Lettre de l'Intendant général au commandant Pons
Légende :
Lettre envoyée par l'Intendant général Raymond au commandant Pons, le 11 juillet 1944. Elle traite des battages.
Genre : Image
Type : Lettre d’intendance
Producteur : Intendant Général Raymond
Source : © Collection Albert Fié, archives compagnie Pons Droits réservés
Détails techniques :
Tapuscrit sur feuille de papier 21 x 27 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die
Analyse média
L'Intendant général fait un constat inquiétant au moment où la saison des battages doit commencer. Les agriculteurs et surtout les entrepreneurs de battages ont peur de mettre en action leur train de battage, tracteur, moteur, batteuse, presse à paille. Ils craignent que le matériel ne soit détruit par la Résistance, cette dernière voulant empêcher les réquisitions par les autorités de Vichy et par les Allemands. Face à cette situation, l'Intendant demande à la Résistance de favoriser la mise en marche des batteuses. Une fois le blé récolté, il préconise de le disposer dans de nombreux lieux de stockage. Par la suite, ce blé sera récupéré par la Résistance et payé, en principe, au comptant. Toutes ces mesures doivent permettre de nourrir les résistants et la population. Afin de limiter cette pénurie en blé, il est nécessaire d'agir rapidement et de prendre le risque de subir des réquisitions au profit des occupants.
Le texte de cette lettre du 11 juillet 1944 est soigneusement rédigé et ordonné. Il révèle une bonne organisation de l'intendance de la Résistance. Il contraste avec les notes et messages reçus par le commandant Pons pendant les combats du mois de juillet 1944. La directive a dû être envoyée à tous les chefs militaires de la région de Die, voire aux responsables de la Drôme.
Au cours de la deuxième quinzaine d’août 1944, il est recommandé aux entrepreneurs de battage de ne pas se déplacer pendant la journée, leur attelage (tracteurs + batteuse + botteleuse) peut être confondu avec un convoi militaire. C’est ce qui s’est passé à Saint-Uze, le 30 août, vers 14 heures, où la batteuse en déplacement sur le coteau de Sainte-Euphémie a été mitraillée par l’aviation alliée causant quatre victimes.
Auteurs : Alain Coustaury
Contexte historique
À la suite de la baisse de la production, des réquisitions par l'Allemagne, une situation de pénurie alimentaire s'est installée en France depuis 1941. Elle touche la production des céréales, du blé en particulier, transformé en pain, toujours aliment de base. La carence en céréales atteint même la Drôme, département aux importantes productions agricoles. Cette situation explique la création, par Vichy, d'un arsenal législatif pour maîtriser la production alimentaire.
En 1943, la pénurie prend un tour dramatique. L'arrêté du 10 mars 1943 constate que de nombreuses communes rurales manquent de pain. Il en explique les raisons. Les exportations obligatoires en céréales que doit assurer la Drôme sont calculées en fonction de la production théorique. Or, tout le blé n'a pas été livré par les producteurs. Les exportations ayant été effectuées, le département se retrouve dans une situation de déficit, alors qu'il est normalement exportateur. Il faut faire appel à la Région. L'arrêté du 21 février 1943 indique qu'elle débloque 500 tonnes de farine au profit de la Drôme. Cet épisode est révélateur de la situation réelle de la Drôme et montre l'impuissance des autorités vichystes à assurer un approvisionnement convenable au département. La situation ne s'améliore pas au printemps 1943. Aussi les battages de 1943 sont-ils soigneusement préparés. Un arrêté de juin 1943 utilise un terme qui rappelle la situation de la période antérieure au milieu du XIXe siècle : la soudure. Cette conjoncture est aggravée par la pénurie en carburant nécessaire au fonctionnement des moteurs qui actionnent les batteuses. De plus, pour les battages de 1944, l'action de la Résistance laissait craindre, pour les entrepreneurs, un sabotage du matériel afin d'empêcher les réquisitions au profit des Allemands. Ces rumeurs obligent les services d'intendance de la Résistance à demander aux chefs militaires de faciliter la mise en route des trains de battages, d'assurer leur sécurité et surtout de ne pas les saboter. Le blé récolté, il est recommandé de l'engranger dans des fermes disséminées afin de le soustraire aux contrôleurs de Vichy. La récupération des stocks sera effectuée, si nécessaire, par la force armée. Cette menace est la preuve d'une situation dramatique de l'approvisionnement alimentaire de la Résistance mais aussi du reste de la population. Elle est si difficile à la fin de juillet 1944 que l'intendant de la Résistance, Charles Follet, demande aux entreprises de battage de travailler la nuit. Le blé, immédiatement porté aux moulins proches, est transformé en pain dans la matinée.
Théoriquement, les contrôleurs, mis en place par l'État vichyste, doivent surveiller la bonne marche des battages, rendre compte de la production, éviter la cache et le détournement des céréales. Ils ont l'obligation de tenir un carnet personnel de contrôle où sont inscrits le nom des céréales, les surfaces emblavées déclarées en mairie, le total des quantités battues, la semence, la consommation familiale, les quantités à livrer à l'organisme public régulateur. On imagine facilement la scène d'un contrôleur arrivant sur une aire de battage. Les battages ont également une valeur particulière pour le régime de Vichy. Ils sont un des symboles du retour à la terre. L'ouverture de la période des battages est l'occasion de manifestations officielles. Le 3 juillet 1942, le préfet de la Drôme, remplaçant le préfet régional d'Angéli, préside à l'ouverture de la campagne de battages à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Le 16, il assiste à la même cérémonie à Portes-lès-Valence. Les exigences de l'Intendant Raymond montrent qu'en juillet 1944 la Résistance se substitue, de fait, aux instances de Vichy. Elle contrôle les opérations de battage. On peut noter que Raymond semble ignorer Vichy et ne craint que les réquisitions allemandes. De même, il exige que le matériel soit mis en marche le plus rapidement possible. Il contrevient, là aussi, aux instructions de Vichy qui exigeait depuis l'arrêté du 22 juin 1943 que les batteuses soient plombées afin d'empêcher des battages clandestins.
Pour les battages, la conservation, le paiement et la répartition du blé, c'est désormais la Résistance qui dirige les opérations. Le régime de Vichy est évincé, de fait, d'une opération agricole majeure. Les événements qui vont suivre, quelques jours après cette directive, vont perturber la bonne marche des battages. La pénurie en blé va persister au-delà même de la libération de la Drôme en septembre 1944.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.
23 mai 1943 : nous risquons de manquer de pain, livraison obligatoire des derniers sacs.
Sources : Archives communales Crest, non classé
Battage du blé à Mirabel-et-BlaconsCharles Houfek, sur le gerbier, envoyant avec sa fourche les gerbes dans la batteuse. À gauche, le moteur électrique qui actionne la batteuse et la presse à ballots. Sur la photo de Larnage, le moteur est monté à l'arrière d'un tracteur. Sur la photo de Triors, le tracteur est actionné par gazogène.
Sources : collection Robert Serre
Battages à MirabelPhotographie renseignée montrant les différents éléments d'un train de battage. Auteur du renseignement : Alain Coustaury ©
battages
Photographie renseignée ; Maurice Revol a été tué en combattant le 26 août 1944. Sources : collection Aimé Revol ©
Tracteur de l'entreprise de Camille Revol
Sources : collection Aimé Revol
Larnage, scène de battageLa photo représente un train de battage complet.
Sources : collection Aimé Revol ©
Larnage. Battage du blé.L'opération de battage est en cours ; on introduit les gerbes dans la batteuse, on pèse les sacs. Sources : collection Aimé Revol ©
Sources : collection Aimé Revol.
Tracteur à gazogène, TriorsVue du tracteur, trois-quart avant droit ; on aperçoit bien la courroie de transmission ; au premier plan, bascule pour peser les sacs de blé, diable. Sources : collection Denis Faure ©
Tracteur
Photographie prise à Triors ; le tracteur actionné par gazogène est une solution à la pénurie de carburant ; l'homme debout sur la roue va recharger le réservoir à bois ; on distingue les différents accessoires du gazogène, à l'avant et sur le tracteur. Sources : collection Denis Faure ©
tracteur
Tracteur "gazogène" ; remarquer l'importance des cylindres contenant le combustible, du bois, l'encombrement des éléments de ce type de moteur sur le capot du tracteur.
Source : Mémoire de la Drôme 15 MD Taly 355 ©