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"Tableau de l'organisation du ministère de la vie culturelle"

Légende :

"Tableau de l'organisation du ministère de la vie culturelle" paru dans les Cahiers clandestins de l'OCM de septembre 1942, pages 152 et 153

Genre : Image

Type : Tableau

Source : © Collection privée Droits réservés

Détails techniques :

Format original : 12,5 x  16 cm

Date document : Septembre 1942

Lieu : France

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Analyse média

L’OCM (Organisation civile et militaire) est un des grands mouvements de résistance de la zone occupée ; elle publie peu de presse clandestine, mais quatre volumes de Cahiers, de petit format (12,5 x 16 cm), consacrés à des études sur les réformes à mettre en oeuvre à la Libération. Le cahier concerné est le second, paru en septembre 1942. Sous une couverture bleu clair, il a pour sujets l’enseignement et la vie culturelle, donc les domaines de l’action ministérielle de Jean Zay.

Dans l’exposition organisée pour le cinquantenaire de l’assassinat de Jean Zay, sont montrés, et dans le catalogue, reproduits, deux documents de la main de Jean Zay. Le premier est un tableau sur trois colonnes qui s’intitule « Ministère de la vie culturelle », et qui en propose une organisation (document 8 de l'album joint), le second est un schéma fléché qui porte en titre : « Organisation de l’enseignement » (document 5). Ces deux documents viennent des archives de la famille de Jean Zay. Or ils se trouvent imprimés dans le cahier clandestin de l’OCM. C’est évident instantanément pour le premier document, car ce que publie le Cahier de l’OCM, aux pages 153 et 154, est une simple composition typographique du tableau de Jean Zay (document présenté dans la présente notice). Qui plus est, à côté de l’original manuscrit de ce tableau, figure, sur une autre feuille accolée, ce qui apparaît comme le sommaire d’un texte, disposé en une colonne. La colonne est divisée en deux parties ; la première est intitulée « EN » (pour Éducation nationale, on s’en doute), elle est subdivisée en 14 sous-parties ; la deuxième partie s’intitule « Expression nat », et comprend 11 sous-parties. Le tout est suivi de l’annonce de deux documents (document 10). Or ceci est, exactement, à la numérotation près, le plan du Cahier de l’OCM (document 9). Les seules variations concernent des majuscules en plus ou en moins. Ce plan ne figure d’ailleurs pas dans le Cahier clandestin qui se contente d’un sommaire bien plus bref. Pour le second document exposé (le schéma fléché), mon exemplaire des Cahiers clandestins étant incomplet, il m’a fallu consulter celui d’un des survivants ; il y apparaît que le schéma, encarté dans la publication résistante à la page 152 bis, a le même titre que le dessin de Jean Zay, que c’en est clairement une frappe à la machine (document 4).

(...)

Catherine Zay m’a montré une série de trois feuillets pliés, écrits de la main de son père, et qui concernent la politique de l’enseignement. Le premier est un résumé des instructions ministérielles de l’année scolaire 1937-1938, le second un plan de travail utilisé pour la rédaction des passages de Souvenirs et solitude consacrés aux questions de la politique éducative. Mais le troisième (document 3), donc écrit de la main de Jean Zay, est l’ossature de la première partie du Cahier de l’OCM, celle qui s’intitule « Les bases de la réforme de l’enseignement 1 » (documents 1 et 2). Par ossature, j’entends un plan développé. La numérotation et le vocabulaire coïncident à nouveau totalement (exemple clair : la comparaison du début de cette note – document 3 – avec les pages 22 et 23 du Cahier clandestin – documents 1 et 2).

Si l’on peut envisager, à la limite, que l’organigramme du grand ministère ou le schéma fléché soient des héritages communs d’une même expérience ministérielle, entraînant par une coïncidence bien extraordinaire des projets communs à Jean Zay et aux rédacteurs clandestins, par contre, on ne voit pas comment les similitudes de rédaction et de plan peuvent s’expliquer autrement que par un travail commun.

L’hypothèse que Jean Zay est coauteur de cette étude de l’OCM paraît donc fondée. Il semble que l’on puisse affirmer, en distinguant parmi les documents utilisés :
– qu’il a participé à l’établissement du plan du Cahier, peutêtre effectivement comme consultant, à qui on demanderait ensuite une contribution sur des points précis ;
– qu’il est au minimum l’inspirateur, mais plutôt le rédacteur, de l’organigramme du grand ministère ;
– qu’il est le rédacteur du schéma fléché et de la première sous-partie du cahier, intitulée « Les bases de la réforme de l’enseignement ». Cela revient bien à considérer Jean Zay comme un coauteur, à qui le groupe qui entreprend la rédaction de ce Cahier de l’OCM, aurait demandé de prendre en charge les parties les plus synthétiques (schéma, organigramme et réflexions de base), pendant que les développements seraient rédigés par d’autres.

(...)

Au terme de cette étude, il semble établi que Jean Zay, depuis sa prison de Riom, a été au minimum un contributeur, mais plutôt un coauteur d’un texte publié clandestinement par un important mouvement de résistance, en septembre 1942. Le silence de la mémoire résistante contraste cruellement avec l’éclat dans lequel Vichy et les collaborateurs ont voulu faire un exemple de mise en cause de la République.Au fond, on peut se demander si, même pour ses amis, Jean Zay n’a pas été en permanence embarrassant. Pour Vichy qui l’a condamné à la déportation et le garde à Riom. Pour des résistants clandestins en recherche de renouvellement : ceux d’entre eux qui savent que Jean Zay partage leur choix ont tendance à se taire, provisoirement, sans doute. Pour les Français libérés, hâtés de retrouver leurs clivages préférés. Quelle plus grande injustice peut-on imaginer, pour celui qui s’est révélé, comme le dit l’introducteur de Souvenirs et solitude : « Par-delà le jeune et brillant ministre… un républicain et un homme de culture, un humaniste assurément. Mais encore 1 ? » Mais encore : un résistant.


Verny Benoît,« Chapitre 13. Jean Zay et la Résistance », in Antoine Prost , Jean Zay et la gauche du radicalisme, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Académique », 2003 p. 209-224.