Raymond Aubrac : créer un vrai journal dans la clandestinité
Légende :
Raymond Aubrac évoque la création d'un " vrai " journal dans la clandestinité
Genre : Film
Type : Témoignage filmé
Source : © AERI Droits réservés
Détails techniques :
Durée de l’extrait : 00:02:22
Tournage et montage : Nicolas Voisin
Interview réalisée par Clémence Piet et Manuel Valls-Vicente.
Date document : Février 2009
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon
Analyse média
Retranscription :
" Les huit ou dix actifs dans le groupe considèrent qu'il faut changer de vitesse. A ce moment-là, on décide d'essayer de faire un " vrai " journal clandestin. On le décide surtout parce qu'on se rend compte que ces petits papiers qu'on distribue sont assez importants ; ils intéressent le lecteur. On en entend parler, il y a un retour. On sent que c'est bien accueilli, que ça suscite des discussions. Alors, le journal clandestin, au début, ça pose énormément de problèmes : il faut du papier, des imprimeurs, un réseau de distribution. Le plus simple de tout, ce sont les articles. On a autant de journalistes que l'on veut, on est à Lyon et un grand nombre de journalistes sont repliés à Lyon.
Quant à l'information, pour l'obtenir, il fallait aller la chercher généralement hors de France et, dans notre organisation, à Libération, nous avions un groupe de deux ou trois dames, venant de pays d'Europe Centrale, qui, à elles deux ou trois, parlaient pratiquement toutes les langues. On les avait installées dans un appartement avec des postes de radio. elles écoutaient les radios : anglaises, naturellement, suisse, allemandes, russe. Elles nous fournissaient tous les deux ou trois jours un véritable bulletin d'agence de presse. Et puis, nous avions aussi des contacts avec des journalistes en activité. Par exemple, à Lyon, j'allais voir, au moins une fois par semaine, au Progrès de Lyon, l'équipe de Yves Farge et Georges Altman, qui étaient des journalistes en activité jusqu'à l'arrivée des Allemands à Lyon et qui recevaient naturellement les dépêches de presse. "
Contexte historique
Raymond Samuel est né le 31 juillet 1914 à Vesoul. Il étudie le Droit et entre à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées.
A la déclaration de guerre, il effectue son service militaire à Strasbourg où il fait la connaissance de Lucie Bernard, qui deviendra sa femme en décembre 1939.
Mobilisé, il est fait prisonnier le 21 juin 1940 à Sarrebourg. Lucie l'aide à s'évader, lui remettant un médicament provocant une forte fièvre. Une fois transféré à l'hôpital, l'évasion est plus facile.
Le couple part alors à Lyon. En octobre 1940, Lucie revient d'un séjour à Clermont-Ferrand où elle a rencontré Jean Cavaillès, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, Georges Zérapha et Jean Rochon qui ont créé La dernière colonne : un petit groupe anti-vichyste décidé à passer à l'action. Elle propose à Raymond de se joindre à eux. Ils collent des papillons, diffusent des tracts, mais peinent à recruter et à développer d'autres actions...
En 1941, le groupe change de stratégie et crée un journal afin de dénoncer plus amplement l'Occupation et la collaboration et, ainsi, recruter plus facilement : le premier numéro du journal Libération paraît en juillet. Le mouvement de Résistance Libération-Sud est en train de naître. Son champ d'action et sa puissance s'étendent au gré de rencontres. En 1942, Libération a différents services (action politique, faux papiers, groupes francs, propagande-diffusion et service social). Raymond est responsable de l'action paramilitaire.
Le 15 mars 1943, lors d'une réunion, Raymond est arrêté avec Maurice Kriegel-Valrimont et Serge Ravanel, sur dénonciation. Lucie obtient sa liberté provisoire le 10 mai et Raymond peut donc participer au coup de main permettant la libération de ses camarades, deux semaines plus tard. Le 20 juin, Raymond rencontre " Max ", Jean Moulin, à Lyon. Il lui propose de devenir inspecteur de l'Armée secrète (AS) pour la zone Nord. Le lendemain, ils doivent se réunir à Caluire, chez le docteur Dugougeon. Véritable coup de filet, à la suite d'une dénonciation, Jean Moulin, Raymond Aubrac et les autres participants - sauf René Hardy - sont arrêtés et internés à la prison de Montluc. Jean Moulin succombera aux interrogatoires de la Gestapo et de son chef Klaus Barbie.
Une fois de plus, Lucie Aubrac décide de tout faire pour l'évasion de son mari : elle prend contact avec la Gestapo, et se faisant passer pour une jeune femme de bonne famille enceinte, elle demande d'épouser Raymond afin de sauver l'honneur de sa famille. Elle obtient ainsi le transfert de Raymond pour la célébration du mariage. Elle s'appuie sur les groupes-francs dirigés par Serge Ravanel, pour attaquer le 21 octobre 1943, le fourgon dans lequel Raymond et les 13 autres détenus se trouvent. En février 1944, Raymond et sa famille gagnent Londres à bord d'un petit avion Lysander. Il rejoint ensuite Alger, où il siège à l'Assemblée consultative provisoire.
En août, il est nommé Commissaire régional de la République à Marseille. Il dirigera ensuite le déminage du pays, puis poursuivra une carrière internationale.
Raymond Aubrac a été élevé à la dignité de Grand'Croix de la légion d'Honneur, le 14 juillet 2010.
Raymond Aubrac est décédé à Paris le 10 avril 2012.
DVD-ROM « Valeurs de la Résistance, valeurs des jeunes aujourd’hui », AERI, 2012.