Plaque en hommage à l'élève Jacques Baudry du Lycée Buffon

Légende :

Plaque en hommage à l'élève Jacques Baudry du Lycée Buffon, située 247, rue de Vaugirard, Paris XVe

Genre : Image

Type : Plaque

Producteur : Jérôme Galichon

Source : © Geneanet Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Les cinq de Buffon

En fin de matinée, le 8 février 1943, cinq jeunes gens sont fusillés au stand de tir d'Issy-les-Moulineaux et inhumés peu après au cimetière d'Ivry. Ils deviennent rapidement "les Cinq Martyrs du lycée Buffon". Cette appellation, qui rappelle leur communauté de destin dans la mort, ne correspond pourtant que partiellement à la réalité de leurs activités résistantes et clandestines. Au début de l'occupation allemande, ces cinq garçons ont entre 15 et 18 ans ; ils appartiennent presque tous à des familles de classe moyenne. Jean-Marie Arthus fait figure d'exception. Né le 2 avril 1925 à Lausanne, son père est médecin psychiatre. Jacques Baudry, quant à lui, est né le 7 avril 1922 à Paris ; son père enseigne l'économie dans un cours secondaire. Pierre Benoît a vu le jour à Nantua (Ain), le 7 mars 1925 ; son père est inspecteur de police et sa mère directrice d'école maternelle. Pierre Grelot est né le 16 mai 1924 à Paris d'un père ingénieur-dessinateur au ministère des PTT. Lucien Legros enfin, est également né à Paris, le 11 juin 1924 ; avant l'Occupation, son père occupe un poste de chef de bureau à l'administration centrale des Finances, il est ensuite détaché dans les fonctions d'agent comptable à l'Office national de Navigation. Ces garçons n'ont pas tous été élèves du lycée Buffon, au sens strict du terme, et n'ont pas fréquenté l'établissement à la même période. Jacques Baudry et Lucien Legros y ont suivi toutes leurs études secondaires ; ce dernier quitte Buffon à la fin de l'année scolaire 1940-1941 pour entrer à l'École Alsacienne alors que Baudry abandonne la classe de Spéciales, fin 1941, et poursuit ses études à la Sorbonne. Pierre Grelot intègre Buffon en classe de 3e, en octobre 1938, alors que Pierre Benoît y entre en seconde à l'automne 1940. Jean-Marie Arthus n'y a suivi qu'un cours de vacances ; il est élève de l'École Alsacienne.

Retracer le parcours résistant des "Cinq de Buffon" n'est pas aisé et les sources font souvent défaut ou peuvent être sujettes à caution. Il faut préciser tout d'abord qu'à une exception près, ils n'ont jamais mené leurs actions tous les cinq réunis. Par ailleurs, leur affiliation à un groupe ou mouvement de Résistance est difficile à établir. Lors des interrogatoires qu'ils subissent après leur arrestation, quatre d'entre eux revendiquent leur appartenance au Front national (Arthus, Benoît, Grelot et Legros), alors que Baudry la nie. Pierre Benoît aurait été par ailleurs affilié à un groupe armé de l'Organisation spéciale-FTP. Le point de départ connu de leurs actions est la manifestation organisée au lycée Buffon, à la rentrée des vacances de Pâques, le 16 avril 1942, pour obtenir la libération de Raymond Burgard, professeur de l'établissement, arrêté par des agents de l'Abwehr le 2. Lors de ce coup d'éclat, Benoît et Legros sont reconnus par le personnel de surveillance du lycée ; ils entrent tous deux dans la clandestinité le soir même. L'essentiel des activités des membres du groupe se situe entre cette mi-avril 1942 et la fin du mois de mai suivant. Arthus, Baudry, Legros et Grelot sont en effet arrêtés les 3 et 4 juin 1942. Pierre Benoît, de son côté, échappe cette fois-ci à la police et poursuit ses actions jusqu'à son arrestation, le 28 août 1942.

La chronologie des différents coups de main auxquels les cinq lycéens participent a été établie à partir des procès-verbaux de leurs interrogatoires par la police française. Ces affirmations, obtenues sans aucun doute sous la contrainte et peut-être la torture, n'ont pas toujours pu être recoupées avec d'autres sources. Il ressort de ces documents que, le 10 mai 1942, Benoît et Legros sont les auteurs de l'attentat commis contre un soldat allemand, Heinrich Ragge, rue de l'Armorique. Legros a tiré les coups de feu tandis que Benoît protégeait son camarade. Neuf jours plus tard, Grelot, accompagné, selon ses dires, de Benoît, tire sur un officier allemand, quai Malaquais. Après les arrestations du mois de juin, le père de Jacques Baudry affirme que c'est son fils qui se trouvait avec Grelot ce jour-là.
Le 23 mai, Arthus, Benoît et Grelot participent à une tentative d'attentat contre une péniche accostée quai de la Conférence. Trois jours plus tard, Arthus et Legros tentent d'assassiner un jeune Hongrois pour des raisons assez obscures. Celui-ci aurait accepté un temps de participer aux activités du Front national puis se serait retiré lorsqu'il fût question de commettre des attentats contre les membres de l'armée allemande. Il est soupçonné d'être un agent de la Gestapo. Le 28 mai, une grenade est lancée par Benoît contre un yacht allemand, la Véga, amarré quai de Tokyo ; Arthus, Grelot et Legros l'assistent, en couverture. Tous les quatre sont présents trois jours plus tard lors de la manifestation de la rue de Buci, au cours de laquelle deux policiers français sont tués. On remarque que Jacques Baudry ne participe à aucune de ces actions directes contre l'armée allemande. Selon les sources, son rôle est essentiellement centré autour de la propagande. Grelot et Arthus sont arrêtés au domicile de leurs parents, au soir du 3 juin, Baudry dans les mêmes conditions le lendemain. Lucien Legros tombe entre les mains de la police le 4 juin également, alors qu'il se rend au domicile de Jean-Marie Arthus. Il porte sur lui une liste de rendez-vous ainsi que l'adresse et le numéro de téléphone de Pierre Laval, contre lequel il est soupçonné de préparer un attentat. Les procès-verbaux des interrogatoires policiers font apparaître Benoît comme le chef du groupe.
Le 17 juin, Arthus, Grelot et Legros sont jugés par le Tribunal d'État, avec quinze autres personnes, pour leur présence à la manifestation de la rue de Buci. Ils sont tous trois condamnés aux travaux forcés à perpétuité le 25 juin. Quelques jours plus tard, en raison de leur participation à des attentats contre des membres de l'armée d'Occupation, ils sont remis aux Allemands.
Au cours de l'été, Pierre Benoît, qui a échappé à l'arrestation en juin, rejoint un groupe de FTP près de Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne) avec lequel il participe à de nombreuses actions de sabotage, à des vols de tickets de ravitaillement dans des mairies mais aussi à deux tentatives d'assassinat contre des Français soupçonnés d'avoir dénoncé des résistants. Benoît parvient à échapper à l'arrestation le 11 août. Un avis lancé par la direction générale des Renseignements généraux à tous les services de police et de gendarmerie, au cours de l'été le présente comme "un chef terroriste très dangereux, toujours armé et se sachant recherché". Pierre Benoît est tombé finalement entre les mains de la police française le 28 août, alors qu'il avait rendez-vous avec une résistante arrêtée la veille. Il est livré aux Allemands le lendemain après avoir été longuement interrogé. On ne trouve plus de sources à propos des Cinq de Buffon avant leur jugement par le tribunal de la Luftwaffe, le 15 octobre. En particulier, on ne sait pas comment Jacques Baudry fut réuni avec ses quatre camarades. Ils sont tous les cinq condamnés à mort et transférés à la prison de Fresnes. Après cette condamnation, l'ambassadeur de France auprès des autorités allemandes, Fernand de Brinon, intervient en leur faveur et demande que la peine de mort soit commuée au motif notamment que "leur extrême jeunesse soulèverait la plus vive émotion dans l'opinion française". Cette intervention n'empêche nullement les Allemands d'exécuter les cinq jeunes gens, le 8 février 1943.

Après la fin de la guerre, leur mémoire est honorée à diverses reprises. Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoît, Pierre Grelot, Lucien Legros sont cités à l'ordre de la Nation, ils reçoivent la médaille de la Résistance et la croix de chevalier de la Légion d'honneur. Par ailleurs, une plaque est apposée à l'entrée du lycée où une cérémonie a lieu tous les ans ; en 1952, une urne contenant leurs cendres est placée dans la crypte de la chapelle de la Sorbonne ; le nom "Cinq Martyrs du lycée Buffon" est donné à un pont proche de l'établissement scolaire, en 1958 ; de récents travaux dans le quartier ont transformé ce pont en une place qui a conservé le même nom ; un timbre à leur effigie est édité par la Poste.


 Cécile Hochard in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004