Église de Vassieux-en-Vercors

Légende :

Sortie de la messe commémorative célébrée chaque 21 juillet, ici en 2006.

Genre : Image

Type : Eglise

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

Maire en tête, portant croix de guerre et ordre de la Libération, apposées sur l'écharpe tricolore, le cortège après avoir assisté à l'office religieux du 21 juillet, se rend au rond-point des cinq communes ancien rond-point des Martyrs. On remarque la présence d'un militaire de haut grade, de madame la sous-préfet de Die, de maires des communes limitrophes.

Sur la façade de l'église, construite en pierre de taille, on distingue, coiffant le porche d'entrée, une statue de la vierge, œuvre d'Émile Gilioli. Au-dessus, deux petites ouvertures délimitent une croix de Lorraine. Encastré dans le mur du parvis, a été sculpté le Gisant d'Émile Gilioli. 

Cette église, d'apparence plutôt anodine, est lourdement chargée de symboles, historiques, religieux, philosophiques et politiques.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

L'église Notre-Dame-de-l'Assomption, comme la plus grande partie du village, a été détruite lors des bombardements allemands du mois de juillet 1944. Seul, le clocher médiéval avait été relativement épargné. En 1950, désigné par l'État, l'architecte grenoblois Pierre Myassard, prix de Rome, est chargé de reconstruire l'église.

Dans le cadre de la réorganisation et de la reconstruction du village, l'orientation de l'église a été modifiée. Le chœur qui était orienté vers l'est regarde maintenant vers l'ouest et l'entrée de l'église donne sur la place du 21 juillet.

L'architecte conçoit un bâtiment aux volumes simples, d'inspiration néo-romane. Mais l'église est bien ancrée dans son époque et l'histoire. Discrète, nécessitant une observation soutenue pour la distinguer, jouant sur la disposition des pierres et la forme des ouvertures, la croix de Lorraine dominant la vierge, signe l'association entre le catholicisme et le gaullisme, proximité pour le moins surprenante mais significative sur un bâtiment religieux.

L'architecte confie la décoration intérieure aux peintres Jean Aujame (1905-1965), prisonnier de guerre en 1941, professeur à l'école des beaux-arts de Paris, à Robert Humblot (1907-1962), fondateur du groupe Forces nouvelles et à Borgès.
La Vierge à l'Enfant est sculptée par Émile Gilioli (1907-1977) connu pour son antifascisme. Cet artiste est également l'auteur du Gisant du mur de soutènement du parvis de l'église, du Mémorial qui porte son nom, dominant le val de Vassieux sur la route départementale 76. Émile Gilioli a aussi réalisé le Mémorial du plateau des Glières, le monument aux morts des déportés de Grenoble.
Les vitraux sont l'œuvre du maître verrier grenoblois Montfallet.

Dans l'église, la touche personnelle de l'architecte est la décoration de style mauresque des piliers des deux chapelles latérales.

Les dures conditions climatiques du Vercors ont endommagé l'intérieur de la nef et particulièrement la peinture murale du chœur. En 1999, il a été décidé d'en confier la restauration à l'architecte valentinois Thomas Joulie. à deux artistes contemporains, Jean-Marc Cerino, professeur à l'École supérieure des beaux-arts de Nîmes, pour les vitraux et l'autel et Carmelo Zagari, professeur à l'École supérieure des beaux-arts de Montpellier pour un triptyque devant recouvrir la peinture originelle du chœur. Ils ont dû tenir compte de la géographie et de l'histoire du lieu dans un contexte d'une mémoire qui a évolué quelques dizaines d'années après les douloureux événements de juillet 1944.

Vitraux et autel de Jean-Marc Cerino :

L'artiste a travaillé sur les thèmes de la Résistance et de la déportation, sur la transmission de la mémoire, avant de réaliser les vitraux de Vassieux. « Les Témoins » ont été sérigraphiés en grisaille traditionnelle cuite sur plaques de verre dépoli de 234,5 cm sur 78,5 cm. Leur réalisation a été assurée par l'atelier Thomas Vitraux de Valence-sur-Rhône. Ce qui caractérise l'œuvre est d'une part la grandeur nature des deux personnages, d'autre part l'emploi systématique du blanc et de la transparence. Les verrières n'ont pas de réseau de plomb, leurs surfaces sont planes. Elles représentent deux personnages, un jeune homme et une jeune femme. La perception de leur dessin varie selon les heures et l'intensité lumineuse, selon qu'on les contemple de l'intérieur ou de l'extérieur de l'église. L'homme et la femme regardent à la fois le village et le chœur, le passé et l'avenir.

« Les deux témoins apparaissent et disparaissent, comme un flux, comme quelque chose de toujours là mais de jamais acquis … ». Pour Jean-Marc Cerino, « être là » à Vassieux, c'est déjà témoigner, mais c'est aussi - par la jeunesse des figures - être une espérance pour l'avenir. : « Témoigner du passé, tout en acceptant la vie sans se résigner ». Leurs visages évoquent la douceur et la gravité chez la jeune femme, l'abandon qui procède aussi bien de l'amour que de l'accablement chez le jeune homme. Ils font référence aussi aux deux témoins du Livre de l'Apocalypse. L'artiste poursuit ses réflexions sur la transparence et la lumière, singularité de son œuvre. La particularité de ses vitraux tient au fait que ces personnages sont visibles aussi de l'extérieur. « Présence silencieuse des témoins qui se tiennent là, à la frontière entre l'intérieur et l'extérieur, qui regardent à la fois le village et la montagne, mais aussi le chœur de l'église. » (C. Blanchet-Vaque, Frère Marc Chauveau, o.p.)

L'autel, en pierre de Tavel, est sculpté d'un seul bloc. Sa forme cubique (90cm de côté) et non parallélépipédique rappelle les autels carolingiens. Le dessus de l'autel est évidé alors que sa base, sculptée en retrait, lui donne une légère élévation. Le volume de l'évidement correspond à celui du socle. Symboliquement, ce qui manque devient ce qui soutient et pour Jean-Marc Cerino « que ce qui s'est absenté soit ce qui porte ». Le message d'espoir est clair. 


L'autel contient également des reliques, liées indirectement au drame du village. Elles sont celles d'Édith Stein, (1891-1942) sœur Thérèse Bénédicte de la Croix en religion. Juive allemande, elle se convertit au catholicisme en 1921. Ses activités universitaires lui sont interdites par le nazisme en 1933. Elle entre alors au Carmel de Cologne et prend son nom de sœur Thérèse Bénédicte de la Croix. En 1939, elle se réfugie aux Pays-Bas où, en 1942, elle est arrêtée, puis déportée et gazée avec sa sœur à Auschwitz. Elle est canonisée en 1998 et proclamée « patronne de l'Europe » en 1999. Lors de la consécration de l'autel, le 21 juillet 2006, monseigneur Lagleize, évêque de Valence-sur-Rhône a déclaré : « Ces reliques disent quelque chose sur la souffrance, la mort et l'espérance. Le message de la sainte, patronne de l'Europe, révèle que quels que soient les peuples il y a toujours des hommes ou des femmes qui deviennent des êtres chercheurs de paix ».

Pour Jean-Marc Cerino « être là, à Vassieux, c'est déjà témoigner, mais c'est aussi, par la jeunesse des figures, être une espérance pour l'avenir ».

Dans la Drôme, une autre église bombardée comporte des vitraux qui rappellent l'événement. À Saou, un vitrail évoque le bombardement meurtrier du 30 juin 1944. À la différence de ceux de Vassieux, il n'est pas figuratif.

Triptyque de Carmelo Zagari, huile sur toile, 4 mètres sur 4 mètres :

L'œuvre de Jean Aujame est préservée sous une coque aérée sur laquelle a été fixé le triptyque. Le thème de ce dernier est l'Assomption. Le peintre en propose une vision personnelle, loin des représentations traditionnelles. Pour cette raison, il déroute l'observateur. L'importance de l'œuvre nécessite une notice spéciale.

Sous le porche d'entrée, à droite, deux plaques énumèrent les noms des soldats morts lors de la Première Guerre mondiale et des victimes civiles de juillet 1944.

Dans la chapelle latérale de droite, une stèle rappelle, par une citation du 5 mai 1946 avec attribution de la Croix de guerre et la Légion d'honneur, l'action de l'abbé Fernand Gagnol curé de Vassieux de 1940 à septembre 1944.

Par leur qualité, par leur force d'évocation, les œuvres architecturales et picturales font de l'église de Vassieux-en-Vercors un lieu incontournable de la mémoire du Vercors et plus généralement de la Résistance.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Échanges épistolaires avec Christine Blanchet-Vaque, Jean-Marc Cerino, Carmelo Zagari. Trois feuillets imprimés distribués à l'église de Vassieux-en-Vercors. Christine Blanchet-Vaque, dans Vercors Résistance en résonances, sous la direction de Philippe Hanus et Gilles Vergnon, La Librairie des Humanités, série « Mémoire des Alpes », L'Harmattan, 2008, 239 pages.