Déposition d’un détenu romanais
Légende :
Une pétition de novembre 1942 exprimant leur reconnaissance envers le maréchal Pétain et lui demandant de lutter contre le communisme, le gaullisme, la maçonnerie, la juiverie est signée par des Romanais. Un détenu romanais reconnaît l’avoir signée.
Genre : Image
Type : Déposition
Source : © Archives communales Romans-sur-Isère Droits réservés
Détails techniques :
Papier quadrillé de format 21 x 27 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère
Analyse média
Une pétition de novembre 1942 exprimant leur reconnaissance envers le maréchal Pétain et lui demandant de lutter contre le Communisme, le Gaullisme, la Maçonnerie, la Juiverie est signée par des Romanais.
À la Libération, les signataires sont arrêtés, internés à la caserne Servan, puis à l’école de la rue Saint-Just, enfin au 13 de l’avenue Duchesne. Ils sont interrogés. Il leur est demandé d’attester leur signature. Dans les archives du Comité local de Libération (CLL), figurent plusieurs de ces dépositions.
Le document présenté ici est d’abord écrit avec une encre bleue puis terminé à l’encre noire. Le texte de la déclaration avait dû être préparé par l'interrogateur, le suspect n'avait plus qu'à signer. Le dépositaire a certainement voulu faire savoir ses justifications avant de signer. D’ailleurs une autre déposition (cf. album) semble être de la même écriture avec l’encre bleue, avec les mêmes fautes ; la signature est alors à l’encre rouge. Ce qui confirme que la déclaration était préparée à l’avance et qu’il était demandé seulement de la signer.
Transcription de celle de S... Gaston* :
Romans, le 23 sept. 44
Déposition du détenu S... Gaston
Je soussigné S. Gaston reconnait avoir signé la pétition témoignant notre fidélité au maréchal Pétain et lutter contre le communisme, le Gaullisme, la Juiverie et la franc-maçonnerie.
Je reconnais ma signature mais n’est pas eu connaissance du texte en le signant, n’ayant jamais professer aucune opinion contre le communiste, le Gaulliste, la Juiverie et la franc-maçonnerie, de ce fait je me juge tromper par celui qui m’a demander une signature pour tout autre cause que celles qui me sont incriminées. Je jure ne jamais m’être occupé ni agi en aucune sorte ni fait partie d’aucun parti politique.
Un autre possédant une petite entreprise de chaussures reconnaît avoir signé la pétition, mais il énumère les actions qu’il a faites en faveur de la Résistance : fourniture de chaussures, transport de pommes de terre, intervention auprès du médecin pour éviter à des ouvriers de partir au STO (Service du travail obligatoire).
Il s'agit d'un cas probablement fréquent d'un bon Français moyen, qui s'est tenu à l'écart de tout, et sa "faute" n'est pas d'une gravité extrême. Un jour, il a dû céder à la contrainte ou à la persuasion et signer ce papier pétainiste. Il semble bien que c'est tout ce qu'on lui reproche.
Texte de la pétition signée en 1942 :
PÉTITION
Les Soussignés, à l’occasion du 2ème Anniversaire de l’armistice, expriment au Vainqueur de Verdun, Chef de l’État Français, leurs sentiments d’immense reconnaissance pour le geste historique par lequel il a sauvé une deuxième fois la France.
L’assurent de leur indéfectible attachement à sa personne et aux idées de la Révolution Nationale.
Lui demandent respectueusement :
Le Châtiment implacable des responsables de la Guerre
Une lutte sans merci contre le Communisme, le Gaullisme, la Maçonnerie, la Juiverie, ligués pour faire échec au redressement de la France.
C’est un texte qui n’est pas anodin. Il est peu vraisemblable que les signataires ne l’aient pas lu ou tout au moins, vu sa brièveté, n’aient pas compris le sens général de la pétition. Ils essaient cependant, deux ans après, de minimiser leur acte.
(*) Le nom du signataire de la déclaration a été volontairement caché sur le document présenté ici.
Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Archives communales Romans-sur-Isère, 156 S1.
Contexte historique
L’« épuration », c’est-à-dire la recherche et la mise à l’écart des collaborateurs, a été pratiquée soit avant soit après la Libération. Les exécutions commises avant relèvent d’actes de guerre. Après le 1er septembre 1944, pour le département de la Drôme, les suspects doivent comparaître devant les juridictions mises en place pour être jugés. Des exécutions extra-judiciaires ont parfois été commises.
L’incarcération des auteurs, l’interrogatoire les amenant à la reconnaissance de leur signature est une forme mineure de l’épuration qui vise à assainir la population des éléments qui ont collaboré, peu ou prou, avec les occupants et l’État français. La sanction de ces signataires romanais s’est bornée à une détention de quelques semaines ou quelques mois.
D’après les statistiques établies, en 1971, par André Vincent-Beaume, correspondant pour la Drôme, du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 162 personnes ont été détenues à Romans, 203 à Valence, 137 à Montélimar, 55 à Die et 40 à Nyons, soit 597 au total. Un bilan avait été dressé au congrès des CDL (Comité départemental de Libération), le 19 janvier 1945, indiquant, à cette date 550 incarcérations : 225 détenus avaient été libérés, 20 transférés dans des camps d’internement et les autres transférés devant les tribunaux compétents, notamment la cour de justice, juridiction d’exception établie dans chaque département.
Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Jeanne Deval, Les années noires, éditions Deval, 1984. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.