Comment le premier maquis FTP en zone Sud a débuté
Genre : Film
Type : Témoignage
Source : © Collection Jean-Claude Bonnin Droits réservés
Détails techniques :
Film Pierre Jacquet, 1992.
Date document : 1992
Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Cher
Analyse média
Biographie du témoin, Pierre Jacquet:
Né le 30 juin 1911, fils unique d'une famille modeste de Torteron, Pierre Jacquet a trois ans quand son père, ouvrier aux fours à chaux, part pour la guerre (" la Grande Guerre "). Fait prisonnier au début du conflit, celui-ci connaît presque cinq années de captivité. Libéré après l'Armistice, il meurt en 1919 des suites de mauvais traitement. Madame Jacquet doit alors faire des ménages et des lessives. Après l'école primaire, Pierre Jacquet, bon élève et pupille de la nation, continue ses études au cours complémentaire de La Guerche-sur-l'Aubois. Ensuite, il entre à l'Ecole normale de Bourges (1927-1930). A sa sortie, il est nommé instituteur à Parnay. En 1930, il effectue son service militaire dans le 95ème régiment d'infanterie ; à son retour à la vie civile, il a le grade de caporal-chef. En 1932, il rejoint son poste à Dun-sur-Auron. Très sportif (football-athlétisme), adhérent du Syndicat national des instituteurs (SNI), Pierre Jacquet n'est pas un militant politique. Il est inquiet de la venue au pouvoir en Allemagne des nazis. En 1938, il effectue une période militaire comme réserviste. A la déclaration de la guerre, Pierre Jacquet est mobilisé dans le 5ème régiment du train auto (9ème division d'infanterie). Après " la drôle de guerre ", son unité se retrouve en Belgique à la frontière néerlandaise. Puis ce sera la débâcle. Son groupe arrive à Orléans les 16 et 17 juin 1940. La déroute continue, il est fait prisonnier à Levet (Cher) le 19 juin 1940. Emmené dans une colonne de prisonniers vers Sancerre, Pierre Jacquet réussit à s'évader. Démobilisé en zone non occupée, à l'automne 1940, il reprend son poste à Dun-sur-Auron. Il refuse de faire chanter : " Maréchal nous voilà " à ses élèves, et applique avec réticence le nouveau programme scolaire de Vichy imposé par l'inspecteur d'académie de la zone non occupée (Foex). En 1943, contacté par Fernand Sochet, instituteur responsable du Front national, Pierre Jacquet entre en résistance. Il reste " légal ", continuant à faire la classe le jour, devenant agent de liaison la nuit. Le 6 juin 1944, il se trouve dans l'unité FTP qui attaque la Milice à Saint-Amand-Montrond. Il participe au repli dans la Creuse puis revient dans le Cher. En juillet 1944, il a le grade de capitaine FTP et fait la liaison entre les résistants du Cher et de l'Indre. Ensuite, il participe avec "Maxime" (disparu le 15 août 1944) et Magnon aux réunions de l'état-major des FFI du Cher-Nord dans un petit bois près de Saint-Germain-du-Puy (domaine de Chamfort). Dans ces réunions, il prend clairement position contre une attaque prématurée de Bourges, expliquant que cela aurait des conséquences dramatiques pour la population civile. Ainsi, la Résistance installera un véritable étau autour de Bourges, harcelant les Allemands, détruisant leurs véhicules....pour provoquer leur départ. Le 6 septembre 1944, il n'y a que quelques dizaines d'Allemands à Bourges lors de l'entrée des forces de la Résistance dans la ville. Pierre Jacquet est membre du Conseil départemental de libération au titre des Forces unies de la jeunesse patriotique, il fera partie de la Commission d'épuration de la chambre civique pendant un an. En 1946, il assiste à l'exécution de Paoli, au polygone de Bourges. Réintégré dans l'Éducation nationale, il sera pendant quatre ans inspecteur de la Jeunesse et des Sports, puis en 1949, il entre comme journaliste au Berry républicain, journal issu des organes de presse de la Résistance, dont il devient rédacteur en chef en 1952. Retraité en 1976, il deviendra président départemental du Comité d'union de la Résistance et de la Déportation, il sera aussi le président fondateur du Musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher. Il est décédé le 9 février 2002.
Jean-Clauve Bonnin, "Pierre Jacquet",extrait du CD-Rom La Résistance dans le Cher, AERI, 2008.
Contexte historique
En zone Sud, deux anciens des Brigades internationales en Espagne vont se rencontrer en 1942 ; Henry Diaz qui deviendra le "commandant Bertrand" a quitté le Berry en 1936 pour se battre contre le fascisme en Espagne. Rentré en France en 1939, il est mobilisé pour la drôle de guerre et fait prisonnier. Après plusieurs tentatives d'évasion, sanctionnées par l'internement dans un camp disciplinaire, Diaz parvient à fausser compagnie à ses gardiens, le 25 février 1942. Au mois de mai 1942, le voilà à Dun-sur-Auron où il trouve du travail à la fabrication de charbon de bois pour les voitures fonctionnant au gazogène. L'employeur est la Compagnie des pétroles, obligée de remplacer l'essence par le charbon de bois. Henry Diaz constate rapidement que des personnes désirent constituer une organisation de résistance. Il recherche celui qui en est à l'origine et il trouve un autre ancien des Brigades internationales. Marcel Lalonnier (futur "colonel Hubert") est arrivé à Dun-sur-Auron en août 1942. Lorsqu'ils se rencontrent dans les bois du Défant entre Jussy-Champagne et Osmery, "Hubert" a déjà récupéré des armes cachées par le 1er RI après sa dissolution. Ensemble, ils repêchent dans l'Auron, des caisses de munitions que le 1er RI y a jetées, pour éviter que les Allemands ne les prennent. Il leur faut envisager un abri clandestin. Dans son livre Les sentiers de la liberté, Henry Diaz raconte comment "Hubert", Morlat, Vallet, les frères Léon et Michel Kandoguine, un Polonais et lui-même construisent une hutte en bois et en terre pouvant contenir huit à dix personnes. Le maquis de Maupioux est né. Début 1943, ils sont isolés, sans contact avec une organisation, mais leurs connaissances leur permettent de former des petits groupes autour de Dun-sur-Auron. Ils rencontrent Pierre Jacquet, instituteur à Dun-sur-Auron et bientôt ils prendront contact avec le PCF et les FTPF et quand "Renaudin" leur représentant, se présente à Dun-sur-Auron, il trouvera en effet une équipe déjà constituée et armée. Il n'est pas habitué à cela. Le maquis possède 14 FM, 32 mousquetons, 200 grenades, 20 000 cartouches. Lors du procès du 1er RF, "Hubert" témoigne du fait que, travaillant chez un artisan de Dun-sur-Auron, il fut chargé de l'installation du chauffage central au mess des officiers et a pu soustraire des fusils, des pistolets, des chaussures et provoquer la désertion d'une douzaine d'hommes , dont l'un se réfugia au maquis de Maupioux, et comment ce dernier fut blessé et libéré de l'hôpital de Saint-Amand-Montrond. Grâce à Fernand Sochet, responsable du Front national, "Hubert" et Diaz sont mis en contact avec Van Gaver, du mouvement Combat et, ensemble, ils décident l'intervention du 6 juin 1944 à Saint-Amand-Montrond, notamment pour mettre la Milice hors d'état de nuire. Repliés dans la Creuse, les FTPF du maquis de Maupioux reviendront dans le Cher pour participer à la libération du département.
Maurice Renaudat, "Le maquis de Maupioux", extrait du CD-Rom La Résistance dans le Cher, AERI, 2008.