Plaque commémorant les victimes du bombardement de Crest

Légende :

Plaque au cimetière de Crest commémorant les victimes du bombardement de la ville par l’aviation alliée, le 13 août 1944.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Cliché Robert Serre

Source : © AERD, fonds Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur d’une plaque teintée et transparente fixée sur une stèle de pierre blanche dressée sur un socle.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Crest

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Cette plaque a été édifiée à l’initiative d’Albert Fié, président du Comité d’Entente des Anciens Combattants de Crest, et inaugurée le 6 juin 2008.

Texte de la plaque :
« Le 13 août 1944, l’Aviation Américaine accompagnant les opérations de libération de la France cherchant à détruire le pont de la SNCF de Crest, bombarda l’ouest de la ville laissant 38 morts et de nombreux blessés.
(liste)
Quelques personnes grièvement blessées décédèrent dans leurs villages »


Auteurs : Albert Fié et Robert Serre

Contexte historique

Le dimanche 13 août 1944, à 13 h 25, alors que beaucoup de Crestois étaient encore à table, souvent dehors à cause de la chaleur étouffante, les sirènes sonnent l’alerte. Habitués à ce signal souvent sans suite sérieuse, ne croyant pas au risque de bombardement de leur cité, éloignée de l’axe rhodanien et ne possédant aucun objectif militaire, persuadés que la ligne de chemin de fer ne peut être visée puisqu’elle a été rendue inutilisable par les résistants qui l’ont coupée en plusieurs endroits en amont et en aval de Crest, rassurés par le départ des Allemands et le retour à la liberté de la vallée de la Drôme, beaucoup d’habitants ne se précipitent pas vers les abris, même lorsqu’ils voient arriver les avions américains.

En cinq minutes, 27 avions lâchent leurs bombes d’une hauteur de 5 000 m. 300 bombes de 250 kg tombent sur la ville dans un bruit de cataracte et provoquent une poussière étouffante. Les objectifs, le pont routier et surtout le pont ferroviaire sur la ligne Livron-Die, n’ont pas été atteints ; par contre, des projectiles sont dispersés jusqu’à 800 m du pont. Dans les hurlements et les appels au secours, on relèvera de nombreux morts et des blessés dont certains mourront peu après. Plusieurs maisons sont en flammes, ainsi que l’usine de bouchons.
Les secours s’organisent tant bien que mal aussi vite que possible, avec la formation de la Défense passive, la Croix-Rouge, les sapeurs-pompiers d’Aouste, une équipe de Die, la compagnie de Résistance Chapoutat présente à Crest et les habitants épargnés. Les difficultés sont accrues par l’obstruction de l’unique chemin montant à l’hôpital : il faut une heure pour déblayer les gravats d’immeubles écroulés et ouvrir le passage aux transports de blessés. À l’hôpital, où règne une « pagaïe indescriptible », des plafonds se sont écroulés, mais le bloc opératoire est en état. Assisté du docteur Fabre et de médecins des villages environnants, comme le docteur Mazouyer, de Grâne, le docteur Frédéric Thiers opère tout le jour, finissant à la lueur d’éclairages de fortune. Les morts sont rangés derrière l’hôpital, d’où ils sont transportés par le camion de la Croix-Rouge conduit par Chalamel et une charrette tirée par un cheval jusqu’au collège Saint-Louis où une chapelle ardente a été installée sous les marronniers du parc Soubeyran.
Au total, on recense dans la population civile 38 ou 39 morts, 12 blessés graves, 28 blessés légers. Parmi les morts, on trouve 7 enfants de 8 à 14 ans et 10 personnes de plus de 60 ans En outre, dans les quartiers de Mazorel en rive gauche et, sur l’autre rive, dans le prolongement du quartier du Bourg, 26 immeubles sont détruits, 81 inhabitables, 373 endommagés. On compte un millier de sinistrés.
Les funérailles des victimes ont lieu quartier Soubeyran le 15 août, avec le chanoine Eynard et le pasteur Foltz. Puis les cercueils sont portés au cimetière sur des véhicules tirés par des chevaux, sans cortège.
Pourquoi une telle absurdité à vouloir détruire une ligne ferroviaire déjà sabotée ? D’une si haute altitude, les avions ne pouvaient atteindre leur objectif. Méthode utilisée par les États-Uniens, le carpet bombing ? Manque de confiance dans la Résistance ? Manque de coordination entre services de renseignements ?
Le moral des compagnies crestoises, la compagnie Pons en particulier dont la majorité des membres étaient crestois et qui se trouvait encore sur les flancs du Vercors, s'en est trouvé atteint. Pons le fait savoir à de Lassus par message et celui-ci lui répond que sa protestation est très justifiée et qu’il a déjà, dès 18 h, envoyé un télégramme par le commando américain et que, le soir même, il va en envoyer un autre à Alger. Ce qu’il fait à 21 h 30 par l’intermédiaire du lieutenant Richard (Sud-Drôme) : « Au nom du CFLN (Comité français de libération nationale) Drôme et population résistante ville Crest, vous demandons de protester contre bombardement américain du 13 à 13 h 30. Objectif pont de chemin de fer non détruit, mais FFI (Forces françaises de l'intérieur) ont rendu voies inutilisables depuis le 6 juin. Ville Crest très éprouvée ».
Dans un message envoyé dans la nuit (1 h 35) à Pons, il ajoute : « Je comprends parfaitement que le stupide bombardement d’hier sur Crest ait soulevé chez vous et chez vos hommes une émotion intense. Je viens de protester vigoureusement à ce sujet auprès du commandement allié » Pour apaiser la population, les lieutenants Barnard et Meeks, de l'OG Alice, se rendent à Crest avec trois parachutistes. « Les gens n'avaient pas le moral, raconte l'un d'entre eux. Ils étaient même hostiles. Un quart de la ville était rasé, il y avait trente morts et une centaine de blessés. Nous sommes allés à l'hôpital et avons expliqué aux habitants que le bombardement était une erreur qui ne se répéterait pas ».

Après ce bombardement, de Lassus estime que le pont routier de Livron pourrait être la cible de l'aviation américaine, avec des conséquences éventuelles sur Livron et Loriol qui amèneraient encore ruines et deuils. C'est la raison pour laquelle il donne l'ordre verbal de préparer la destruction du pont, puis envoie un message le 14 août à 23 h : « Le commandant Legrand à Albert ; Ordre : Faites sauter le pont routier de Livron », puis le 15 à 16 h 30 : « Le commandant Legrand à Albert : Ordre : faites sauter le pont routier de Livron. Rendez compte de l’exécution ». Il avertit Alger de ses projets en demandant que cet objectif soit provisoirement écarté des plans de bombardements.

L'imprécision de certains bombardements par l'USAAF (United States Army Air Forces) a causé un grand nombre de victimes parmi la population civile drômoise.


Auteurs : Robert Serre
Sources : ADD, 11 J 40, 500 W 29. Rapport de Thibaud, directeur départemental de la Défense Passive. Collectif, Pour l'Amour de la France. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Alban Vistel. R. Ladet, Ils ont refusé de subir. J. La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Daniel Decot, Pilotes français sur la vallée du Rhône. Lucien Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards. Paul Gaujac, Les forces spéciales de la Libération. Le Dauphiné Libéré, 30 août 1974, 31 août et 1er septembre 1994. Souvenirs d’Albert Fié.