Lettre de l’Office de Placement allemand de Valence du 12 mai 1944 au père d’un travailleur romanais
Genre : Image
Type : Document officiel
Source : © ADD, fonds Pierre Vincent-Beaume Droits réservés
Détails techniques :
Feuille 21 x 24cm, dactylographiée.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère
Analyse média
Un STO permissionnaire de Romans-sur-Isère ne s'est pas présenté pour le retour en Allemagne. L’Office de Placement allemand de Valence envoie une lettre d'averstissement, datée du 12 mai 1944, au père.
Extrait de la lettre : « …votre fils devra se présenter […] à nos bureaux […] Au cas où votre fils ne se présenterait pas, nous vous considèrerions comme responsable envers nous, par contre s’il se présente librement il n’aura pas à craindre de sanctions de notre part ».
Auteurs : Robert Serre
Contexte historique
Certains trouvent des moyens personnels d’échapper à la réquisition. Les ouvriers d’usines fournissant l’essentiel de leur production aux Allemands sont maintenus sur leur lieu de travail. En décembre 1943, le groupe 2 du Chantier de jeunesse de Saint-Jean-en-Royans accepte de travailler aux aérodromes et à l’entretien des voies ferrées, puis est affecté à Chabeuil dans les locaux de la maison de retraite de Nazareth. Dans la même période, près d’une centaine de réfractaires font régulariser leur situation en s’engageant dans des entreprises prioritaires ou des exploitations forestières. D’autres se font établir de faux certificats d’invalidité par des médecins.
Les embryons de Résistance qui travaillaient surtout à diffuser par tous les moyens une information autre que celle muselée par la censure, se disent qu’il faut réagir vite et s’organiser pour contrer les dispositions vichystes. Que faire ? Protester, convaincre l’opinion ne suffisent plus. Dans la clandestinité, les organisations démocratiques en discutent, l’idée va apparaître qu’il faut rapidement rassembler et cacher les réfractaires.
La Résistance met rapidement en place la confection de faux papiers truquant des dates de naissance, l’affectation à des emplois exemptés, la recherche de familles complices prêtes à cacher des insoumis, l’installation de refuges pour « planquer » les réfractaires.
Ce sont des gens convaincus et courageux, mais qui ne savaient pas quel rôle jouer, qui acceptent qu’on utilise l’isolement de leur ferme ou la discrétion de leur résidence pour camoufler des réfractaires. « On planquait les jeunes dans les fermes qui voulaient bien ». À Marsanne, Caillet lance l’idée de construire une baraque dans les bois « parce qu’il [va] en venir d’autres s’ils commencent à ramasser les gens comme ça ». Certains paieront de leur vie cette participation courageuse à la Résistance, comme la famille Brenier, au Grand-Serre, ou Paul Béranger, à Sainte-Croix, ou encore Lucienne Gilles, Résistante de Montségur-sur-Lauzon, qui, entre autres, hébergeait des réfractaires au STO (elle sera arrêtée le 10 juillet 1944 et déportée).
Les premiers maquis pour les réfractaires
Les premiers maquis n’ont d’abord pour objectif que d’héberger ces réfractaires et ceux-ci ne deviendront pas spontanément des combattants. Si tous les maquis ne sont pas formés à l’origine par des réfractaires au STO, tous en accueillent rapidement. Mais les actions répressives des occupants et de la Milice ne peuvent que les conduire à s’armer pour se défendre.
Des groupes se constituent et gagnent la montagne. Le refus de partir travailler en Allemagne entraîne la naissance et la floraison de camps de réfractaires : en février 1943, 85 hommes réunis dans la clairière d’Ambel coupent du bois car on a trouvé tout simple de camoufler ce camp militaire en exploitation forestière. 85 hommes armés de vieilles pétoires, de fusils de chasse et de revolvers d’ordonnance ! Parmi ces jeunes, les uns sont venus ici pour échapper au STO, les autres parce qu’ils voulaient se battre.
En février 1943, Marguerite Soubeyran installe le premier maquis de réfractaires au STO derrière l’école de Beauvallon à Dieulefit. Un groupe, créé vers février 1943, constituait la plaque tournante de la Résistance : Grâce à une équipe sédentaire de Résistants, les réfractaires de Die peuvent se procurer une carte d’identité et trouver un asile sûr dans une ferme isolée. Bientôt, chaque village de Vercheny à Valdrôme abrite plusieurs jeunes qui trouvent auprès de gens hospitaliers et courageux le gîte et le couvert.
En mars 1943, les MUR (Mouvements unis de la Résistance) adressent aux chefs régionaux de la Résistance en France une directive concernant la création des maquis pour faciliter le regroupement des réfractaires. Le 12, dans la nuit, Gaby Reynier, M. Marin et trois jeunes réfractaires au STO, Laporte, de Cannes, Raoul Michel et Marnas de Portes-lès-Valence, entassent dans une charrette à cheval quelques vivres, des bottes de paille et des couvertures et montent dans la grotte dite de "Mandrin" à Beauvoisin. Ces trois réfractaires seront les premiers maquisards FTPF du sud de la Drôme, n’ayant guère pour arme qu’un vieux Mauser. Peu après, d’autres réfractaires les rejoignent. Dans le Nyonsais, fin avril 1943, les quelques organismes de résistance existant déjà décident la création d’un maquis FTP à la ferme Buffet à La Lance, alors que le pasteur Saignol de Valréas est à l’initiative du maquis AS de la ferme Chauveau, sur l’autre pente de la montagne ; ce dernier est dirigé par Pierre Challan Belval : c’est la naissance du maquis Pierre. L’un et l’autre reçoivent les jeunes du pays désignés pour le STO puis d’origines très diverses par exemple trois jeunes garçons évadés à la gare de Lyon-Perrache du train qui les emmenait et qui ont été hébergés par un couple de Tain. Dans l’été 1943, environ cent réfractaires, disposant d’armes et ravitaillés par les gens du pays, se trouvent dans les bois au sud du Grand-Serre, commandés par le lieutenant Narcisse Geyer, ex-officier du 11e Régiment de Cuirassiers de Lyon.
Dans les Chantiers de la jeunesse, les jeunes subissent de fortes pressions, puis se retrouvent directement menacés dès que l’obligation est instaurée. Le 3 juillet 1943 au chantier de jeunesse de la Vacherie, Auguste Chêne apprenant qu’il est requis pour le STO décide de rejoindre le maquis. Il part avec Marcel Almérigui, emportant du matériel du chantier. Ils rejoignent le C6 à Lachau le 12 juillet. Une quarantaine de réfractaires provenant des désertions du chantier de Jeunesse n° 33 de Nyons alimente le maquis FTP du Poët-Sigillat, dirigé par Morvan. On n’est pas surpris qu’au moment de prendre le large, ces jeunes emportent ce qui pourra être utile à la Résistance, vêtements, literie… Au chantier n° 33 de Nyons installé à Condorcet, 16 grandes couvertures, 76 couvre-pieds, 15 paletots, 16 vestes de cuir et 4 mulets disparaissent au début décembre 1943.
Auteur(s) : Robert Serre
Sources : AN, F/1CIII/1152, rapports du préfet, F/1a/3901. ADD 1920 W (CVR). Dvd-rom La Résistance dans la Drôme, le Vercors, édition AERD-AERI, 2007. Serre Robert, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Dreyfus Paul, Vercors citadelle de liberté, Arthaud Grenoble, 1969. Dufour, Drôme terre de liberté. Vilhet Albin, La Résistance dans le Nyonsais, Valence, Imprimeries modernes, 1982. Burles Élizabeth, La Résistance et les maquis en Drôme sud, été 1942-août 1944, Lyon, Mémoire de maîtrise de l’Université Lyon II, 1976. Sandrine Suchon, Résistance et Liberté, Dieulefit. Ladet René, Ils ont refusé de subir, Portes-lès-Valence 1987. Collectif, Die, histoire d’une cité, Patrimoine de la vallée de la Drôme, 1999. Amicale du maquis Morvan, Maquis et bataillon Morvan, Marseille, Éditions de l’Amicale, 1987 et 1992. Buix Aimé, « la Résistance dans les Baronnies ». Genest Claude, Tain au quotidien. Chosson Henri, Desgranges Marcel, Lefort Pierre, Drôme nord, terre d’asile et de révolte, Peuple Libre, Valence 1993.