Vierge et saints tutélaires

Légende :

Image sainte glorifiant la Vierge Marie

Genre : Image

Producteur : Collection Guy Leydier-père Lallier

Source :

Détails techniques :

Image en couleur de 16 cm sur 11,5 cm sur support papier

Lieu : France

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Analyse média

Le document est une image sainte distribuée aux jeunes enfants catholiques à partir de 1941. Au sommet d'une pyramide trône la Vierge Marie portant l'Enfant-Jésus. Parée d'une large cape bleu de France, étoilée, c'est une Vierge apaisée, souriante, non une Vierge de douleur. L'Enfant-Jésus est également souriant. Le couple inspire donc le bonheur, la sérénité, la paix. Marie est entourée par six saints ou saintes patrons, patronnes, personnages tutélaires de la France. À gauche, trois saintes portent leurs attributs. Jeanne d'arc, est souvent évoquée pour chasser l'ennemi hors de France. Sainte-Geneviève symbolise la défense de Paris en galvanisant les Parisiens pour résister aux Huns. Sainte-Clotilde amena Clovis de se convertir dans les années 490. Depuis 1995, Sainte-Clotilde est la patronne de l'Aviation légère de l'armée de terre française. Selon la légende, grâce aux prières de Clotilde, Clovis put être vainqueur à Tolbiac en « submergeant l'ennemi sous le feu du ciel », fonction actuelle des hélicoptères de combat de l'ALAT.... Saint-Rémy est placé symétriquement, lui qui persuada également Clovis à se convertir à Reims (en zone occupée en 1941), symbole de la pérennité de la France dans la mesure où les rois de France y furent couronnés. Saint-Denis, premier évêque de Paris, mourut en martyr vers 260. Quant à Saint-Louis, il symbolise le roi vertueux et intègre, tout un programme en 1941. Cette image pieuse met en valeur des personnes qui doivent servir de modèle à la jeunesse française déboussolée par la défaite et des années passées considérées comme impies. Saintes et saints, comme la Vierge et l'Enfant-Jésus, présentent un visage serein (sauf Saint-Denis !) propre à rassurer des enfants apeurés par les circonstances du moment.

Le texte qui accompagne les personnages est lourdement chargé de sens.

Le premier paragraphe est un constat. De nombreux jeunes Français sont privés de leurs parents, soit morts au combat, sous les bombardements, soit, pour les hommes, prisonniers en Allemagne. La cause en est la guerre qui dure depuis 1939.

La seconde phrase prédit la persistance de souffrances. C'est pour cela que les jeunes Français doivent être courageux et patients. Ils doivent intercéder auprès de Dieu pour que le chef de l'État français conserve vigueur et santé afin qu'il puisse continuer sa tâche de redressement de la France. Indirectement est évoqué le grand âge de Philippe Pétain qui inquiète les Français quant à sa capacité à gouverner.

Le texte est bien structuré et pédagogiquement parfaitement adapté à de jeunes esprits.

L'imprimatur a été donnée par l'évêque de Moulins Augustin Gochon le 11 février 1941.


Alain Coustaury

Contexte historique

L'image sainte a été publiée en 1941 alors que le régime de l'État de Vichy est installé depuis juillet 1940. Dans une France déboussolée par la défaite, le maréchal Pétain s'appuie sur toutes les forces qui peuvent soutenir son programme de rénovation. La clergé, catholique essentiellement, le protestantisme dans une moindre mesure car il est minoritaire, apportent, dès le début du régime de Vichy, un appui quasiment sans faille à l'action de Philippe Pétain. La jeunesse est une cible privilégiée pour faire passer les messages souvent lancées à la radio dans les discours du Maréchal. Un des moyens d'action est la distribution d'images saintes lors des séances de catéchisme ou à l'issue de cérémonies religieuses. Le document est la parfaite illustration de cette pratique. Il peut être donné comme un « bon point », récompense d'une prière bien apprise. L'image en rejoint d'autres, plus traditionnelles, dans le livre de messe des jeunes pratiquants.

Les jeunes catholiques romanais pourront comparer cette image sainte avec les vitraux de l'église Notre-Dame de Lourdes où une verrière représente, autour de la Vierge, Saint-Clotilde, Sainte-Geneviève et d'autres saints tutélaires. Ils pourront l'ajouter aussi aux photos et documents qu'ils reçoivent à l'école, autre lieu privilégié par le pouvoir pour faire connaître son programme et ses idées. Ainsi le pratiquant baigne dans une ambiance d'imagerie sainte et lénifiante.

L'impact de cette propagande est difficile à mesurer. S'il est réel au début du régime de Vichy, profitant du désarroi de la population, il sera vite limité par l'évolution du conflit et les difficultés matérielles. Progressivement mais inéluctablement, le rôle du clergé comme soutien du régime va diminuer. Plusieurs dignitaires, beaucoup de prêtres vont se détacher de Vichy et vont prendre leur distance avec le régime.


Alain Coustaury