Mémorial du train fantôme de Sorgues

Légende :

Mémorial du train fantôme devant la gare SNCF de Sorgues, rue des 700 déportés du Train fantôme

Type : Mémorial

Producteur : MUREL PACA

Source : © Marilyne Andréo, MUREL PACA Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Vaucluse

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Analyse média

Le mémorial du train fantôme se trouve rue des 700 déportés du Train fantôme à Sorgues devant la gare SNCF. La rue porte ce nom depuis le 18 août 1998 en hommage aux prisonniers d’un convoi de déportation qui ont transité par Sorgues le 18 août 1944.

Le train fantôme est le nom donné à l’un des derniers convois de déportation parti de France en direction de l’Allemagne. Il partit de Toulouse le 3 juillet 1944. Le 18 août, après de multiples péripéties, les détenus arrivèrent à pied à Sorgues depuis Roquemaure dans le Gard car le pont ferroviaire avait été détruit. Après une marche de 17 km, les prisonniers épuisés et déshydratés devaient remonter dans un nouveau convoi. La population de Sorgues leur vint en aide et elle offrit un peu de nourriture comme des tomates, des melons ou du vin. Des Sorguais et des cheminots aidèrent 34 personnes soit à s’échapper, soit à les cacher chez eux après leur évasion. A 21 heures, le train repartit.

Des Sorguais alors enfants, Charles Teissier et Louis Augier, se souvenaient avoir vu passer ces personnes dans leur village. 45 ans après, ils voulurent savoir qui ils étaient et comprendre quel avait été leur sort avant et après leur passage à Sorgues. Ils furent aidés par Robert Silve, membre de l’association des Etudes sorguaises, assisté par son épouse Edith. Ils parvinrent à reconstituer l’histoire du train fantôme et à retrouver des survivants. Ils sont les instigateurs du projet de mémorial. Les membres des Etudes sorguaises formèrent ensuite un jury pour retenir le projet final parmi les onze maquettes proposées. Le mémorial a été érigé entre juillet et septembre 1991 avec le soutien du Conseil régional, du Conseil général dont le président à l’époque était Jean Garcin (ancien résistant), de la ville de Sorgues et grâce à des subventions de plusieurs Conseils généraux dont ceux de la Gironde, de la Haute-Garonne, du Gard, de la Drôme et de la Lozère, du ministère des Anciens combattants et du ministère de la Culture. L’Amicale des déportés du train fantôme fut créée par la suite en 1993 et elle prit le relais de ce devoir de mémoire. Chaque année une cérémonie est organisée ce jour-là en souvenir de cet événement.

Le mémorialfait partie d’un ensemble mémoriel composé de plusieurs éléments : lemémorial lui-même, trois stèles dont une accompagnée d’un parterre de rosiers et un panneau explicatif.Il a été réalisé par le sculpteur Jean-Marc Ferrand (1958-2020) dans son atelier de Saze en 1991. Il mesure 4,5 mètres de haut. Il est en ciment moulé et en béton, de couleur noire pour les blocs et grise pour les prisonniers. Il est surmonté d’une lampe pour assurer son éclairage la nuit. Il est encadré devant et derrière par un rail de chemin de fer stylisé rappelant la déportation par train de ces prisonniers.Au centre, sontreprésentésen un seul bloc sept détenus du train fantôme, cinq hommes et deux femmes, qui sont pris en étau entre deux blocs de béton brut symbolisant leur calvaire au cours de leur voyage. La compression entre ces blocs évoque leur enfermement et leur entassement dans les wagons à bestiaux, environ 80 personnes par wagon sans eau et sans nourriture et l’oppression qu’ils subissaient de la part des 150 Allemands qui les encadraient. Devant, les deux hommes ont un regard déterminé et ils semblent se frayer un chemin comme s’ils réussissaient à s’échapper du convoi car les murs s’écartent. Les trois hommes à l’arrière sont les plus désespérés et les plus écrasés par les murs qui se resserrent sur eux, l’un a les yeux fermés, l’autre a un regard hagard et le dernier semble crier sa douleur ou sa révolte après 17 km de marche le 18 août 1944 sous une chaleur accablante sans eau et sans nourriture. Les deux femmes au milieuexpriment le même désarroi. Le sculpteur s’est inspiré des visages de certains déportés survivants.

Dans la pierre sont gravés la date de l’inauguration le 20 septembre 1991 à 17 heures et les noms de plusieurs villes jalonnant le parcours du train comme son point de départ à Toulouse, ses passages et son long arrêt à Bordeaux, le changement de train à Sorgues le 18 août 1944 et l’arrivée dans le camp de Dachau pour les hommes et dans le camp de Ravensbrück pour les femmes. Le 31 mai 2018, l’arbre qui se trouvait à droite du mémorial a été foudroyé et il l’endommagea. Jean-Marc Ferrand le restaura en 2019.

A droite du mémorial, se trouve une stèle avec le nom du mémorial, la date de l’inauguration, le nom des financeurs du projet et un court rappel historique sur le passage à Sorgues de ce train le 18 août 1944.

Un peu plus à droite, il y a un petit parterre de rosiers dans un triangle en bois représentant le triangle de différentes couleurs que portaient les déportés sur leur tenue dans les camps afin d’identifier le motif de leur déportation. Les roses plantées sont des roses résurrection. Des anciennes déportées tchèques de Lidice ont planté en 1958 des rosiers au camp de Ravensbrück à l’emplacement de la fosse commune. D’autres associations de déportées firent la même chose mais les rosiers ne survécurent pas. L’Amicale de Ravensbrück en France créa alors une rose appelée Résurrection.

Une dernière stèle porte l’inscription « mort pour la France Pierre Emile Franck ». Celui-ci est né le 28 décembre 1914 à Gouvieux dans l’Oise. Il était un juif rémois replié à Sorgues pendant la guerre où il fut arrêté le 21 mars 1944. Il fut déporté le 15 mai et il décéda le 20 mai 1944 à Kaunas.

A gauche du mémorial, un panneau explicatif sur fond rouge est plus récent. Il offre une meilleure lisibilité et visibilité pour le site puisqu’il est situé sur l’allée centrale menant à la gare. Il a été inauguré le 28 janvier 2017 à 14 heures. Il comporte un code QR. Il a été réalisé par la ville de Sorgues et par l’Amicale desdéportés du train fantôme. Un autre panneau au texte identique sur fond blanc avec un bandeau bleu à droite avec un code QR l’a remplacé en 2023 car les élèves du collège Jean Giono d’Orange ont créé avec l’Amicale une application mobile. Le code QR permet de la télécharger.

A l’intérieur de la gare de Sorgues, un panneau montrant le parcours du train fantôme et ses différents haltes a été installé.

 


Marilyne Andréo

© Cliché Marilyne Andréo. Droits réservés

Contexte historique

Le train fantôme partit de Toulouse le 3 juillet 1944 et il n’arriva à Dachau que le 28 août 1944 soit deux mois au lieu de trois jours en temps normal. Il regroupait des internés du camp du Vernet et des détenus de la prison Saint-Michel de Toulouse. Il démarra son périple en direction de Bordeaux puis d’Angoulême pour rejoindre ensuite Paris. De multiples incidents, des voies ferrées coupées, des ponts et des gares endommagés et des attaques aériennes détournèrent le parcours du train et ralentirent sa progression pendant presque deux mois avec très peu de nourriture et rien à boire alors que la chaleur dans les wagons était étouffante.Le train passa la nuit du 3 au 4 juillet en gare de Bordeaux avant de repartir le lendemain et d’être arrêté en gare de Parcoul-Médillac où il fut attaqué par des avions de chasse alliés. Le 8 juillet, le train changea d’itinéraire car la gare d’Angoulême avait été bombardée et détruite. Il réussit quand même à y faire demi-tour. Dans la journée, il retourna à la gare de Bordeaux. Pendant trois jours, les prisonniers restèrent dans les wagons puis le 12 juillet, ils descendirent et marchèrent jusqu’à la synagogue où ils furent gardés jusqu’au 9 août. Le convoi redémarra en emportant dans les wagons à bestiaux les détenus partis depuis le 3 juillet et de nouveaux prisonniers provenant du fort du Hâ. Il passa par Toulouse en direction de Nîmes et de la vallée du Rhône. Selon les estimations, il était composé de 724 personnes (660 hommes et 64 femmes) et fait exceptionnel, 161 prisonniers réussirent à s’évader (22,1% des détenus du convoi) en différents lieux. La méthode la plus classique pour s’échapper mais non sans risque était de sauter du train en marche en enlevant le plancher des wagons. Le premier évadé du train fantôme le 3 juillet, Ange Alvarez, lui, fit sauter les planches et les fils de fer barbelés de la lucarne et sauta sur le ballast sous le feu des SS. Les longs arrêts en gare, les ralentissementset les transbordements furent également une chance à saisir pour certains. Le train stationna, en effet, plusieurs jours à Bordeaux, à Saint-Césaireprès de Nîmes le 11 et le 12 août et à Remoulins dans le Gard entre le 13 et 17 août. Ce jour-là, à 23 heures, il continua son chemin jusqu’àune autre commune gardoise, Roquemaure où la ligne de chemin de fer était interrompue en raison du bombardement du pont ferroviaire sur le Rhône. Le 18 août, les détenus descendirent à 8heures du matin et sous un soleil de plomb durent faire 17 kilomètres à pied avec leurs bagages entre Roquemaure et Sorgues dans le Vaucluse en passant par Châteauneuf-du-Pape, encadrés par deux colonnes de soldats allemands. Certains parcoururent même la distance sans chaussures. Le soir même, le convoi est reformé à Sorgues et il reprit à 21 heures sa route jusqu’en Allemagne. Le 19 août, à Pierrelatte dans la Drôme, le convoi est mitraillé par l’aviation alliée. Les blessés et les morts sont laissés à Montélimar à 22 heures. Le 20 août, à Livron-Loriol, le viaduc ferroviaire sur la Drôme est endommagé, les prisonniers le traversèrent à pied et montèrent dans un autre train. Le 20 août à Valence, il s’arrêta de nouveau. Le lendemain, un nouveau transbordement eut lieu à Pont-de-l’Isère en raison de l’endommagement du pont qui est traversé à pied. Le train poursuivit ensuite en passant par Lyon, Dijon, Nancy, Metz et Sarrebrück jusqu’à Dachau pour les hommes et Ravensbrück pour les femmes.


Marilyne Andréo

Sources

Site internet de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Consulté le 12 janvier 2024.

http://www.bddm.org/liv/details.php?id=I.261.

Ange Alvarez, Serge Molostoff, Mémoires de résistances : Cévennes, Montpellier, Val d’Aran, Alès, Montpellier, Editions Espace Sud, 1994, p.66-72.

Vanina Brière, « Vie et mort des déportés de France par mesure de répression » in Bernard Garnier, Jean-Luc Leleu, Jean Quellien (dir.), La répression en France 1940-1945, Actes du colloque international, 8, 9 et 10 décembre 2005, Mémorial de Caen, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2007, p.180.

« Histoire d’une errance », Midi Libre, 12 mars 2001, p.3.

Marie-Laure Gaillac, « Moi, Ange Alvarez, premier évadé du train fantôme », Midi Libre, 12 mars 2001, p.3.

Robert Mencherini, Cheminots en Provence. Les années de guerre 1939-1945, Marseille, CE des cheminots PACA éditions, 2012, p.104-105.

Biographie de Jean-Marc Ferrand sur le site internet de son beau-frère, Marc Henry, consulté le 14 janvier 2024.

https://marchenry.org/2020/06/02/jean-marc-ferrand-1958-2020/

Site internet de l’Amicale des 800 déportés du train fantôme, consulté le 14 janvier 2024.

http://www.lesdeportesdutrainfantome.org/

Site internet de la ville de Sorgues, consulté le 14 janvier 2024.

« Histoire de la rose de Ravensbrück », site internet du Comité international de Ravensbrück, consulté le 14 janvier 2014. https://www.irk-cir.org/fr/history_rose

Site internet des Etudes sorguaises, consulté le 14 janvier 2024.

https://www.etudessorguaises.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=109:les-annees-noires&catid=53:les-guerres&Itemid=91

Guy Scarpetta, Jorge Amat, Les résistants du train fantôme, Alkima Production, 2016, 52 min.