Plaque à la mémoire de Rino della Negra, Argenteuil (95)

Légende :

Plaque apposée au 108 bis boulevard Jean Allemane à Argenteuil

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Producteur : Jérôme Leblanc

Source : © Association Mémoire et patrimoine militaire - ARHM Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Lieu : France - Ile-de-France - Val-d'Oise - Argenteuil

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Contexte historique

Fusillé au Mont-Valérien le 21 février 1994, il est un des cinq Italiens du Groupe Manouchian encore plus connu comme le groupe de l'Affiche rouge en raison de la couleur rouge sang de l'affiche dont les Allemands avaient placardé les murs de la capitale dans la semaine précédant leur exécution. Rino Della Negra (alias "Robin") est né à Vimy (Pas-de-Calais) le 18 octobre 1923. A l'âge de trois ans, il vient avec ses parents habiter la Région parisienne, à Argenteuil.
Après avoir terminé l'école communale, il entre à l'usine Chausson d'Asnières. Il n'appartient à aucune organisation politique. Ailier droit au Red Star de Saint-Ouen, membre du Football club d'Argenteuil et de l'Union sportive argenteuilloise, il aime le football et rêve de devenir professionnel.
En octobre 1942, il reçoit une convocation pour partir travailler en Allemagne au titre du STO. C'est à ce moment là qu'il entre dans la clandestinité et rejoint peu après le 3e détachement des FTP-MOI. Bien que, lors de son interrogatoire par la brigade spéciale française, il minimise le nombre d'actions dans lesquelles il a été impliqué, il a en fait pris part à quelques-unes des actions parmi les plus retentissantes contre l'occupant et ses complices : assassinat du général allemand Von Apt, rue Maspero dans le XVIe arrondissement, attaque du siège du parti fasciste italien rue Sédillot à l'occasion du troisième anniversaire de la déclaration de guerre italienne à la France, attaque de la caserne Guynemer à Rueil-Malmaison, sabotages divers, etc.
Le 12 novembre 1943 il est, avec six autres camarades, le protagoniste d'une action qui allait lui être fatale et entraîner dans sa chute plusieurs autres membres du groupe les jours suivants : l'attaque d'un convoyeur de fonds allemand rue Lafayette dans le IXe arrondissement. Sans doute prévenu de la menace, le convoyeur est accompagné d'un autre militaire allemand. Della Negra et son camarade se servent de leurs armes en tuant un des Allemands. Les policiers français et allemands, dont la présence sur les lieux n'était pas attendue, répliquent par un feu nourri. Della Negra est grièvement blessé et arrêté peu de temps après dans un immeuble de la rue Taitbout, avoisinante.
C'est à l'hôpital qu'aura lieu l'interrogatoire de la police mentionné plus haut. D'après les souvenirs de son agent de liaison, dans les semaines précédant l'action de la rue Lafayette qui allait lui être fatale, Rino et ses camarades étaient en très grande difficulté : mal habillés, manquant d'argent et ne mangeant pas à leur faim. Quoiqu'il en soit de cet aspect des choses, ce qui est certain c'est que, contrairement à d'autres combattants italiens dans la Résistance française, Rino ne semble pas appartenir à une famille aux accointances antifascistes actives. A tel point que, dans la lettre que Rino envoie à ses parents avant de mourir, il éprouve le besoin de s'excuser auprès d'eux de son engagement: "Je regrette de ne jamais vous avoir dit ce que je faisais, mais il le fallait, faîtes comme si j'étais au front" Le ton de cette lettre est particulièrement touchant et laisse transparaître une dimension de la Résistance dans laquelle beaucoup, français ou immigrés, se seraient reconnus: "Je veux que vous alliez embrasser tous les parents, mon oncle Vranacio, ma tante Mimi, mes cousins et cousines, Nenette, Titi, Pierrot, Innocente et Claude ; mon oncle et ma tante Isidoro et toute la famille en Italie. A la Nonna une grosse bise et qu'elle ne s'en fasse pas. Enfin, j'embrasse tout Argenteuil, du commencement à la fin." écrit-il à ses parents. Ceci est encore plus accentué dans la lettre qu'il écrit à son petit frère. Après lui avoir recommandé, non sans quelque rudesse ("je ne veux pas de larmes, t'as compris, hein, mon vieux") de ne pas pleurer, il demande: "Remonte le moral à tout le monde et tout finira pour le mieux. Je veux que tu ailles chez tous les copains: Toni, Marius, Dalla, Kayla, Avante, Dédé, Papou, Cari, chez Inès en souhaitant le bonjour à tous les copains et les copines de Mara...Tu iras au Club Olympique Argenteuillais et embrasse tous les sportifs du plus petit au plus grand. Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. Je veux que tu ailles embrasser pour moi toute la famille Barbera, Vincent, Paulette, Claudie, la Mater et le Pater, Thomas et Angèle et tout l'hôtel Parisis, chez la grand'mère à Yiyi, chez Sola et Raymond, chez Georges, chez Mario, chez Gilles, chez Bernard et chez tout le monde. Embrasse bien Yiyi quand il reviendra et Dédé Grouin. Va chez Toni et faites un banquet. Enfin, faites tout pour le mieux". Ces lettres témoignent, nous semble-t-il, d'une insertion, heureuse, chaleureuse, dans la société française par l'intermédiaire d'une identification forte à la communauté locale. Communauté, par ailleurs, qui, dans le mélange des prénoms, dans la fusion entre modes de socialisation (le foot, le banquet), paraît ici si pleinement italo-française. Est-ce là le secret de la mémoire vivante de sa brève existence que portent les lieux qui ont compté pour lui ? Une rue ("Rino Della Negra, 1923-1944, sportif argenteuillais, franc-tireur et partisan du Groupe Manouchian, assassiné par les nazis au Mont-Valérien le 21 février" peut-on y lire) tout comme une salle de réunions portent son nom à Argenteuil, une plaque, posée à l'occasion du cinquantième anniversaire du 21 février 1944, le commémore sur le monuments aux morts de sa ville natale de Vimy dans le Pas-de-Calais, une plaque commémorative, enfin, vient d'être inaugurée au stade Bauer de Saint-Ouen à l'occasion du soixantième anniversaire de sa mort.


Antonio Bechelloni in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Sources et bibliographie :
Antonio Canovi, Argenteuil, creuset d'une petite Italie, Pantin, Le Temps des cerises, 2000.
Stéphane Courtois, Dénis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger, Paris, Fayard, 1989.
Claude Dewaele, "Rino Della Negra. Amoureux du foot à en mourir", Résistance-Saint-Ouen, n° 1, décembre 2000.
Pia Carena Leonetti, Les Italiens du maquis, Paris, Del Duca, Editions mondiales, 1968.
Didier Daeninckx, "Rino Della Negra, le footballeur fusillé", récit inspiré par la vie de Rino Della Negra et consultable sur le site http://www.amnistia.net. Philippe Ganier Raymond, L'affiche rouge, Paris, Fayard, 1975.
Boris Holban, TESTAMENT, Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle, Paris, Calman-Lévy, 1989.
Gaston Laroche, colonel FTP "Boris Matline", ON LES NOMMAIT DES ETRANGERS...(Les immigrés dans la Résistance), Paris, Les Editeurs Français Réunis, 1965.
Serge Klarsfeld, Léon Tsevery, Les 1007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 juifs, Edité et publié par l'Association Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France, mars 1995.
Entretien avec Mme Inès Tonsi, agent de liaison de Rino Della Negra, réalisé par Claude Dewaele le 23 décembre 2000.
http://www.ville-saintouen.fr. Les Yeux de la mémoire. Exposition-Hommage à Rino Della Negra.