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Jacques Bloch : le quotidien d'un invalide à Buchenwald

Légende :

Jacques Bloch évoque le quotidien d'un invalide à Buchenwald

Genre : Film

Type : Témoignage filmé

Source : © AERI Droits réservés

Détails techniques :

Durée de l’extrait : 00:02:24

Tournage et montage : Nicolas Voisin

Interview réalisée par Clémence Piet et Manuel Valls-Vicente.

Date document : Février 2009

Lieu : Allemagne - Thuringe Buchenwald

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Analyse média

Retranscription :

" Le camp, en fait, était divisé en trois parties principales. Il y avait ce qui s'appelait le grand camp, où il y avait une petite soixantaine de baraques... qui étaient ces baraques... le grand camp... c'était détention, travail, hygiène... plus que médiocre, mais quand même un rudiment d'hygiène. Il y avait le petit camp... des invalides... c'était quatre ou cinq baraques d'invalides... où on se demandait toujours... parce qu'il y avait des bruits qui disaient : " Ils ne vont pas nous garder longtemps, on va sûrement être passé à la chambre à gaz... c'est pour ça que ça m'encourager à changer un peu... c'est ce que je vous racontais tout à l'heure. Puis, il y avait le camp d'arrivée, qui était un camp de tentes en toile, qui était le camp de quarantaine parce que c'était curieux, ils avaient très peur... ils voulaient nous faire mourir, mais ils avaient très peur des maladies. Moi, j'étais dans une baraque... Il y avait trois, quatre baraques d'invalides, qui étaient des gens qui avaient été arrêtés dans toute l'Europe. Il y avait une grande partie de vieillards, des centenaires qui venaient de Grèce, un peu de partout, c'était complètement cosmopolite... A propos des camps, il faut savoir aussi que c'était très cosmopolite. Il faut savoir qu'on a dénombré 32 - je ne suis pas sûr du chiffre - nationalités. Des Français, des Belges, des Espagnols... il y en avait beaucoup, des anciens républicains espagnols. Puis, il y avait quelques rares nationalités : il y avait quelques Américains, des Américains qui étaient installés en Europe avant la guerre, etc. Bon, au total, 32, mais dont trois ou quatre grosses nationalités.

On avait un logement épouvantable. Moi, j'ai dormi pendant plusieurs mois... Une fois, on a trouvé les débris d'un mètre pliant qui traînait dans la boue, que j'ai ramassé. J'ai quand même pu calculer que j'ai eu le droit comme couchage à 23 centimètres, ce qui voulait dire que dans ces baraques, ce n'étaient pas des lits individuels, mais des rangées de planches qui allaient d'un bout à l'autre... Une rangée de planches, une ligne de planches qui allait jusqu'au bout de la baraque. Si on voulait avoir les pieds un peu au chaud, parce qu'il faisait froid dans ces baraques, si on voulait avoir un peu les pieds au chaud, il fallait accepter de s'emballer avec les pieds des deux d'à côté. Je dois dire qu'au bout d'un certain temps, c'était assez... un peu désagréable. "


Contexte historique

Jacques Bloch est né le 7 juillet 1924, il a donc 15 ans lorsque la guerre éclate. Son père, mobilisé, est fait prisonnier de guerre. Il est libéré durant l'été 1941, avec les autres officiers de réserve anciens combattants de 1914-1918. Mais à son retour, le proviseur du lycée où il enseigne lui annonce qu'il est révoqué, parce qu'il est juif. Deux jours plus tard, c'est la mairie qui convoque le père de Jacques : les Allemands réquisitionnent sa maison. La famille a quelques heures pour quitter les lieux... Ils se réfugient dans leur maison secondaire en Touraine. Ils y habitent jusqu'en février 1942 : la famille est alors prévenue par des villageois que l'ordre a été donné de les arrêter. Ils fuient vers la Creuse, retrouver leur cousin, l'historien Marc Bloch.

Jacques soupçonne son cousin de faire partie de la Résistance et il est certain de pouvoir lui faire confiance : il lui propose donc son aide. Marc Bloch se donne le temps de la reflexion, puis le met en contact avec un camarade qui permettra à Jacques de prendre le maquis dans la région de Bourganeuf (Creuse), le 19 février 1944. Il devient " Jacques Binet ". Jacques et ses camarades apprennent à se servir d'armes. Jusqu'au Débarquement, la plupart des actions sont le sabotage et la réception de parachutages anglais et américains. La population, dans son ensemble, est de leur côté.

Le 7 juin 1944, les maquisards attaquent et libèrent Guéret... Mais la victoire est de courte durée : la terrible division SS Das Reich revient. Lors de ces combats, Jacques est blessé au bras. A l'hôpital, le chirurgien est obligé de l'amputer. Dénoncé par un milicien, Jacques est arrêté dans sa chambre d'hôpital par les Allemands et livré à la Gestapo, à Montluçon. Il y est interrogé pendant sept jours et sept nuits. Transféré à la prison militaire de Moulins, il reste trois mois " au secret ".

Jacques est déporté au camp de concentration de Buchenwald le 5 septembre 1944, alors que Paris est libéré. Les médecins SS hésitent sur son cas : c'est un jeune homme fort mais handicapé. Cela lui permet d'alterner entre le camp de travail et les blocks des invalides. Dans ces derniers, il rencontre Jacques Lusseyran.

Lors de l'évacuation du camp, il préfère s'évader et rejoint clandestinement les lignes américaines le 13 avril 1945. Moins de la moitié des personnes déportées à Buchenwald avec lui rentreront chez eux. A son retour en France, il suit des études de Droit puis travaille comme administrateur au Sénat. Il pratique quelques sports. Retraité, il vient raconter son histoire aux élèves.

 


DVD-ROM « Valeurs de la Résistance, valeurs des jeunes aujourd’hui », AERI, 2012.