Daniel Tytelmann

Légende :

Daniel Tytelmann est un des nombreux Juifs drômois qui ont été arrêtés et déportés.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Serge Klarsfeld Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar

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Analyse média

Photographie de Daniel Tytelmann dans le jardin public de Montélimar, avant son arrestation le 3 mars 1944 à l’âge de 15 ans.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Déjà en 1942, quelques Juifs installés à Montélimar avaient été raflés par des agents de la police française : Paula Kuhn et son beau-frère David Kuhn, Polonais, le couple Hugo et Ella Wolff, tous deux âgés de 59 ans, et leur nièce Ilse, 23 ans, et Sissel Dolmann, tous partis début septembre vers Auschwitz. Le 1er septembre, le préfet de la Drôme écrit : « J'ai cru devoir me rendre à Montélimar à la suite des expulsions des juifs étrangers qui ont eu lieu le 26 août. Montélimar était en effet un des gros centres juifs de la Drôme. Mais ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, l'élément juif étranger n'était pas celui qui exerçait une influence prépondérante. C'est bien plutôt parmi les Juifs français qui s'y sont réfugiés, qui sont plus libres, plus riches et qui ont beaucoup de relations qu'il faut rechercher l'élément perturbateur. Je compte dans les jours qui vont suivre surveiller de très près les réactions produites dans la ville par les mesures contre les Juifs étrangers et prendre à l'égard des Juifs français les mesures de coercition indispensables ». C'est probablement vers la fin de cette année 1942 qu'est arrêté le courtier bancaire Georges Edwaski, né à Paris mais venu à Montélimar avant la guerre, et qui, embarqué à Drancy dans le convoi n° 53 du 25 mars 1943, part à Sobibor où il est immédiatement gazé.


L’année 1943 voit se poursuivre les arrestations : Walter ou Alter Franckel, arrêté le 25 août 1943, dont le fils Marcel, huit ans, hébergé à Peyrins, chez Germaine Chesneau, puis à Rosans (Hautes-Alpes) sera sauvé, des sexagénaires, Simon et Meta Dreyfuss pris par les Allemands à l'asile de vieillards, Sara Bolechower, polonaise de 43 ans arrivée à Montélimar avant le déclenchement des hostilités, sont tous déportés.

Le 11 octobre 1943, deux Juifs français, Robert Meyer, 43 ans, marchand de confection originaire de Troyes et replié à Montélimar, et son épouse Raymonde née Louscham, 34 ans, sont arrêtés par les Allemands à Montélimar où ils dirigeaient un réseau de Résistance. Fin 1941, Meyer avait pris contact avec Jean-Pierre Lévy et constitué une équipe de Franc-Tireur avec des réfugiés dans la ville, qui assurait la rédaction et la diffusion de tracts anti vichyssois, la distribution de la presse clandestine, etc. Déjà Robert avait été arrêté en juin par les Italiens, puis relâché. Cette fois, ce sont les Allemands qui s'en emparent, autant au titre de « terroriste » que pour des motifs raciaux. Comme les autres Juifs, c'est à Auschwitz qu'avec son épouse ils seront déportés le 28 octobre et gazés immédiatement. Leur fille Françoise, âgée de 8 ans, cachée à l’école de Beauvallon à Dieulefit, échappe à la déportation.
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1943, la police allemande agit avec brutalité au domicile des Pérèle. Le père, un israélite français, Henri Camille Pérèle, commerçant, est abattu, soit d'un coup de baïonnette, soit fusillé. Odette Pérèle née Lévy, son épouse, 33 ans, originaire de Nancy, une femme d'une exceptionnelle beauté, est arrêtée par la Feldgendarmerie. Elle part pour Auschwitz le 20 novembre et y mourra un mois après. Le reste de sa famille, ses deux grands-mères, ses deux sœurs et ses deux fillettes jumelles sont recueillies et cachées à Puy-Saint-Martin dans la famille Badon qui recevra la médaille des Justes pour ce sauvetage. Ses nièces sont à la tête de la célèbre maison de confection de sous-vêtements féminins portant leur nom.
Durant tout l'hiver 1944, des arrestations sont régulièrement opérées à Montélimar. Le 27 janvier, les membres de la famille Hertz, Jules, 54 ans, Jeanne, 46 ans, Charlotte, 22 ans, et Roger Samuel, 19 ans, Juifs originaires du Luxembourg internés au camp de la Tannerie, puis assignés dans la « villa Marly », sont arrêtés par les Allemands : ils partiront le 10 février pour Auschwitz par le convoi 68 dans lequel se trouve aussi l'Alsacien Paul Sommer, 53 ans, arrêté avec sa femme Andrée, 52 ans, et leur petite-fille de 6 ans 1/2, Simone. Louis Hallel, 49 ans, originaire du Bas-Rhin, pris le même jour, ne partira que le 27 mars.

Le Polonais Abraham Boleslavski, 36 ans, qui probablement avait été transféré du GTE de Crest à Gurs le 25 février 1943, est arrêté le 29 janvier 1944 par les Allemands à Montélimar au 4 avenue Villeneuve, avec sa femme Alba ou Hella Boleslavski, 36 ans, et sa fillette de 21 mois, Estelle, née à Montélimar le 1er mai 1942. Ils partent dans le convoi n° 68 du 10 février 1944, Abraham sera l'un des rares survivants de ce camp de la mort.

Le 2 mars 1944, c'est le tour de Jacob Welger, 51 ans, son épouse Léa, 45 ans et leur fille de 3 ans ½ Daniéla, née à Toulouse, qui résidaient au 137 Grande Rue, de Isaac Erblich, 47 ans, né à Jérusalem, et du Polonais Hersch Schapiro, tous arrêtés par les Allemands. Shapiro était un pauvre malheureux de 62 ans, sans aucune ressource, qui vivait seul et venait chaque jour chez ses voisins, les Tytelmann, chercher un peu de nourriture : c'est d'ailleurs dans leur couloir qu'il s'est fait prendre.

Le lendemain, sont pris Henri Enselmann, 56 ans, né à Moscou, et le jeune Daniel Tytelmann, qui n'a pas encore 16 ans, habitant rue Faucon. Ce dernier, venu à Montélimar en 1936 avec ses parents, ses deux sœurs et deux grands-parents, fréquentait l'Ecole primaire supérieure de Montélimar. Étant pensionnaire, il était un des rares à rester le jeudi. C'est ce jour-là que, dénoncé par un Juif belge qui trafiquait avec les occupants, il est pris dans son établissement scolaire et conduit à l'hôtel du Parc, siège de la Gestapo. Un gendarme compatissant lui donne discrètement à manger et prend soin de lui lorsque personne ne le voit. Pendant ce temps, une voisine des Tytelmann cache la sœur de Daniel, Sylvia, alors que l'autre sœur semble avoir été cachée dans son école rue des Quatre Alliances. Toute la famille réussit à partir dans l'Ardèche où, même s'ils sont dispersés dans plusieurs fermes, ils survivront durant les neuf mois précédant la Libération.

Au bout de quelques jours, Daniel est embarqué pour Montluc d'où il rejoindra Drancy. Il est parti le 27 mars de Drancy vers Auschwitz. Il serait mort, selon une version, fusillé pour avoir tenté de s'évader pendant le ralentissement du train à Bar-le-Duc, selon une autre, gazé dès son arrivée le 1er avril. C'est aussi probablement la destinée de ses compagnons de voyage montiliens. Le sort final des ces Juifs est souvent ignoré, il est quasi certain qu'ils ont été exterminés dès leur arrivée.


Auteurs : Robert Serre
Sources : AD Rhône, 3808 W 328. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006.