Plaque en hommage à Marietta Martin
Légende :
Plaque en hommage à Marietta Martin, exécutée à Francfort le 12 novembre 1944, située 34, rue de l'Assomption, Paris XVIe
Genre : Image
Type : Plaque
Source : © Wikimedia Commons Libre de droits
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur.
Lieu : France - Ile-de-France - Paris
Contexte historique
Paul Petit est né le 2 mai 1893. Docteur en Droit, licencié ès Lettres, diplômé de l'Ecole des sciences politiques, il est reçu premier en 1920 au concours du ministère des Affaires étrangères. Il occupe différents postes diplomatiques à Prague (1920), Rome (1924), Rio de Janeiro (1925), à Smyrne (1926), à l'administration centrale à Paris (1930), à Munich (1932) et à Copenhague (1934). Chassé du Danemark où il est en poste par l'invasion allemande en avril 1940, il est de retour en France au mois de mai. Sa santé l'ayant empêché de porter les armes en 1914 et en 1939, il estime de son devoir de chrétien de lutter contre la collaboration. Le soutien donné au régime de Vichy par les dignitaires de l'Eglise l'amène à crier son indignation. Le 12 décembre 1940, il rédige une lettre ouverte à l'attention du cardinal Suhart, archevêque de Paris, qui avait invité les prêtres du diocèse de Paris à une totale collaboration avec le maréchal Pétain. Dans ce texte, il rappelle dans un premier temps le véritable rôle joué par Pétain lors de la Première Guerre mondiale en s'appuyant sur les mémoires de Joffre et de Poincaré. Puis il reproche au Maréchal d'avoir cru en la défaite en 1940. Il conclut sa lettre par ces mots : "Si le Maréchal représente vraiment la France comme il le dit, il faut bien reconnaître qu'elle a mérité son sort et pis encore".
Le mois suivant, c'est à l'attention du cardinal Baudrillart, recteur de l'Institut catholique de Paris, qu'il rédige une lettre ouverte. Celle-ci fait réponse à un article du cardinal publié dans La Gerbe du 21 novembre 1940, intitulé "Choisir, vouloir, obéir" et appelant les catholiques à collaborer avec "la grande et puissante Allemagne". Petit situe sa riposte sur le plan spécifiquement religieux. Il écrit notamment "j'estime que l'appel lancé par Votre Eminence compromet de la façon la plus grave l'Institut dont Elle est le Recteur".
En décembre 1940, Paul Petit fait la connaissance d'Henri de Montfort, bibliothécaire de l'Institut, qui cherche à réaliser un journal clandestin. Il dispose de fonds provenant de milieux juifs par l'intermédiaire de Mme Feingold, secrétaire de l'Alliance israélite universelle. Ils décident de confier l'impression du journal à Roger Lescaret qui a déjà imprimé les lettres ouvertes rédigées par Petit et qui édite en outre le journal Pantagruel en collaboration avec Raymond Deiss. Ce périodique sera destiné avant tout aux milieux intellectuels qui, à leurs yeux, se laissent abuser par la propagande officielle du gouvernement français.
Le 10 juin 1941 paraît le premier numéro de La France continue. Onze autres numéros suivront, tirés entre 3.000 et 10.000 exemplaires et expédiés par la poste à destination des principaux milieux intellectuels. Tous ces numéros comportent divers articles qui s'attaquent directement au gouvernement de Vichy ou au maréchal Pétain en personne. A titre d'exemple, le numéro 3 du 14 juillet 1941, paru sur six pages, est entièrement consacré à des citations précises sur le rôle de Pétain en 1914-1918 et entre les deux guerres. Ces passages furent réutilisés à plusieurs reprises par de nombreux journaux clandestins. Le numéro 6 d'octobre 1941 consacre un article à l'attentat dont a été victime Pierre Laval à Versailles le 27 août 1941.
Outre Henri de Montfort, Paul Petit est aidé dans la rédaction du journal par Emile Coornaert, professeur au Collège de France, par le baron Robert de Rotours, sinologue, et par Raymond Burgard, professeur au lycée Buffon et fondateur du journal clandestin Valmy. Mme Feingold se charge de rédiger les articles concernant les persécutions juives. La diffusion est assurée dans les milieux intellectuels par Marietta Martin-le-Dieu et dans le milieu des démocrates chrétiens par Francisque Gay. C'est cela qui amène en avril 1942 l'arrestation en masse des membres de l'Institut qui seront relâchés au bout de quelques jours. Marietta Martin est aidée dans cette tâche par Mlle Perrier, professeur de piano des enfants de Petit, et par M. Lesure, élève du collège Stanislas. Paroissien de Saint-François-Xavier, Paul Petit est également en contact avec l'abbé Roger Derry qui travaille pour le compte du réseau Saint-Jacques.
La catastrophe survient par les liens entretenus par Paul Petit avec un groupe du ministère des Finances, le groupe Le Guales, rattaché au mouvement Combat zone Nord. Charles le Guales de Villeneuve est un vieil ami de Paul Petit. A la suite de l'infiltration d'un agent double, Jacques Desoubrie, les Allemands arrêtent Le Guales et son groupe le 5 février 1942. Le lendemain, Paul Petit et Marietta Martin sont appréhendés à leur tour. Transférés en Allemagne, ils sont condamnés à mort le 19 octobre 1943 en même temps que Raymond Burgard. L'intervention de diplomates étrangers obtient, en la faveur de Petit, un sursis d'exécution de la sentence du tribunal. Il est finalement exécuté le 24 août 1944 à Cologne. Envoyée à la prison de Francfort, Marietta Martin y décède le 12 novembre 1944.
Arrêté en juin 1942, Roger Lescaret est condamné à deux mois de prison puis transféré au camp de Rouillé (Vienne). Libéré en décembre 1943, il remet immédiatement son atelier à la disposition de diverses organisations de Résistance et principalement du groupe de la rue de Lille.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources et bibliographie :
Archives du ministère des Affaires étrangères (notice de Paul Petit dans l'annuaire diplomatique de 1939).
Archives nationales, 72 AJ 51 (La France continue).
Paul Petit, Résistance spirituelle 1940-1942, Paris, Gallimard, 1947.
Mgr Chevrot, L'abbé Roger Derry, décapité à Cologne le 15 octobre 1944, Paris, Bonne Presse, 1946.
Paul Chauvet, La Résistance chez les fils de Gutenberg, imprimé à compte d'auteur en 1979.
Bernard Comte, L'honneur et la conscience. Catholiques français en résistance 1940-1944, Paris, Editions de l'Atelier, 1998.