Chemin (le) des artistes réfugiés à Dieulefit (Drôme)

Légende :

Opuscule, dossier de presse remis le jour de l'inauguration du chemin, le 26 juillet 2013.

Genre : Image

Type : Le chemin des artistes réfugiés à Dieulefit (Drôme)

Producteur : Office de tourisme de Dieulefit

Source :

Détails techniques :

Opuscule de 10 pages couleur au format 28,5 cm sur 20,5 cm

Date document : 26 juillet 2013

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Dieulefit

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Analyse média

Le document a été réalisé pour l'inauguration du chemin. L'initiative en revient à l'association PMH (Patrimoine, Mémoire, Histoire), Pays de Dieulefit. Il présente l'itinéraire que doivent suivre les visiteurs du chemin. Cette visite, en terrain privé, ne peut se faire qu'avec un guide, après avoir pris contact avec l'Office de tourisme de Dieulefit.

Photographies des lieux, des œuvres des artistes, des supports permettant d'observer ces dernières, sont présentés dans l'opuscule. Il faut remarquer son excellente qualité, notamment en ce qui concerne la reproduction des œuvres.


Alain Coustaury

Contexte historique

Le Chemin des artistes réfugiés s'inscrit dans un travail de mémoire original. Il se situe dans un quartier bordant le bourg de Dieulefit. Cette commune est connue par l'action de plusieurs personnes, notamment Marguerite Soubeyran (1894-1980), Jeanne Barnier (1918-2002), comme un bourg ayant sauvegardé de nombreux réfugiés pendant la guerre, voire avant sa déclaration. La cité, à l'instar du Chambon-sur-Lignon, a été un lieu de refuge de juifs et de proscrits de la guerre d'Espagne à la capitulation de 1945. Des écrivains, des philosophes comme Emmanuel Mounier, Pierre Emmanuel ont célébré l'action de leurs protecteurs, la qualité de vie dans la cité pendant le conflit. E. Mounier, en 1945, dans une lettre de remerciement adressée à la pension Dourson résume parfaitement l'ambiance du lieu :  « ces mille résistances (qui) ont protégé les persécutés et réfugiés d'un rempart de civilisation». De même, la journaliste militante Andrée Viollis, en 1944, cite un Suisse : « Il y a en ce moment en France trois centres intellectuels : Paris, Lyon et Dieulefit ». Même exagérée cette perception traduit bien la particularité de Dieulefit. Acceptation de l'Autre quand les « dames de Beauvallon », protestantes, acceptent qu'Étienne Martin sculpte une Vierge géante dans le promontoire de la Sablière. Certains réfugiés étaient Français, d'autres Allemands. Ces derniers avaient fui le régime hitlérien dès son arrivée et son ascension. Leur parcours chaotique s'est achevé à Dieulefit où calme et protection leur ont permis de poursuivre leur ouvrage. Ils ont peint, dessiné « En attendant la liberté », titre de l'exposition consacrée aux artistes Résistants qui s'est tenue à Dieulefit durant l'été 2013. Cette exposition a la particularité de proposer des peintures, dessins, sculptures d'artistes allemands et français qui ont voulu échapper au totalitarisme hitlérien mais aussi au régime de Vichy. Autre singularité, c'est à la suite d'une proposition du musée allemand de Solingen que l'exposition a été réalisée. Son but est de faire connaître des artistes allemands qui ont vécu des situations dramatiques telles que l'enfermement, par le régime de Vichy, dans des camps français, comme celui des Milles.

Le chemin a été inauguré le 26 juillet 2013, en même temps que l'exposition citée. Il est proche de ce que fut la pension Dourson et de l'école de Beauvallon où plane le souvenir de Marguerite Soubeyran, Catherine Krafft (1899-1962) et Simone Monnier (1913-2010).

Le chemin, de moins d'un kilomètre, serpente dans un vallon dominé par les imposantes collines du Montmirail et des Ventes. En partie à découvert, il se termine dans un sous-bois à la végétation typiquement méditerranéenne. Ciel bleu et mistral concourent à favoriser l'inspiration des artistes. Les installations qui permettent de découvrir les œuvres sont originales. Elles sont adaptées au décor naturel, à la végétation, à l'œuvre présentée et à l'artiste évoqué. Le visiteur est surpris par la modestie des installations : simple chevalet en fer soutenant la reproduction de la toile, boites magiques accrochées au tronc d'un arbre où l'œuvre apparaît à son échelle réelle. Le cheminement conduit progressivement à une méditation sur les paysages et leur interprétation par l'artiste, sur le contexte historique dans lequel il a vécu et résisté. La montagne qui a inspiré Willy Eisenschitz nous renvoie au rôle qu'elle a joué pendant le conflit : ressource en bois de chauffe, lieu de cueillette mais aussi refuge pour les proscrits français et étrangers, lieu d'un maquis en relation avec Marguerite Soubeyran. Sur une toile de W. Eisenschitz, l'arbre mort symbolise la perte d'un fils arrêté et déporté. Par rapport au paysage actuel de collines totalement couvertes par la garrigue, la toile d'Eisenschitz laisse apparaître de larges surfaces déboisées témoignant d'une déforestation liée au besoin en bois pendant l'Occupation.

Le chemin se termine par une grotte artificielle creusée dans un grès friable, le safre selon la dénomination locale. Elle porte le souvenir des abris creusés par les membres de l'école de Beauvallon, particulièrement les élèves. Ils devaient être un refuge en cas de rafle par les Allemands ou les autorités de Vichy. Cet abri domine la « cabane d'Eisenchitz » d'abord dénommée la « cabane de mamie » terminée en 1938. On lira son histoire sur la fiche reproduite dans l'album. À l'intérieur, des panneaux biographiques illustrent les portraits et photographies de Willy Eisenschitz, Claire Bertrand, Otto Wols, Étienne Martin. Quand, comment et pourquoi ces artistes se sont retrouvés à Dieulefit ? Il y a plusieurs raisons. W. Eisenschitz connaissait le bourg pour y avoir séjourné avant 1939. É. Martin, Drômois d'origine, appréciait la poterie de Dieulefit. D'autres artistes ou intellectuels avaient connaissance de l'école de Beauvallon. La qualité du climat, la beauté des paysages, mis en valeur par un syndicat d'initiative précoce, attiraient curistes et touristes.

L'exposition « En attendant la liberté» , le chemin des artistes réfugiés permettent, cas rare en France, une commémoration du conflit, réunissant Français et Allemands dans un même lieu. C'est une autre particularité de Dieulefit. Seuls le mémorial des Milles, la ville de Sanary permettent, à notre connaissance, un tel rapprochement. Le site des Milles présente, pendant l'automne 2013, une rétrospective d'œuvres picturales, notamment celles de Wols.

On peut signaler l'excellent catalogue bilingue consacré à l'exposition tenue à Dieulefit durant l'été 2013. Non seulement les œuvres sont présentées mais elles sont accompagnées d'articles d'historiens relatant la singularité de la commune drômoise, des communes limitrophes comme le Poët-Laval et de ses environs immédiats.

NB : dans l'album, pour lire les biographies, il est nécessaire d'agrandir l'image.


Auteur : Alain Coustaury ; Sources :
Le chemin des artistes réfugiés à Dieulefit (Drôme), dossier de presse En attendant la liberté, warten auf die freiheit, Refuge, Art et Résistance Allemagne-Dieulefit 1939-1945, catalogue de l'exposition.