Albin Vilhet avec des résistants du Nyonsais

Légende :

Albin Vilhet, le 22 août 1944, au Bois Saint-Pierre avec des résistants du Nyonsais, au cours d’une pause, lors de quelques jours douloureux pour le pays.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Nyons

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Analyse média

La photo, datée du 22 août 1944, est un instant – heureux, à en juger par les mines décontractées de la plupart des maquisards assis – saisi au cours de jours de guerre particulièrement durs et décisifs pour la ville de Nyons et ses habitants, importants pour les forces militaires engagées dans la bataille dite de Montélimar, dans la deuxième quinzaine d’août 1944.

En fait, du 22 au 25 août 1944, accrochages meurtriers des FFI (Forces françaises de l'intérieur) avec les troupes allemandes en repli, arrivée d’éléments états-uniens, plusieurs bombardements allemands de la ville de Nyons (le 23, sans dégâts ; le 24, 4 morts et 12 blessés ; le 25 : 3 morts), se succèdent et secouent le pays. L’un des accrochages est connu localement sous le nom de « bataille du Bois Saint-Pierre » : les résistants y perdent 5 hommes, tandis que l’unité allemande engagée poursuit, avec la 19e Armée allemande, sa retraite vers Valence puis Lyon : la photo pourrait avoir été prise ce jour-là, après la « bataille » qui a eu lieu le matin du 22.

Il n’est donc pas surprenant que, parmi les hommes debout, beaucoup ont un visage sérieux, voire même préoccupé comme l’homme en chemise blanche, le 6e en partant de la gauche. Plusieurs ne regardent pas l’objectif. Presque tous ont un fusil de guerre, quelques-uns un fusil-mitrailleur. On observe, de gauche à droite :
Debout : André, Gautier Prosper, Platre Claudius, Fabre Élie, Bouchet Julien, Jouve Fernand, Miros, Couston Émile, Vilhet Albin, puis une silhouette imprécise dans les branchages.
Assis : Reynaud Fernand, Lesling Lucien, Fieu Romain, Haltienr, Augis Gabriel. Albin Vilhet lui-même, debout à droite, un casque posé sur un fusil qu’il semble tenir en main gauche, paraît calme mais attentif…
Ce n’est que le 25 à 13 h 30, après le dernier bombardement, que Nyons ne subira plus d’incursion allemande.

Cette vue évoque d’abord assez bien une situation d’action en cours, avec son aspect « insurrectionnel » impliquant la participation des civils (l’homme au chapeau par exemple), avec les inquiétudes quant au devenir immédiat loin d’être encore assuré.

Ensuite, le cliché a l’intérêt de situer Albin Vilhet, à 48 ans, entouré d’une équipe armée souvent bien plus jeune que lui, lors d’un repos peut-être. Peu après, il sera président du comité de Libération de Nyons. Sa présence en ce lieu commémoré chaque année jusqu’à nos jours (à la stèle du Bois-Saint-Pierre), au milieu de ces volontaires, s’inscrit bien dans son parcours d’agriculteur, de combattant des deux guerres, de résistant sédentaire et d’acteur de la Résistance du Nyonsais.


Auteurs : Michel Seyve
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme – Vercors, édition AERI-AERD, 2007 ; Albin Vilhet, préface Roger Pierre, historien, La Résistance dans le Nyonsais, mars 1982 ; Cahiers d’écolier [Mémoires] d’Albin Vilhet, archives personnelles, Raymonde Hiroz, La Mochatte, Nyons.

Contexte historique

Albin Vilhet est né à Nyons le 11 octobre 1896.

Il aide ses parents dans les travaux de leur petite exploitation agricole du Nyonsais. Très tôt, il note sur des cahiers d'écolier le détail de son vécu quotidien. Il réagit à la guerre de 1914-1918 pour laquelle il est mobilisé, d’abord en s’exprimant dans les 356 lettres adressées à ses parents. Puis, à partir de 1923, en créant à Nyons une section de l'ARAC (Association Républicaine des anciens combattants) ; et, en 1925, il constitue une fédération Drôme-Ardèche de l’association. Dans le même temps, il popularise les idées communistes dans le Nyonsais.

Il est arrêté et interné en juin 1940 "comme suspect et mauvais Français", étant connu comme militant actif parmi les anciens combattants et l’un des fondateurs [ou le ?] du Parti communiste dans le pays.

De 1940 à 1943, il demeure sans liaison concrète avec le PCF. Ses relations personnelles maintiennent en fait un réseau potentiel sur lequel il s’appuie pour engager un combat discret et en profondeur, qui prend de l’ampleur singulièrement avec l’année 1943, dans la Résistance.

Dès le 14 juillet 1942, à Nyons, une délégation dont il fait partie, obtient la libération du "socialiste Toësca arrêté pour avoir déposé une gerbe au monument de la République". À la fin novembre 1942, se constitue un comité secret de Libération de 6 membres avec A. Vilhet.

Au début de l’année 1943, un réseau et un comité local de Front national pour la libération, présidé par le docteur Bourdongle, avec A. Vilhet, est en place à Nyons. Le 4 mars 1943 est un repère important : "Nous décidons de créer des maquis, note-il ce jour-là sur le cahier d’écolier, pour éviter que 14 jeunes gens de Nyons aillent en Allemagne". Le comité du Front national de libération s'occupe de planquer, préparer des fermes, nourrir, armer. Ainsi, il est à l'origine du premier maquis de la Lance et participe à la création de ceux de Saint-Pons, L'Estellon et les Cailles. Il organise également la vie politique clandestine (Dieulefit, novembre 1943), joue un rôle majeur dans les liens complexes entre le PCF et les FTP (Francs-Tireurs et partisans). Le 17 octobre 1943, menacé, il quitte Nyons quelque temps pour Dieulefit, Bourdeaux, Crupies.

En janvier 1944, il est de ceux qui prévoient la "mise à jour du plan d'insurrection", tandis que les Allemands procèdent à des arrestations à Nyons. Arrêté le 15 juin, transféré à Grenoble, il échappe de peu à la déportation. À travers l'évacuation de Nyons, le bombardement du bourg, les avancées et reculs des forces allemandes, résistantes puis états-uniennes, le Comité, auquel Albin Vilhet prend une part active, s'efforce d'administrer, de ravitailler, de faire soigner. C’est probablement à cette période que le cliché exposé a été pris. Le 29 août, il est nommé vice-président de la délégation municipale de Nyons et devient président du Comité local de Libération.

Il est élu conseiller de la République en 1946 ; il garde "assez de sympathies dans la région, estimait par ailleurs R. Pierre, pour avoir été longtemps le seul communiste à siéger comme conseiller et comme adjoint à la mairie de Nyons", précisément pendant 27 ans. La considération dont il est l'objet n'entame pas sa modestie ni n'ébranle son style de vie. Il demeure en quelque sorte à l'image de ses compatriotes.

Il est convaincu - notamment à propos de la Résistance - de la grande utilité de ses notes pour contribuer à ce "que les générations futures n'ignorent rien de ce que firent leurs aînés pour reconquérir [de 1939 à 1945] cette indépendance et cette liberté qui leur étaient chères". Ses manuscrits témoignent en faveur de la pérennité de l'humanité et d'une certaine idée de son devenir. Il est mort le 1er février 1981.


Auteurs : Michel Seyve
Sources : Cahiers d’écolier [Mémoires] d’Albin Vilhet, Archives personnelles, Raymonde Hiroz, La Mochatte, Nyons ; La Résistance dans le Nyonsais, Albin Vilhet, préface Roger Pierre, historien, 19.. ; Dvd-rom La Résistance dans la Drôme – Vercors, édition AERI-AERD, 2007.