Les cadavres ne chantent pas les louanges de Dieu, Jacob Glatstein. 1946
Légende :
Poème composé en yiddish par Jacob Glatstein en 1946, traduit par Rachel Ertel,
Type : poème
Producteur : MUREL
Source : © In Fun maïn gantzer mi (De toute ma peine), New York ,1956, Rachel Ertel, Dans la langue de personne Droits réservés
Lieu : Etats-Unis
Analyse média
Après la guerre,Jacob Glatstein abandonne ses recherches formelles d'avant garde et revient à une langue plus traditionnelle pour se consacrer à la dénonciation de l'extermination des Juifs d'Europe. Il ne pardonne ni aux bourreaux ni à Dieu l'extermination de son peuple. Ce poème reprend un thème que l'on retrouve fréquemment dans la poésie yiddish de l'après-Shoah : l'Alliance entre Dieu et le peuple juif est irrémédiablement rompue car rien ne peut justifier la mort des innocents, représentés dans le poème par le petit garçon juif. Tout est aboli. Le passé comme l'avenir. Le poète ne nie pas l'existence de Dieu, il le laisse seul face à la catastrophe qu'il n'a pas empêché.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Jacob Glatstein naît à Lublin(Pologne) le 20 août 1896. Il reçoit une éducation religieuse traditionnelle mais son père lui donne en privé une éducation laïque en yiddish et lui fait découvrir les grands auteurs yiddish. En 1914, devant la montée de l'antisémitisme, Jacob Glatstein émigre aux Etats-Unis. Il rejoint le cercle de poètes yiddish avant gardistes In zikh (En soi). Avec eux, il explore de nouvelles voies d'expression introduisant les vers libres et des thèmes non juifs. En 1936, il retourne à Lublin voire sa mère mourante. Cette traversée de l'Europe lui fait prendre conscience du danger mortel que le nazisme fait courir aux communautés juives alors que l'antisémitisme est plus virulent que jamais. En 1938, il écrit un poème manifeste dans lequel il tourne le dos au monde occidental :
« Bonne nuit, vaste monde,
Monde géant, monde puant,
ce n'est pas toi, c'est moi qui fais claquer la porte,
Avec ma longue houppelande,
Avec l'étoire jaune en feu,
Avec mon pas orgueilleux,
A mon propre commandement,
je retourne dans le ghetto. »
Après la guerre,sa poésie dénonce avec rage l'anéantissement du yiddishland sans pardon ni oubli. Jacob Glatstein , un des plus grands poètes contemporains, ne s'exprime plus qu'à travers le yiddish. Il est conscient que la portée de sa poésie est irrémédiablement liée au destin du yiddish dont le nombre de locuteurs s'amenuise sans cesse.
Sylvie Orsoni
Sources
Dobrzynski Charles, Le miroir d'un peuple. Anthologie de la poésie Yiddish, éditions du Seuil, collection Domaine yiddish, Paris 1971.
Glatstein Jacob, Fun maïn gantzer mi (De toute ma peine), New York ,1956
Rachel Ertel, Dans la langue de personne, poèsie yiddish de l'anéantissement, éditions du Seuil, collection La librairie du Siècle, Paris 1993.