Témoignage de Raymond Prunières sur le « Train de la Marseillaise »

Légende :

Extrait du disque 33 tours « Eysses, de la Résistance à la Déportation » réalisé en 1962. 

Genre : Son

Type : Disque

Producteur : Amicale d’Eysses

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Durée totale : 00 : 27 :40s. Durée de l’extrait : 00 :01 :01s. Emplacement de l’extrait : 00 :03 :30s.

Date document : 1962

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

« Ce disque a été réalisé à partir de la bande enregistrée, mise gracieusement à la disposition de l’Amicale, après avoir été diffusée par Europe 1 dans l’émission « La Marche du Temps ». Texte de Claude Dufresne. Récitant Julien Bertheau, ancien Sociétaire de la Comédie française. Les témoignages ont été recueillis à l’occasion d’une cérémonie commémorative, sur les lieux des événements, par Jean-Pierre Chapel. » (texte extrait du verso de la pochette du disque).

Dans cet extrait, le narrateur, Julien Bertheau, introduit le témoignage de Raymond Prunières par une évocation de ce que fut le Train de la Marseillaise : « 15 octobre 1943, un train entre en gare de Villeneuve-sur-Lot, un étrange convoi dont on ne distingue pas les voyageurs derrière les stores baissés des wagons mais d’où s’échappent comme les échos d’une marée irrésistible. » Cette évocation introduit une reconstitution des voix s’élevant des wagons au son de La Marseillaise. « Les menottes qui enserrent leurs poignets ne peuvent aussi cadenasser leurs âmes. Raymond Prunières était l’un des voyageurs enchaînés de ce que l’on a appelé depuis le Train de la Marseillaise ».

Témoignage de Raymond Prunières : « Le 16 au matin, de très bonne heure, les gardiens nous ont mis les chaînes aux mains et aux pieds, et là nous avons tout de suite compris qu’il s’agissait d’un transfert. Lorsque nous sommes rentrés dans la cour de la gare, nous avons vu le train de la Marseillaise et nous l’avons surtout entendu. C’est nos camarades qui étaient déjà dans le convoi qui saluaient notre arrivée ».


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Disque 33 tours « Eysses, de la Résistance à la déportation ». Jean Matifas, « Raymond Prunières nous a quittés » in Unis comme à Eysses, n°242, juillet 2007. « Une vie d’engagement » in Ivry ma ville, juillet-août 2007.

Contexte historique

Eysses devient en quelques mois un pôle de la France pénitentiaire sous Vichy. Entre le 30 septembre 1943, date à laquelle la prison ne compte parmi ses 1075 détenus que 10% de politiques, et le 18 février 1944, quand le plafond de population carcérale est atteint (1430 détenus), la centrale est devenue à 90% une prison de résistants arrivés par convois successifs. .Parmi ces convois, le plus important est celui des 15 et 16 octobre 1943 (« Train de la Marseillaise »), venu de Lyon, Saint Etienne, Marseille, Montpellier, Nîmes, drainant 568 résistants des prisons de zone Sud. Le 8 février 1944, ce sont 250 détenus qui sont transférés de Marseille à Eysses, et quatre jours plus tard, ils sont une centaine à quitter la prison de la Santé pour rejoindre la Centrale.

Le circuit carcéral des détenus est complexe ; la plupart sont passés par trois prisons avant d’arriver à Eysses. Parmi les maisons d’arrêt d’où proviennent les condamnés, citons dans l’ordre décroissant : les prisons lyonnaises (16,9 % des condamnés proviennent de St Paul), la prison de Limoges (14,4%), la centrale de Nîmes (14%) qui regroupe tous les condamnés du sud-est jusqu’en octobre 1943. Les prisons de Marseille (St Pierre et St Nicolas) ont accueilli pour leur part un dixième du corpus, celle de Montpellier 7,4%. En zone Nord, la Santé constitue la première prison d’origine avec un peu plus de 11% des condamnés.

Le transfert massif des politiques vers la centrale d’Eysses les 15 et 16 octobre 1943 constitue l’acte de naissance du Collectif d’Eysses. Les premiers numéros de l’Unité, du Patriote enchaîné et du Jeune enchaîné lui consacrent un article, on lui trouve un titre fédérateur : « le train de la Marseillaise » ou « le train des patriotes ». Les slogans vengeurs : « Laval au poteau », « vive de Gaulle », « vive l’armée rouge » et les chants patriotiques ou révolutionnaires : « la Marseillaise », « l’Internationale » lancés par des « patriotes enchaînés » ont transformé ce transfert de prisonniers en une manifestation de Résistance. Mais la plus grande satisfaction pour ces détenus enchaînés sont les manifestations de sympathie de la population rencontrée dans toutes les gares traversées. Ressenti comme une victoire commune par tous les participants, première étape d’un combat à poursuivre, ce transfert a bien la vocation d’événement fondateur du Collectif.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.