Gare d'Annonay : l'attaque d'un convoi de prisonniers politiques
Légende :
C’est à l’entrée de la gare d’Annonay (Ardèche) qu’a eu lieu le combat le 4 août 1944 entre les résistants et les Allemands encadrant le train de déportés détourné.
Genre : Image
Type : Carte Postale
Source : © Collection Robert Serre Libre de droits
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche - Annonay
Analyse média
Cette carte postale représente la gare d’Annonay.
Au fond, à droite, on voit la gare de voyageurs. Le bâtiment du premier plan, à droite, est un local technique. Sur la voie de droite, on voit une fosse qui permettait de contrôler ou faire de petites interventions au dessous des wagons ou des locomotives. Sur le quai, à droite, une potence permettait de remplir le réservoir d’eau des locomotives à vapeur. Le quai est encombré de chariots permettant de transporter les bagages ou les marchandises. Au fond, on distingue une passerelle métallique permettant aux piétons de traverser au-dessus des voies.
C’est à l’entrée de cette gare qu’a eu lieu le combat le 4 août 1944 entre les résistants et les Allemands encadrant le train de déportés détourné.
Auteurs : Jean Sauvageon et Robert Serre
Contexte historique
Dans la nuit du 3 août et la journée du 4 août 1944, s’est déroulé en garde d’Annonay un fait sans précédent dans l’histoire de la Résistance : l’attaque d’un convoi allemand et la libération de 72 personnes destinées à la déportation.
La mémoire de ce fait héroïque a pourtant été polluée pendant des décennies suite à la publication, le 16 février 1945 dans le journal L’Espoir d’un article signé par le journaliste Henri Calet et uniquement fondé sur le témoignage d’un homme nommé Henri Caillet. Au regard des archives disponibles, il semble que le cheminot en question a très largement exagéré son rôle dans cette opération. Dans son livre, Des grenades sous le plancher, La résistance à Annonay et dans la Vocance entre 1939 et 1945 (éditions Vanosc, 2001, 469 p.), l’historienne Anne Boudon rétablit la vérité.
Dès le 15 août 1944, un rapport signé par le capitaine Escouffier, chef militaire du secteur A de l'Ardèche, le sous-lieutenant Gerelli, chef des Corps Francs de l'AS et par Coste, cheminot, mécanicien de la locomotive de tête rapporte la chronologie des événements et la suite des opérations. En février 1945, le résistant Louis Chevalier, démobilisé du Corps Franc de l’AS, redevenu inspecteur de police à Lyon et ayant eu un rôle majeur lors de l’attaque du convoi avait tenté d’obtenir un rectificatif du journal mais en vain.
Les faits
Le 1er août 1944, en début d'après-midi, 71 ou 72 détenus (suivant les sources), Juifs ou politiques, sont rassemblés à la gare de Marseille Saint-Charles, soumis à deux appels en plein soleil, puis enchaînés par deux et chargés dans un wagon de voyageurs sous la surveillance de douze soldats allemands commandés par un sous-officier. Le convoi inclut aussi un wagon postal. Le court voyage vers Lyon traîne en longueur : bombardements alliés, sabotages sur les voies, entraves des cheminots accumulant les difficultés. Au cours des arrêts forcés dans les gares, les cheminots, avertis par les deux postiers, apportent à boire aux prisonniers.
Ce n'est que le 3 août que le train atteint Le Teil, sur la rive droite du Rhône, en Ardèche. À 11 h 45, l'état-major FFI (Forces francaises de l’intérieur) prévenu donne ordre au corps franc Gerelli et un groupe FTPF (Francs-tireurs et partisans français) bien armés de libérer les prisonniers du train. L’opération est alors dirigée par le lieutenant Norbert (de son vrai nom Georges Novat) et comprend une vingtaine de résistants, dont Louis Chevalier. Mais le train repart avant leur tentative. Toutes les gares suivantes sont prévenues, mais les conditions d’interception ne sont jamais réunies.
Vers 21 heures, le train est en gare de Peyraud (Ardèche). Une alerte aérienne le contraint à une longue attente. Le lieutenant Novat, des FFI de l’Ardèche, est chargé de diriger une opération de récupération. Un petit groupe composé de Gerelli et de Chevalier s'infiltre dans la gare. Constatant que le train de déportés voisine avec un train de militaires ennemis, il est convenu d'utiliser la ruse : diriger le train vers une autre voie, la ligne de Saint-Rambert à Firminy passant par Annonay. Un groupe d'hommes déguisés en aiguilleurs inspecte le convoi. Parmi eux, Louis Chevalier a endossé une veste de cheminot et remonte le convoi jusqu’à la locomotive de tête. Les FTP Maous et Lilou prennent position dans les deux autres locomotives du train. Sous la menace de l’arme du résistant Louis Chevalier, le conducteur nommé Coste arrête le train et accepte de faire demi-tour pour prendre la direction d’Annonay à la barbe des Allemands.
Vers 3 heures du matin, le train arrive près d’Annonay. Les résistants ardéchois, renforcés par quelques Américains récemment parachutés et appartenant aux commandos Louise et Patsy Jack, sont en place sur les hauteurs et cernent le convoi. Rapidement, la bataille est engagée. Au lever du jour, après avoir immobilisé les locomotives au bazooka, les maquisards attaquent. Les Allemands se rendent et sont faits prisonniers. Tous les détenus du train sont alors libérés et emmenés dans la ville. Louis Chevalier précise qu’il n’y avait pas d’enfant dans le groupe. Le résistant Max Scholberg, né le 31 mai 1907 à Alexandrie en Egypte, rescapé identifié a pu également témoigner.
Laurent Thiery 2025 ; documents confiés par la famille de Louis Chevalier
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