Germaine Tillion et l'Union nationale des combattants coloniaux

Légende :

Lettre adressée par le commandant Bouret, secrétaire général adjoint du Comité d'assistance aux troupes noires, à Germaine Tillion, le 30 juillet 1941.

Genre : Image

Type : Lettre

Source : © BNF, département des manuscrits, fonds Germaine Tillion Droits réservés

Détails techniques :

Lettre dactylographiée avec mention manuscrite

Date document : 30 juillet 1941

Lieu : France

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Contexte historique

A la fin du mois de juin 1940, Germaine Tillion est à Paris. Les oriflammes à croix gammée flottent sur la capitale. Sa première interrogation est « que faire ? ». Elle estime qu’il faut agir face à la double humiliation de l’occupation par les nazis et du consentement aux propos du maréchal Pétain. Sa première idée est de se rendre à la Croix-Rouge voir si elle peut se rendre utile. Arrivée sur place, elle rencontre une dame qui semble être venue avec la même idée. Cette dernière lui parle d’un officier qui s’est proposé comme otage pour la ville de Paris, le colonel Hauet. La dame lui communique alors son numéro de téléphone. Le lendemain, Germaine Tillion a rendez-vous avec le colonel Hauet dans un petit bureau de la rue Boissy-d’Anglas.

Officier de la coloniale, Hauet lui fait part de son inquiétude pour les prisonniers de guerre et surtout ceux originaires de l’Outre-Mer. C’est l’époque où Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir, est sommé par les occupants de signer une déclaration accusant les prisonniers sénégalais d’avoir massacré et violé des femmes à Chartres. Germaine Tillion, de par ses missions en Afrique, est également sensible au problème de ces prisonniers de guerre coloniaux. Le colonel Hauet émet alors l’idée de réactiver une association moribonde mais encore enregistrée, l’UNCC (Union nationale des Combattants coloniaux). Elle servira de couverture à leurs activités. Dans son ouvrage Les Musulmans algériens dans l’armée française, Belkacem Recham évalue à 68 500 le nombre de prisonniers de guerre provenant de l’ensemble des colonies.

Paul Hauet et Germaine Tillion installent le siège de l’UNCC au 2 rue Béguet dans le XIe arrondissement. Officiellement, l’association se contentait d’envoyer des paquets et des lettres aux prisonniers coloniaux français incarcérés dans des camps en France et en Allemagne. En réalité, elle organisait leur évasion en leur fournissant vêtements civils, faux-papiers et en organisant leur passage en zone libre. Un réseau de médecins, infirmiers se mit en place pour favoriser ces évasions.

Début juillet 1940, devant la statue du général Mangin, déboulonnée par les Allemands, Paul Hauet retrouve le colonel Dutheil de la Rochère, un spécialiste du renseignement, qui va rejoindre le groupe de la rue Bréguet. Grâce aux contacts du colonel de la Rochère, de nombreux renseignements partiront vers Londres.

Lorsque l’UNCC commença ses activités d’aide aux prisonniers de guerre, seuls deux groupes fonctionnaient officiellement : les Amitiés africaines et le Comité d’assistance aux troupes noires. L’UNCC mis en place des « marraines » qui expédiaient colis et lettres aux prisonniers coloniaux. Parmi les plus actives figure Marcelle Monmarché, une proche amie de la famille Tillion, qui fut la marraine de près de 100 prisonniers coloniaux, écrivit plus de 2000 lettres et en reçut près de 1500. A la fin de l’année 1940, L’UNCC fut officiellement chargé par le Comité national d’assistance aux prisonniers de guerre de rendre visite, dans les hôpitaux et les camps, aux prisonniers venant d’Afrique du Nord, d’Indochine, de Madagascar, de la Réunion et de la Guadeloupe. Afin de rester au fait des besoins de chaque soldat, Germaine Tillion établit un système de classement des prisonniers de guerre coloniaux, par camps, régiments, pays d’origine… Cette tâche titanesque ne put aboutir.

Multipliant les contacts, l’UNCC regroupe bientôt différents noyaux qui fleurissent à Paris et en province, constituant ainsi un pôle d'attraction typique de la Résistance pionnière en zone occupée. A l'automne 1940, Tillion et Hauet sont en relation avec les groupes animés par La Rochère et avec l'organisation du Musée de l'Homme que les chercheurs Boris Vildé et Anatole Lewitsky ont structuré. Entre ces trois secteurs, des renseignements circulent et une coopération s'esquisse. L'évasion et le camouflage des prisonniers demeure l'activité principale de l'UNCC qui dispose de multiples relais et filières tant à Paris (Hôpital militaire du Val de Grâce, Maison du Prisonnier de guerre) qu'en province (Bordeaux, Metz, Charente...). Paul Hauet et les groupes qu'il contrôle ne sont pas inquiétés par les arrestations qui déciment le Musée de l'Homme à partir de décembre 1940. Par contre, il est interpellé une première fois le 5 juillet 1941 en même temps que son camarade Maurice de La Rochère avec qui il est confronté. Ce dernier, endossant seul toutes les responsabilités, parvient à l'innocenter et Hauet est libéré au bout de deux mois. Il reprend immédiatement ses activités et n'est pas davantage touché par l'interpellation de Germaine Tillion en août 1942, celle-ci ayant pris soin de strictement cloisonner les groupes.


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources :
Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, fonds Germaine Tillion
Archives nationales, 72AJ66/III, « rapport d’activité sur le secteur Hauet par Germaine Tillion »
Le témoignage est un combat : une biographie de Germaine Tillion, de J. Lacouture, Seuil, 2000.
Germaine Tillion, une femme - mémoire, d’une Algérie à l’autre, de Nancy Wood, Editions Autrement, 2003
Julien Blanc, "Paul Hauet" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Fabrice Bourrée, « Maurice Dutheil de la Rochère » in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004