Monument aux morts d’Allex

Légende :

Deux attributs mettent en valeur des symboles des deux guerres mondiales : le « crapouillot » pour 1914-1918, la Croix de Lorraine pour 1939-1945.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Date document : 2007

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Allex

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Analyse média

Le monument aux morts d’Allex présente la particularité, unique dans le département de la Drôme, de posséder, côte à côte, deux symboles forts des deux conflits mondiaux. De chaque côté, au pied de la plaque portant les noms des morts, deux « crapouillots » évoquent la guerre de position, les tranchées de 1914-1918. Ces engins, des mortiers de tranchée, relativement sommaires, ornent plusieurs monuments aux morts drômois, à Eymeux, à Grâne, et à Montbrun-les-Bains. Par contre, ce n’est qu’à Allex qu’une croix de Lorraine a été disposée, dans l’axe du monument, au pied de la stèle. Elle doit rappeler le second conflit mondial et plus particulièrement la Résistance. Cette juxtaposition apparaît bien au passant et rend le monument très efficace pour perpétuer la mémoire. Il faut ajouter la précision chronologique des deux plaques où sont gravés les noms des morts : 1914-1918 et 1939-1945. Le conflit en Afrique du nord est évoqué par la mort d’un soldat.
L’inscription des trois conflits met parfaitement en évidence la relativité des pertes humaines subies par la bourgade. La « saignée humaine » de 1914-1918 apparaît dans toute son ampleur. En ce sens, le monument aux morts d’Allex peut être considéré comme le lieu de mémoire exemplaire tant par ses symboles que par sa précision chronologique. Ce n’est pas le cas pour de nombreux monuments aux morts drômois.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Le monument aux morts d’Allex, comme dans beaucoup de communes, se trouvait auparavant dans l’enceinte du cimetière. Ce site semblerait expliquer la présence, ornant la stèle, de la croix chrétienne encadrée par deux croix de guerre. Cet attribut peut choquer ceux qui ne sont pas chrétiens. Il reflète le fait que la population d'Allex, dans les années 1920, était très largement catholique. Les cérémonies de commémoration gênées par les tombes, l’agrandissement du cimetière a permis le déplacement du monument à l’extérieur, au pied du mur méridional. Le transfert a été réalisé en 1997. Le nouveau monument a été inauguré le 11 novembre 1997, Maurice Raillon étant alors maire d’Allex. La Croix de Lorraine est l’œuvre de Jean-Paul Ravit, marbrier à Livron. Le monument se trouve désormais sur la place du 19 mars 1962.

Le « crapouillot » est un mortier, c'est-à-dire, une pièce d'artillerie à tube court et à tir courbe. On peut ainsi atteindre le fond de tout retranchement puisque l'obus peut tomber quasiment à la verticale. Le mortier d'Allex est le mortier 58 n°2. Il permettait de s'opposer au « Minenwerfer » dont disposaient les Allemands dès le début de la guerre. La France n'avait pas développé d'artillerie de tranchée et dut improviser une réplique. Ce n'est qu'en 1915 que les travaux du commandant du Génie Duchêne aboutissent à la réalisation du mortier 58 n°2. Il est alors fabriqué industriellement. « Le tube reçoit la charge de poudre. Son projectile est une bombe munie d'ailettes prolongée par un manchon qui s'emboîte dans le tube. L'empennage fonctionne comme celui d'une flèche d'arc, il maintient la trajectoire, pointe en avant, assurant la précision du tir et l'explosion au point d'impact. Le mortier de 58 tire divers projectiles de 16 à 45 kg le plus lourd à 350 m, le plus léger pouvant atteindre 1 400 m. Son affût permet le réglage de l'inclinaison du tube de 45° à 80°, angle qui fait arriver sa bombe quasiment à la verticale de sa cible. L'ensemble est démontable, pèse 175 kg mais le mortier nécessite aussi une plateforme en madriers de 450 kg pour assurer sa stabilité. De ce fait, son transport nécessite 16 hommes.» (d'après une notice du musée de l'armée des Invalides à Paris). Ce fut le plus répandu des mortiers de tranchée. Il symbolise parfaitement les combats. Même en creusant profondément des abris, les soldats ne pouvaient se protéger des obus de mortier imparables. Il faut ajouter à ces bombardements aériens, les destructions des tranchées par les mines souterraines, les « marmites ». Le général Joffre crée une artillerie de tranchée qui compte 300 batteries à la fin de la guerre. Elle est dissoute en 1918.Ce nombre important peut expliquer le fait que de nombreux mortiers 58 ornent les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale (En 2005, il a été volé celui du monument de Septfonds dans le Tarn-et-Garonne !). On imagine facilement, à la vue de ce mortier, les anciens combattants relater à leurs proches l'enfer des tranchées. Par un cheminement particulier, le surnom du mortier 58 n°2 sera donné au journal de tranchée « Le Crapouillot » créé en 1915 par le dessinateur Jean Galtier-Boissière (1891-1966).

L'autre symbole fort du monument est la Croix de Lorraine, emblème du gaullisme combattant, devenu celui de la Résistance et, après la guerre, du gaullisme comme parti politique. Selon son histoire, ses choix, l'observateur en retient une ou plusieurs significations.

C'est pour répondre à la croix gammée qu'en juillet 1940, sur proposition du vice-amiral Émile Muselier, la Croix de Lorraine est brodée sur un pavillon tricolore de beaupré des navires et sur les cocardes des avions des forces ralliées au général de Gaulle. La croix de Lorraine devient, par la suite, le symbole des Français libres. En France, elle apparaît dès 1940 sous forme de graffiti traduisant une sympathie vis-à-vis des Britanniques et de De Gaulle. Puis elle symbolise la reconnaissance de de Gaulle comme chef de la Résistance. Après la guerre, la Croix de Lorraine devient l'emblème des partis politiques gaullistes, du RPF au RPR. En 2002, elle est abandonnée par l'UMP. Ce symbole orne des lieux de mémoire d'une dimension départementale comme au mémorial FFI de Mirmande mais aussi de taille familiale comme une stèle dans un cimetière de la Drôme.

Allex possède un autre lieu de mémoire important consacré uniquement à la Résistance. Il est situé au nord-ouest de la commune en bordure du terrain de parachutage Temple. Il rappelle l’épisode du sabotage du pont de Livron de la route nationale 7, enjambant la rivière Drôme, dans la nuit du 16 au 17 août 1944. La destruction d’une arche du pont par le commando Henri Faure a ralenti la retraite de l’armée allemande. Dans Allex, une modeste plaque est dédiée au Résistant Jean Boyer, fusillé le 22 août 1944.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Site internet de la commune de Septfonds, Tarn-et-Garonne. De Gaulle Charles, Mémoires de guerre, L'Appel (1940-1942), Plon 1954. Notice du musée de l'armée, les Invalides, Paris.