Fusillades à Notre-Dame

Légende :

Séquence extraite du film "The Paris story. Historic scenes of liberation" (United News)

Genre : Film

Type : Film

Source : © National Archives and Records Administration, Washington Libre de droits

Détails techniques :

Film noir et blanc ; commentaire en américain

Durée : 1 minute 43 secondes

Date document : 26 août 1944

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Analyse média

Les scènes des fusillades à la Concorde et à Notre-Dame furent montées dans divers courts-métrages américains tel que Paris liberated (USA, 1944) tout comme les images de femmes tondues, giflées, humiliées, et de collaborateurs sauvagement brutalisés. Ces scènes confortent la thèse américaine d'une ville en proie à la plus totale des confusions. Le montage est conçu de telle manière que les troupes d'Eisenhower, défilant en ordre impeccable sur les Champs-Elysées, semblent seules à même de pouvoir délivrer la capitale de la subversion révolutionnaire. Par une ironie significative de l'histoire, des scènes analogues furent sélectionnées par les actualités allemandes d'octobre 1944 à l'intention des spectateurs du IIIe Reich... Les propagandistes de la Deutsche Wochenschau mirent à profit les images de la fusillade (dramatisées par l'ajout de cris et par le crescendo d'une musique symphonique) pour évoquer les divisions franco-françaises et prophétiser l'arrivée de l'hydre bolchevique dans les fourgons du général de Gaulle et des Anglo-saxons. "Après nous le déluge" affirmait la propagande allemande, "avant nous le chaos" rétorquaient les Américains.

Ces mêmes images se retrouvent dans le sujet d'ouverture du premier numéro de France-Libre-Actualités (daté du 5 septembre 1944), réalisé par la même équipe du CLCF. Le sommaire du journal est à lui seul éloquent : bombardement de Paris, chambre de torture d'Issy-les-Moulineaux, charnier de Vincennes..."images atroces" souligne le commentaire "qui n'appellent ni l'oubli, ni le pardon." Ce numéro s'ouvrait sur les images des fusillades à Notre-Dame, à la Concorde et à l'Hôtel de Ville, éclairées par un texte sans appel. Cette séquence apportait le levain idéologique qui avait été volontairement soustrait de la Libération de Paris afin d'inscrire le film dans une logique commémorative et d'assurer son succès auprès d'une large audience internationale (présenté aux Etats-Unis par Pierre Blanchar, le documentaire du CLCF y rencontra un vif succès). Le premier numéro de France-Libre-Actualités s'inscrivait au contraire dans un cadre purement hexagonal et relevait d'une logique d'action politique à court terme. En agitant l'hydre de la 5e colonne, les actualistes se conformaient à la ligne tactique du PCF qui réclamait au même moment des mesures d'épuration drastique à l'encontre des collaborateurs et exigeait, contre la volonté gaullienne, le maintien des formations armées issues de la Résistance intérieure. Transmises par le canal des actualités, ces images de désordre et de désunion ne risquaient pas de ternir, à terme, l'aura de la France et de la Résistance. En revanche, le premier numéro des actualités –également commenté par Pierre Bost avec la voix de Pierre Blanchar- pouvait offrir au public français une image plus politisée de la bataille de Paris. Cette volonté d'adjoindre un épilogue à la Libération de Paris se trouve confirmée par un rapport du service d'exploitation du CLCF pour la semaine du 22 au 28 septembre 1944. On y apprend que le programme hebdomadaire des salles comprendra, outre l'actualité de la semaine, le film la Libération de Paris suivi du premier numéro de France-Libre-Actualités. Le rapporteur précise à cet égard : "Nous avons obtenu que l'actualité n°I accompagne définitivement LIBERATION DE PARIS, car la valeur image de cette actualité est indispensable et complète magnifiquement LIBERATION (fusillade de Notre-Dame, fossés de Vincennes, Chambre chaude, etc...)". Si ce définitif ne fut en fait qu'un long provisoire, il éclaire les différentes logiques d'exploitation du film auprès du public hexagonal et d'une audience internationale. 


Sylvie Lindeperg in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Contexte historique

Le 26 août 1944, après avoir ranimé la flamme du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe, le général de Gaulle, suivi des membres du gouvernement provisoire et des chefs de la Résistance, effectue une descente des Champs-Élysées sous les acclamations de centaines de milliers de Parisiens. En dépit de l’opposition du commandement américain, les chars victorieux de la 2e DB sont présents et assurent la protection des personnalités. Cette traversée de la capitale se termine à la cathédrale Notre-Dame où éclate une fusillade rapidement maîtrisée. Imperturbable, l’Homme du 18 juin entre dans la basilique où s’élève un Magnificat.


Fabrice Bourrée