Note du capitaine Pons au commandant \

Légende :

Il l'interroge sur la position qu'il faut tenir devant un ordre provenant du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) d'Alger.

Genre : Image

Type : Note de service

Source : © Collection Albert Fié, archives compagnie Pons Droits réservés

Détails techniques :

Document écrit au crayon sur une feuille de papier 21 x 27 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

La requête de Paul Pons a été formulée sur une feuille de papier libre. Elle est précisément datée, jour et heure cités (18 juillet 1944). Écrit au crayon, le document bien ordonné, ne traduit pas, dans une première lecture, une inquiétude de la part de son auteur.

D'abord, Paul Pons rapporte qu'à l'écoute de la radio, il a reçu un message d'Alger demandant aux officiers et sous-officiers de rejoindre la Résistance. En tant que commandant de compagnie, il a été harcelé de questions sur ce sujet. Il ne sait quelle attitude tenir face à la requête d'Alger.

Dans le deuxième paragraphe, il suggère que les chefs des camps soient prévenus suffisamment à l'avance pour prévoir le ravitaillement des nouveaux arrivants.

En conclusion, il demande que des ordres précis lui soient donnés.


Auteurs : Alain Coustaury 

Contexte historique

L'intérêt de ce document dépasse largement le cadre de la compagnie Pons. Il pose la question des relations entre les unités des FFI (Forces françaises de l'intérieur) et le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française).

Paul Pons interroge son supérieur afin de connaître la position qu'il doit tenir par rapport à des officiers qui voudraient rejoindre la Résistance. Ce qui l'inquiète est la question matérielle ; comment ravitailler et héberger les nouvelles recrues. Mais il n'évoque pas la vraie difficulté posée par le message d'Alger. Faut-il accepter des officiers et sous-officiers qui ont attendu si longtemps pour entrer en Résistance et comment les intégrer dans les FFI ? De même, quelle est la valeur des ordres venant d'Alger ? Priment-ils ceux des FFI ? D'après l'annotation portée sur le côté, il semblerait que ce soit l'ordre d'Alger que l'on doit suivre. L'autre réponse au post-scriptum confirme que tous les militaires sont concernés.

Tous ces problèmes vont créer des dissensions au sein de la Résistance non seulement durant l'été 1944 mais aussi en 1945 et même après la fin des hostilités.

À Alger, le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) remplace le 3 juin 1944 le CFLN (Comité français de libération nationale). Avec l'avance des troupes alliées, le débarquement de Normandie, la libération progressive du territoire français et la victoire qui se dessine, il est amené à résoudre l'épineuse question de la position des officiers et sous-officiers, notamment de l'armée d'armistice, qui voudraient rejoindre la Résistance. Comment les FFI vont-ils accepter les ordres d'Alger : recevoir et intégrer des hommes qui ont attendu que la victoire se dessine pour reprendre du service ?

Certains militaires ont déjà rallié les maquis. Jean-Pierre De Lassus Saint-Geniès (« Legrand »), le chef départemental des FFI, a rejoint la Résistance en 1943 voire, par son attitude, dès la dissolution de l'armée d'armistice. Son évasion d'un Oflag en 1941 témoigne également de sa volonté de continuer le combat. Cette ancienneté dans la Résistance va jouer un rôle important dans sa position vis-à-vis de ses camarades. Beaucoup d'entre eux ont eu une position attentiste. Que vont-ils faire quand la victoire se dessine de plus en plus nettement ?

Le message entendu le 18 juillet 1944 par Paul Pons, en provenance d'Alger, pose au moins deux problèmes aux chefs des FFI. Une fois accepté, quel rôle doit jouer l'officier ou le sous-officier qui arrivent dans une unité résistante ? Doivent-ils conserver leur grade et toutes leurs prérogatives qui leur sont attribuées ? Surtout quelles vont être leurs relations avec les résistants et leurs chefs qui combattent depuis plusieurs mois, voire deux ans ? Comment un officier de l'armée d'armistice, resté inactif depuis novembre 1942, va-t-il être perçu par des subordonnés qui ont affronté les Allemands depuis le 6 juin ? On comprend l'apparition de la définition caustique de ces militaires qui rallient la Résistance en juin mais surtout juillet et août 1944 : ce sont ceux que l'on a surnommé les « naphtalinards » (on utilise la naphtaline pour protéger des mites les vêtements que l'on conserve dans une armoire) ou les résistants de la dernière heure.

Comment vont réagir les sous-officiers, officiers des FFI qui ont reçu des grades que les militaires de carrière considèrent pour le moins trop élevés, voire usurpés ?

Prenant en compte tout ce qui précède, de Lassus Saint-Geniès, commandant des FFI de la Drôme, ordonne que : « Tout officier qui viendrait offrir ses services à la Résistance devrait renoncer à son grade et accepter de se battre en qualité de soldat de deuxième classe ».

C'est surtout après le débarquement de Provence que des officiers se présentent à de Lassus Saint-Geniès. D'une manière générale, il les renvoie, parfois brutalement, ne voulant pas accepter les services de ceux qui rejoignent à la dernière heure.

Paul Pons applique l'ordre à l'encontre du lieutenant-colonel Auguste Planet, ancien combattant de 1914-1918, qui se présente à lui vers le 20 août. Il est désigné comme agent de liaison et il est tué au combat le 28 août. 

La note de Paul Pons du 18 juillet apparaît, à première vue, comme anodine. En réalité, elle est lourde de sous-entendus et de difficultés de relations entre la Résistance intérieure et la Résistance extérieure, même si, théoriquement, les deux ne font qu'une.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Albert Fié, Mémoires d\'un vieil homme, manuscrit.