infernal où il est rare que l’on puisse, comme moi-même, choisir entre le déshonneur et la mort. La civilisation est d’abord la garantie contre les tragédies où l’homme se défait, où il risque plus que la mort ; l’anéantissement de toutes les valeurs devant la violence illimitée de l’ennemi. Cet état normal où les vertus gardent un sens a besoin d’un rempart pour le défendre. Tel était le sens de notre combat. Notre réseau comprenait non seulement des français, mais aussi des catalans transpyrénéens, des polonais et d’autres alliés. Cette conception commune de l’homme nous a unis dans la lutte. Elle continue, elle continuera toujours de nous unir après la victoire puisque nous nous sommes battus pour que vive la France et pour que, partout, oui partout vive ou revive la Liberté. Après avoir remercié J.L. VIGIER pour son historique, le Général MOLLARD a rendu hommage à son courage, à l’esprit de sacrifice et d’abnégation dont il a fait preuve à Pont Saint-Esprit où Jean-Louis VIGIER pour échapper aux interrogatoires et sévices de la Gestapo, s’est jeté dans le vide du haut de la tour où il était interrogé, ce qui lui valut de graves blessures dont il porte encore les traces et subit les douloureuses conséquences.
Il conclut en indiquant qu’en juin 1958 le Président René COTY présentant selon l’usage le nouveau Président du Conseil Municipal de Paris au Ministre de l’Intérieur, le faisait en ces termes : « Je vous présente le nouveau Président du Conseil Municipal de Paris, Jean-Louis VIGIER, ancien chef adjoint du Réseau de la Résistance du réseau MAURICE. Le 2 Juin 1944, après avoir subi six interrogatoires féroces, s’est, jeté du haut de la citadelle de Pont Saint-Esprit devant les mitrailleuses nazies pour se faire abattre et ne pas dénoncer ses camarades. Blessé d’une balle au bras, les deux pieds brisés, à nouveau torturé, il n’a livré aucun secret ». Ainsi se termine d’ailleurs l’une des citations à l’ordre de l’Armée.
Olivier Matet- Lieutenant-colonel CAVARROT. Chef du réseau, chargé de sa dissolution après la Libération. Archives du « Service Historique des armées »
Livres qui parlent du « Réseau MAURICE » : Les Portes de la Liberté. Editeur : PRIVAT. EAN : 9782708986046 Le Franchissement Clandestin De La Frontière Espagnole Dans Les Pyrénées-Orientales De 1939 A 1945. Auteur : Emilienne EYCHENNE.
Jean-Gilles Berthommier, Le réseau Maurice. Etude d'un réseau de résistance militaire 1943 - 1945, Thèse de Doctorat, https://museedelaresistanceenligne.org/musee/doc/pdf/434.pdf