Pierre Semard

Légende :

Plaque en l'honneur de Pierre Semard, gare de Valence-ville, Valence-sur-Rhône, Drôme ; en-dessous, plaque en souvenir des cheminots morts pour la France.

Genre : Image

Producteur : Vincent Mesona

Source :

Détails techniques :

Photographie numérique

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône

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Analyse média

Chaque année, les syndicalistes cheminots de Valence commémorent l’exécution, le 7 mars 1942, de Pierre Semard, secrétaire général de la Fédération des cheminots CGT de 1922 à 1939 Ils ont souhaité donner plus d’éclat à cette commémoration correspondant au 70ème anniversaire. 150 à 200 personnes avaient répondu à l’appel ce 7 mars 2012 dans la gare de Valence, notamment des cheminots, des Résistants avec leur drapeau, des responsables politiques, des élus (Alain Maurice, maire de Valence, Pierre Trapier, maire de Portes-lès-Valence, Jean-Michel Bochaton, conseiller régional, etc.). Les allocutions de Thierry Debard, secrétaire général de la fédération des cheminots CGT, de Annie Mazet, secrétaire départementale du PCF ont rendu un vibrant hommage « à ce cheminot qui, dès 1912, alors secrétaire du chef de gare de Valence, devint militant syndical » et, de 1922 à 1939, secrétaire général de la Fédération des cheminots CGT. Dans l’intervention d’Annie Mazet, on peut relever ce passage : « Je pense que ses idées avant-gardistes étaient guidées avant tout par des valeurs profondément humaines et par une appréciation très fine du contexte. Cet homme était surtout animé par la volonté de voir se construire une société sur les bases de la paix, de la justice, de la démocratie, de la solidarité entre les hommes et entre les peuples, du respect de l’être humain et de son travail. Il ne s’agit pas aujourd’hui de faire un simple rappel historique pour éviter que certaines pages de notre histoire contemporaine tombent dans l’oubli, même si ce devoir de mémoire est indispensable. Il s’agit de faire en sorte que ceux, comme Pierre Semard, qui sont morts pour défendre nos idéaux nous servent de guides, et de prolonger leur combat. » Pierre Semard a été fusillé comme otage le 7 mars 1942. Des gerbes ont été déposées devant les deux plaques situées sur le quai de la gare, l’une évoquant Pierre Semard, l’autre donnant le nom des cheminots valentinois morts au cours de la guerre 1939-1945.


Jean Sauvageon

Contexte historique

Pierre Semard est né le 15 février 1887 à Bragny-sur-Saône (Saône-et-Loire). Il a été fusillé le 7 mars 1942 à la prison d'Évreux (Eure). Il a été secrétaire général de la Fédération des cheminots, de 1922 à 1939, et secrétaire général du Parti communiste de 1924 à 1928. Le nom de Semard est devenu, après 1945, emblématique de l'action syndicale et patriotique des cheminots. Semard est un des dirigeants ouvriers dont le souvenir a été entretenu durablement, dans les années d'après-guerre. Pourtant, emprisonné de 1940 à 1942, fusillé en 1942, il n’a pas participé, ni connu les actions de sabotages qui se sont amplifiées dans les années 1943 et 1944. Malgré cela, il demeure un symbole de la lutte pour la liberté et l’indépendance. Beaucoup de rues ou places proches des gares portent son nom aujourd’hui. Dans la Drôme, c’est le cas de Valence, Romans-sur-Isère, Portes-lès-Valence, Montélimar, Pierrelatte, Die, Saint-Uze, notamment. Pierre Semard passa son enfance dans la campagne bourguignonne. Son père était cantonnier des chemins de fer, et sa mère, garde-barrière. Le jeune garçon, malgré de bons résultats scolaires, dut, sitôt passé son Certificat d'études primaires, quitter sa famille pour aller travailler. Dès 1898 il commença à travailler, dans l'Yonne, puis à Paris où il fut apprenti charcutier, vendeur de journaux, débardeur aux Halles, avant de quitter Paris en 1906. Ensuite, il resta quelques mois dans l'Yonne et à Lyon. Finalement, il se fixa à Valence où il s'engagea, pour trois ans, dans l'armée. Encore militaire, il épousa une jeune Valentinoise, fille d'un marchand de primeurs. Revenu à la vie civile, il passa un examen qui lui permit d'entrer aux chemins de fer comme employé aux écritures. Après avoir occupé divers postes à Montélimar ou Bagnols-sur-Cèze, il revint, en 1912, à Valence où il entra au secrétariat du chef de gare. C'est dans ce contexte qu'il devint militant syndical. Semard, père de trois enfants, resté à Valence fut, à la fin de 1915, retiré du secrétariat du chef de gare et versé au service des trains, en raison de ses activités syndicales. Au cours de sa vie, il occupa des fonctions et des responsabilités importantes au sein de la CGT puis de la CGTU, sur le plan national. Il a été plusieurs fois révoqué de la SNCF et emprisonné à plusieurs reprises pour ses activités syndicales. Les divisions dans la direction de la CGT s'exacerbèrent avec le Pacte germano-soviétique et la guerre : l'unité du Bureau fédéral vola en éclats lorsque les ex-confédérés décidèrent, le 25 septembre 1939, d'exclure Semard et ses camarades de leurs fonctions dirigeantes. Semard qui avait dû rejoindre son nouveau lieu de travail à Loches invita ses camarades à protester contre cette mesure. Il fut arrêté le 20 octobre et condamné à trois ans de prison. Le 9 mai 1940, il fut révoqué une seconde fois de la SNCF et transféré à Fresnes. Il demanda à bénéficier du régime cellulaire, comme condamné, afin de pouvoir étudier en évitant la promiscuité avec les droits communs. Le 20 mai, il fut évacué à Bourges où il fut incarcéré pendant près de 18 mois. Sa correspondance et la diversité de ses écrits attestent une énergie que la maladie, les brimades et l'isolement n'arrivèrent pas à entamer durablement. Outre des contes bourguignons, un roman antiraciste et un journal de prison, écrits entre l'automne 1940 et l'automne 1941, il entretint une correspondance abondante avec sa femme et ses enfants, notamment sa fille Yvette. Très attentif aux problèmes de sa nombreuse famille, il fut particulièrement affecté par l'arrestation de sa femme, en août 1941, puis de sa fille Yvette, au début de 1942. Il ne cessa de regretter de ne pas voir ses petits-enfants. Malgré le manque d'information, il analysa la défaite de 1940 en percevant très tôt l'imposture de la révolution nationale et de la collaboration. Les références à la République et au patriotisme sont explicites dans ses écrits dès l'automne 1940. Toujours soucieux d'associer les idées de justice et de liberté, il critiqua longuement, dans ses notes personnelles, le système pénitentiaire français dont il envisageait la réforme. Au début de l'année 1942, Semard, au lieu d'être libéré, fut transféré de Bourges au camp d'internement de Gaillon. À l'occasion de sa halte parisienne, il se rendit au domicile de son fils puis traversa Paris pour reprendre le train, accompagné seulement de deux gendarmes débonnaires. Il attendit en vain, d'après le témoignage de sa fille Yvette, qui l'a rencontré alors, le signal pour s'évader : son souci de la discipline, inséparable des soupçons qui l'avaient tellement affecté lorsqu'il était dirigeant du parti communiste, explique sans doute qu'il n'ait pas saisi alors l'occasion de s'évader. À Gaillon, Semard fut incarcéré avec les détenus de droit commun et non avec les politiques. Le 6 mars, il fut transféré à la prison d'Évreux où, le lendemain il fut fusillé à la demande des autorités allemandes au titre d'otage. Une lettre de sa main, datée de ce jour, a été retrouvée. Elle était envoyée, pour la réconforter, à sa femme, détenue à la prison de Rennes. Une autre a été adressée au parti communiste : « Chers amis, Une occasion inespérée me permet de vous transmettre mon dernier mot, puisque dans quelques instants je serai fusillé. J'attends la mort avec calme. Je démontrerai à mes bourreaux que les communistes savent mourir en patriotes et en révolutionnaires. Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec tous les membres de notre Grand Parti ... ». Pierre Semard Le 7 mars 1945, des obsèques officielles furent organisées par le PCF dont la direction vint monter une garde d'honneur autour du catafalque installé Gare-de-Lyon avant que le cortège funèbre ne s'ébranle vers le cimetière du Père-Lachaise. Les descendants de Pierre Semard vivent dans la Drôme, en particulier à Romans-sur-Isère.


Jean Sauvageon Sources : Biographie de S. Wolikow dans Dictionnaire du Mouvement ouvrier (Maitron). Allocution d’Annie Mazet