arrestation d'un individu criant « Vive Thorez », 21 mars 1940, 5 W 360

Légende :

Rapport du commissaire central de Marseille à l'administrateur extraordinaire par intérim de la ville, 21 mars 1940,

Type : rapport administratif

Producteur : MUREL PACA

Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 5 W 360 Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le 21 mars 1940, le commissaire central de Marseille rend compte à l'administrateur extraordinaire de la ville (voire contexte historique) de l'arrestation, la veille, d'un individu  dans un restaurant du centre ville. Le rapport est très précis aussi bien sur l'identité du manifestant que sur le déroulé des faits. Ce qui est reproché à Louis Carenco , c'est d'avoir manifesté publiquement à deux reprises son orientation politique en faveur du dirigeant du Parti communiste français, Maurice Thorez. Depuis la signature du  pacte germano-soviétique  le 23 août 1939, les organisations, publications, réunions du Parti communiste français, et donc toute forme d'adhésion, étaient interdites. (voire contexte historique).

La surveillance de l'opinion s'étend à la police elle-même puisque le rapport juge bon d'analyser l'attitude très dissemblable de deux policiers présents dans la salle. L'un, chef de la musique de la police n'entend pas les cris séditieux, l'autre provoque l'arrestation du contrevenant. Ce deuxième policier a non seulement « eu l'ouie beaucoup plus fine » mais n'a pas supporté une telle manifestation pro-communiste. C'est lui qui est allé chercher les agents qui ont procédé à l'arrestation.

Le patron du restaurant, de nationalité espagnole, mérite les éloges du commissaire pour sa francophilie bien orientée et a témoigné contre Louis Carenco. Sincérité ou intérêt bien compris ?

On peut noter qu'aucun  client ne s'est signalé  pour témoigner.

Ce court rapport montre l'atmosphère qui régnait au printemps 1940 dans la cité phocéenne.

 


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Ce rapport est rédigé pendant la période que l'on appelle « la drôle de guerre » et qui s'étend de la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, le 3 septembre 1939  au 10 mai 1940, date de l'offensive allemande contre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.  Depuis avril 1938, le radical Edouard Daladier est président du Conseil. Il adopte toute une série de mesures sécuritaires dont, après le pacte germano-soviétique d'août 1939,  la dissolution du Parti communiste français  et de toutes ses organisations et filiales le 26 septembre 1939. Le 8 octobre 1939, François Billoux et Jean Cristofol sont arrêtés et incarcérés à Paris. Le 20 janvier 1940, tous les députés communistes sont déchus de leur mandat et jugés en mars 1940 au moment où se déroule l'incident rapporté. Maurice Thorez n'est plus en France depuis le 4 octobre 1939 : il a déserté et rejoint Moscou sur ordre de Staline. Depuis septembre 1939, la police multiplie les perquisitions et arrestations de militants. La répression  s'étend des pacifistes aux communistes  sans oublier les étrangers suspects par nature.

Lorsque Louis Carenco pousse ses cris séditieux, Edouard Daladier vient de démissionner. La chute d'un gouvernement à la longévité exceptionnelle sous la IIIe République fait les gros titres des journaux comme Le Soleil, journal local de Marseille.

 

Le commissaire adresse son rapport à l'administrateur extraordinaire de la ville de Marseille. Depuis le décret du 20 mars 1939, la ville est sous tutelle. L'incendie du magasin Les Nouvelles Galeries,le 28 octobre 1938, a mis en lumière les multiples carences de la municipalité dirigée par le socialiste Henri Tasso. Henri Tasso devient président du conseil municipal mais l'exécutif communal est confié à Frédéric Surleau, ingénieur des Ponts et Chaussées et membre de la direction de la SNCF, nommé administrateur extraordinaire de la ville de Marseille.

 


Sylvie Orsoni

Sources

Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. 1. Les années de crise, 1930-1940. Paris, Syllepse, 2004 

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.