Bon de réquisition rédigé par Charles Loriette

Légende :

Bon de réquisition fait par Charles Loriette dit "Barnes", intendant du maquis Bir Hakeim, à Monsieur Gély, fermier de la propriété Lapeyre à La Borie, pour un mouton. Ce bon de réquisition est daté du 27 mai 1944, le lendemain de l'arrivée du convoi roulant du maquis Bir Hakeim à La Parade.

Genre : Image

Type : Bon de réquisition

Source : © ANACR Lozère, don de Mme Jeannette Bouty Droits réservés

Date document : 27 mai 1944

Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Lozère - La Borie

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Analyse média

Charles Léon Loriette est né le 7 mars 1925 à Laon (Aisne). Il est le fils d'Arthur Loriette, électricien, et de son épouse née Beaucourt. Charles est l'aîné d'une famille de trois enfants. Après le décès de son père, survenu le 29 avril 1939, il devient le soutien de famille et aide sa mère pour subvenir aux besoins du foyer. L'ensemble de la famille déménage en Moselle, pour habiter la commune de Jouy aux Arches. La déclaration de guerre et l'invasion allemande surprennent la famille Loriette.

A partir de l'été 1940, la Moselle est annexée au Reich. Charles et sa famille sont dès lors soumis à la législation allemande. Malgré sa situation de soutien de famille, Charles est appelé à intégrer les contingents de l'armée allemande en mai 1943. Ne pouvant pas accepter de servir l'armée qui occupe son pays, il "décide de quitter la Lorraine pour rejoindre le maquis français dès qu'il a reçu sa feuille de route allemande. Il a donc déserté l'armée allemande dès la première heure".

Très recherché par les autorités allemandes car considéré comme déserteur, Charles Loriette traverse la France pour trouver refuge dans la région de Bagnols sur Cèze (Gard). C'est ici qu'il entre en contact avec le comité de l'Armée secrète (AS) de Pont Saint Esprit qui réussit à lui trouver une planque. Toujours par le même intermédiaire, en janvier 1944, il entre en contact avec le maquis Bir Hakeim qui vient de s'installer dans la région. Il décide d'intégrer ce maquis où il prend le pseudonyme de "Barnès". Dès lors, sa vie est étroitement mêlée à celle des Biraquins. Avec eux, il participe aux combats de la Vallée Française contre les troupes d'Occupation (7 au 12 avril 1944), puis trouve successivement refuge au château du Castanier, au château de Fons et au Grand Hôtel du Fangas sur le Mont Aigoual. "Barnès" devient l'intendant du groupe de combat de Bir Hakeim. Toujours prêt à livrer bataille à l'occupant et aux Français collaborateurs, Charles Loriette met ses talents d'organisateur au service du groupe de combat toujours très mobile, car pourchassé en permanence par les troupes d'Occupation, les GMR ou la Milice. Pour échapper à l'encerclement du massif du Mont Aigoual, organisé par les GMR aidés de la Milice, les Biraquins quittent leur refuge du Grand Hôtel du Fangas dans la nuit du 25 au 26 mai 1944. A la tête du convoi roulant, Charles Loriette et son groupe de maquisards, essentiellement composé de Guérilleros espagnols, traversent la localité de Meyrueis à l'aube du 26 mai, et s'installent dans la matinée du 26 mai au hameau de La Borie (commune de La Parade) sur le Causse Méjean. "Barnès" à pour mission d'organiser le nouveau cantonnement du maquis avant l'arrivée du gros des troupes qui a emprunté une autre route. Durant les journées des 26 et 27 mai 1944, "Barnès" multiplie les réquisitions (farine, mouton, pain...) et organise l'installation du PC du maquis dans le château Lapeyre de La Borie. Quand les Biraquins arrivent à La Parade, le samedi 27 mai dans la soirée, complètement épuisés par deux jours de marche et de combat, ils peuvent trouver un peu de réconfort et se coucher dans des bâtiments réquisitionnés par "Barnès". Le dimanche 28 mai 1944 à huit heures, commence le combat de La Parade entre les troupes d'Ocupation, qui ont profité de la nuit pour encercler le maquis, et les Biraquins cantonnés à La Borie. Durant toute la journée, Charles Loriette défend vaillamment les positions du maquis à l'intérieur des murs du hameau de La Borie. "Barnès et un autre, quittent la cour du château, font cinquante mètres à découvert, s'embusquent derrière une croix, près de la route et tirent comme des forcenés. Chacun pour alimenter son fusil-mitrailleur a bourré son sac tyrolien de cartouches".

Mais peu à peu, la situation critique des maquisards totalement encerclés et soumis à un feu terrible de la part des troupes d'Ocupation plus nombreuses et mieux armées, devient intenable. A seize heures, la dernière vingtaine des Biraquins encore vivants décide de se rendre, en faisant confiance aux promesses faites par l'officier allemand qu'ils seraient traités comme des prisonniers de guerre. Charles Loriette fait partie de ce groupe, qui, une heure plus tard est emmené dans les camions de la Légion arménienne. Sitôt arrivés à Mende, dans la soirée du 28 mai 1944, Charles Loriette et 26 de ses camarades de combat prisonniers sont livrés à la Gestapo et enfermés dans les caves de la maison Lyonnet où ils subissent un très dur interrogatoire. Le lundi 29 mai 1944, les prisonniers épuisés et affreusement torturés pour certains sont emmenés dans le ravin de La Tourette à proximité du village de Badaroux où ils sont lâchement fusillés. Le corps de "Barnès" est descendu sur Badaroux le soir-même pour être enterré à côté du cimetière du village. Comme de nombreux autres corps, il n'est pas reconnu avant l'inhumation. Lors de la libération de la Moselle, à l'automne 1944, madame Loriette cherche à reprendre contact avec son fils dont elle est sans nouvelle depuis juin 1943. Grâce au travail de madame Anna Rousseau, le corps de "Barnès" est reconnu, exhumé et rendu à sa famille pour être ré-inhumé en Moselle en septembre 1945.


Equipe Lozère, "Charles Loriette dit "Barnès"", CD-Rom La Résistance en Lozère, AERI, 2006.

Contexte historique

Dans la nuit du 25 au 26 mai 1944, le maquis Bir Hakeim regroupé à l'hôtel du Fangas du mont Aigoual décide d'évacuer ce lieu repéré par les avions de reconnaissance allemands et attaqué par les Miliciens et les GMR. Pour rejoindre La Parade, le maquis Bir Hakeim décide de se scinder en deux parties qui emprunteront chacune une route différente. Le convoi roulant (cuisine roulante, camions de vivres et de matériel, side-cars) emprunte la route reliant Camprieu, Meyrueis et La Parade. Le village de Meyrueis est traversé le 26 mai à 5 heures sans problèmes. A 7 heures, huit maquisards, de l'avant-poste de Camprieu, commandés par Georges Valézi dit "capitaine Brun", traversent le village en demandant à des habitants la route à suivre pour rejoindre La Parade. Une fois arrivée au château Lapeyre, l'intendance du maquis s'occupe d'organiser le cantonnement et la sécurité du site. Des bêtes sont réquisitionnées aux fermiers du domaine Lapeyre. Le four à pain est lui aussi réquisitionné. A 9 heures, les maquisards contrôlent une personne originaire de Barre des Cévennes, qui circule en motocyclette sur la RN n° 586. Après contrôle, elle obtient l'autorisation de continuer son chemin. Elle déclare à la gendarmerie que : "ces individus étaient détenteurs du matériel suivant : trois camions diesel, une traction-avant, trois ou quatre motocyclettes. Dans l'un des camions se trouvaient des sacs de farine ; le deuxième contenait 5 ou 6 matelas ; la nature du chargement du troisième camion ainsi que de la conduite intérieure n'a pu être déterminée. Le nombre de terroristes est estimé à 30 ou 40 hommes environ, armés de mousquetons, de revolvers, et d'autres armes de petit calibre". Le soir-même, vers 18h30, une voiture de l'administration des PTT est arrêtée par deux maquisards à l'embranchement du chemin de grande communication n° 63 et de la RN 586 à La Parade. Les maquisards s'emparent de 80 kilogrammes de fil de cuivre et de deux sacs d'outils et laissent les fonctionnaires, qui réparaient les lignes téléphoniques, poursuivre leur route. Le lendemain matin, le samedi 27 mai, vers 6h30, six hommes du maquis Bir Hakeim, "armés de fusils-mitrailleurs et de mitraillettes se présentent à la boulangerie Coste de Sainte Enimie. Ils emportent 105 kilogrammes de pain qu'ils payent avec des tickets. Avec une voiture automobile noire, type traction avant, et une motocyclette, ils repartent en direction de Meyrueis" (donc de La Parade). A 10h30, une seconde expédition de quatre hommes se présente à la boulangerie Bosc à Sainte Enimie. "Ils emportent 103 kilogrammes de pain. Ils ont payé après avoir remis des tickets. Ces individus qui venaient de la direction de Meyrueis, avec une voiture noire, type traction-avant et une motocyclette, sont repartis dans la même direction". Le gros des troupes du maquis Bir Hakeim, environ 60 hommes, sous la direction de Marcel de Roquemaurel, quitte aussi l'hôtel du Fangas dans la nuit du 25 au 26 mai 1944, mais emprunte la route du col de Perjuret pour gagner le Causse Méjean et le mas de Saubert (commune de Hures) où un camion viendra les récupérer pour les amener à La Parade. Mais, à hauteur du village de Cabrillac (commune de Gatuzières), un accrochage oppose les maquisards aux Miliciens et aux GMR venus encercler le massif de l'Aigoual. Cet accrochage provoque la dispersion de ce groupe de 60 hommes. Une quinzaine d'hommes contourne Cabrillac par Massevaques et Fraissinet de Fourques. Cinq hommes se perdent dans les bois du massif de l'Aigoual. Quarante demeurent cachés durant toute la journée du 26 et attendent dans la forêt dominant Cabrillac que les Miliciens quittent ce village. Ils traversent le col de Perjuret de nuit et atteignent le mas de Saubert le samedi 27 mai dans l'après-midi. A Saubert, Emmanuel Doussière, devenu ouvrier agricole dans ce mas, reconnaît certains maquisards qu'il avait rencontrés au château de Fons à la mi-avril. Ces maquisards rejoignent leurs compagnons à La Parade à 18 heures, le samedi 27 mai, épuisés, avec un retard de plus d'une journée sur les plans. Ce retard peut être considéré comme une des causes de leur perte. Le soir-même, le "commandant Barot" organise les postes de garde : une sentinelle est placée à 200 mètres au nord de La Borie pour surveiller la RN 586 vers Sainte Enimie ; quatre mitrailleurs espagnols surveillent cette même route en direction de Meyrueis à la sortie sud du hameau. Les hommes s'éparpillent dans différentes maisons du village pour y passer la nuit. Le "commandant Barot" demande à ses chauffeurs de tenir prêts leurs camions pour le lendemain 7 heures. Mais, constatant la fatigue des hommes arrivés de Saubert, il décide, à 20 heures, de repousser le départ du lendemain matin à 9 heures. Le dimanche 28 mai, jour de la Pentecôte, vers 7h30, les maquisards s'éveillent. Dans la cour du château, ils font leur toilette ou avalent un bol de lait offert par madame Gely, la voisine. Les habitants des fermes et des villages environnants se rassemblent pour assister à la messe qui va être donnée à 8 heures dans l'église de La Parade par l' abbé Maury. Philippe Gely se prépare à amener le lait des brebis de la ferme de La Borie à la laiterie installée en contrebas du village de La Parade. A 8 heures "retentit, aussi soudain et inattendu qu'un coup de tonnerre dans un ciel serein, le crépitement d'une mitrailleuse allemande qu'on devine toute proche". Le combat de La Parade s'engage. 


Témoignage de Christian de Roquemaurel, La Lozère Nouvelle, 24 mai 1996. Equipe Lozère,"La Parade : installation du maquis Bir Hakeim", CD-Rom La Résistance en Lozère, AERI, 2006.