Henri Manhès

Légende :

Henri Manhès, représentant de Jean Moulin en zone Nord

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Musée de l’Ordre de la Libération Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Lieu : France

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Contexte historique

Henri Manhès naît le 9 juin 1889 à Étampes. Le 1er octobre 1910, après deux années de Droit, il est appelé sous les drapeaux. Il effectue ses deux années de service militaire au 15e régiment d'infanterie.
Mobilisé le 2 août 1914 comme sergent au 160e régiment d'infanterie, il achève la Première Guerre mondiale avec le grade de lieutenant. Il est chevalier de la Légion d'honneur et titulaire de la croix de guerre (sept citations). Après sa démobilisation, il est secrétaire de direction aux Messageries Hachette. Il entre ensuite comme directeur commercial aux Éditions Tallandier, dont il devient en 1930 le numéro deux. Militant syndical actif, Croix-de-Feu et franc-maçon, il est alors un personnage incontournable du monde de l'édition.
En novembre 1933, il quitte Tallandier et prend pour quelques mois la direction du journal Réalisme. Il exerce par la suite des activités dans l'industrie alimentaire, tout en signant des articles dans L'Excelsior.
En juillet 1936, il est en Espagne où il assiste aux débuts de la guerre civile. Après un passage à Paris, il retourne à Madrid où il rend des services à l'attaché de l'Air français et au cabinet civil de Pierre Cot. À son retour, il est intégré à l'équipe de Cot, constituée autour de Jean Moulin. Celui-ci pousse alors le capitaine de réserve Manhès à redevenir militaire d'active dans le cadre du décret Cot visant à "républicaniser" l'armée de l'Air. Le 1er novembre 1937, c'est chose faite : Manhès est admis en situation d'activité dans l'armée de l'Air. Au printemps 1938, il intègre l'état-major de la base aérienne de Saint-Cyr. Il est promu commandant le 15 juin 1939.
Début 1940, il demande en vain son reversement dans l'armée de Terre afin d'exercer un commandement au front. Au sein de la base de Saint-Cyr, il forme alors un groupe susceptible de récupérer du matériel sur la ligne de front, voire à l'intérieur des lignes allemandes. Avec ce groupe, il effectue avec succès une mission périlleuse du 21 au 24 mai.
Faisant retraite en essayant de sauver le matériel de la base de Saint-Cyr, il passe à Chartres le 3 juin où il retrouve brièvement Moulin. Écoeuré par la demande d'armistice, Manhès demande à quitter le service actif, ce qu'il obtient le 12 août 1940. Fin 1940, décidé à "faire quelque chose", il rejoint le mouvement Ceux de la Libération (CDLL), encore embryonnaire, au sein duquel il se met alors à travailler au recrutement. Peu de temps auparavant (novembre), il a retrouvé Jean Moulin auquel le lie une très forte amitié. En janvier-février 1941, à Cagnes-sur-Mer, il aide ce dernier à obtenir une fausse carte d'identité et un passeport. Jusqu'au départ de l'ancien préfet pour Londres, en septembre 1941, les deux hommes se voient très régulièrement.
Début 1942, Manhès ("Frédéric", "Monceau") est chargé par Moulin, revenu d'Angleterre, de rechercher des terrains d'atterrissage en zone libre et de travailler à la propagande antivichyssoise. En mai, il devient le représentant officieux de Moulin en zone occupée. Sa mission est de prendre contact avec les organisations de Résistance. Ses missi dominici à Paris sont Pierre Meunier et Robert Chambeiron. Pour sa part, il assure la liaison avec la Délégation générale en gestation. Dans la capitale, sa couverture est la Société d'exploitation des Brevets AB, spécialisée dans le domaine agroalimentaire et dont le siège est au 149, rue de Rome. Aussi dynamique et flamboyant que peu ordonné, Manhès n'obtient que des résultats mitigés. Le contact est certes maintenu avec CDLL, tandis qu'il est progressivement établi avec les milieux maçonniques résistants, notamment les petites organisations Liberté, Égalité, Fraternité, Le Cercle, et La Ligue, avec des militants radicaux et socialistes, avec les mouvements Ceux de la Résistance, Lorraine et La Voix du Nord, ainsi qu'avec les FTP. Mais rien de concret n'est entrepris en direction d'organisations aussi importantes que Libération-Nord et l'OCM.
Manhès crée également un réseau d'action, de renseignement et d'évasion, le réseau Frédéric. Le 28 janvier 1943, il part pour Londres. De retour en France à la fin février, il se trouve de fait en concurrence avec Pierre Brossolette présent en zone Nord pour la mission Arquebuse-Brumaire. Les deux hommes se rencontrent les 1er et 2 mars au cours de deux réunions tendues, en compagnie de Passy et Yeo-Thomas, d'une part, de Meunier et Chambeiron, d'autre part. Manhès prend alors l'engagement de présenter aux envoyés de Londres l'ensemble de ses contacts résistants. Mais il est arrêté le 3 mars, rue de Rome, par des inspecteurs des Brigades spéciales.
Grâce aux papiers saisis lors de son arrestation, une grande rafle est réalisée dans les milieux résistants par les polices allemande et française. Moulin lui-même devient vulnérable Le 3 avril, Henri Manhès est remis au SD allemand du 84, avenue Foch. Incarcéré à la prison du Cherche-Midi puis à celle de Fresnes, il est régulièrement interrogé jusqu'à l'automne.
Condamné à mort le 3 novembre 1943, il échappe au peloton d'exécution grâce à l'action de sa femme. Il est déporté en Allemagne le 22 janvier 1944, à destination de Buchenwald. Jusqu'à sa libération, le 11 avril 1945, il joue un rôle important au sein de la résistance du camp, par le truchement notamment du Comité des intérêts français qu'il a créé.
Parvenu en France le 18 avril 1945, Manhès demande à repartir aussitôt en Allemagne pour activer le rapatriement des détenus du camp. En octobre 1945, il crée la FNDIRP avec Marcel Paul, dont il est devenu un ami proche à Buchenwald. Lorsque celui-ci est nommé ministre de la Production industrielle le 21 novembre 1945, il entre à son cabinet.
Président fondateur de l'Association des anciens déportés de Buchenwald, ce compagnon de route des communistes devient par la suite président de la Fédération internationale des résistants.
Il meurt le 24 juin 1959 à Nice. Il était compagnon de la Libération (décret du 19 octobre 1945), médaillé de la Résistance et commandeur de la Légion d'honneur.


Guillaume Piketty, "Henri Manhès" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.