Éviction d'un directeur de sanatorium franc-maçon, Marseille 31 01 1942.
Type : rapport administratif
Producteur : MUREL PACA
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 156. Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le chef régional des renseignements régionaux rend compte au préfet de l'enquête concernant Eugène Brissaud, directeur du sanatorium du « Petit-Arbois » qui est administré par l'autorité militaire. Ce médecin est suspect à double titre. Son nom figure à deux reprises dans les listes des dignitaires francs-maçons parue au Journal Officiel des 12 août et 4 octobre 1941 (voire contexte historique). Le médecin-chef se montre particulièrement soucieux de dénoncer son collègue.Il lui attribue une « action occulte à l'égard de son personnel et des malades de sa division ». De plus, des malades du service d'Eugène Brissaud ont chanté, un soir, l'Internationale. Toujours selon le médecin-chef, Eugène Brissaud est un opposant obstiné au gouvernement et à la Révolution nationale. Le document suggère que le médecin chef s'est senti obligé de faire un rapport au général commandant la XVe division ce qui a entraîné l'éviction d'Eugène Brissaud : « M. le Médecin-Chef dût faire un rapport au général... » Cette obligation n'a pas du être trop difficile à assumer puisque le médecin chef ajoute aux errements politiques de son collègue l'utilisation de bons d'essence à des fins personnelles et non professionnelles .
Le médecin-chef a demandé et obtenu le départ d'Eugène Brissaud ce qui a ramené la sérénité dans le service : « Depuis septembre 1941, M. Brissaud n'a plus paru au Sanatorium , et le calme est revenu. »Une note manuscrite indique que celui-ci a démissionné.
La loi du 13 août 1941 prévoyait la publication du nom des responsables francs-maçons au Journal Officiel et leur étendait les interdictions professionnelles qui frappaient les Juifs depuis le 2 juin 1941. Eugène Brissaud une fois que son nom était apparu au Journal Officiel ne pouvait certainement pas rester en poste. Le zèle et l'animosité perceptible de son supérieur ne lui ont laissé aucune chance.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
La loi du 13 août 1940 interdit « les sociétés secrètes », c'est-à-dire essentiellement la franc-maçonnerie. Les francs maçons sont chassés de la fonction publique au sens large (fonctionnaires, agents de l'Etat, employés d'une entreprise recevant une subvention de l'Etat). La dissimulation d'appartenance à la franc-maçonnerie est passible de poursuites pénales . La loi du 11 août 1941 en organisant la publication du nom des dignitaires francs-maçons au Journal Officiel relance l'épuration. Elle permet la dénonciation des francs-maçons clandestins et les sanctions administratives et pénales qui en découlent. Le médecin-chef du sanatorium du « Petit Arbois » obéit à la loi mais va au-delà en communiquant aux Renseignements généraux des informations à charge sur son collègue .
Sylvie Orsoni
Sources
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3. Paris, Syllepse, 2011.
Paxton O. Robert, La France de Vichy. 1940-1944, éditions du Seuil, Paris, 1973.
Rémy Dominique, Les lois de Vichy. Actes dits « lois » de l'autorité de fait se prétendant « gouvernement de l'Etat français », éditions Romillat, Paris, 1992.
Rossignol Dominique, Vichy et les francs-maçons. La liquidation des sociétés secrètes,1940-1944, Paris, JC Lattès, 1981.