Plaque à la mémoire de Gabriel Gautron, Etampes (Essonne)
Légende :
Plaque à la mémoire de Gabriel Gautron inaugurée le 19 septembre 2010.
Genre : Image
Type : Plaque commémorative
Producteur : Jérôme Leblanc
Source : © Association Mémoire et patrimoine militaire - ARHM Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : 2016
Lieu : France - Ile-de-France - Essonne - Etampes
Contexte historique
Né le 20 juillet 1913 à Saint-Cyr-la-Rivière (Seine-et-Oise), domicilié à Etampes, Gabriel Gautron y exerce la profession d’électro-mécanicien, dépanneur radio. Caporal-chef au 92e bataillon du Génie durant la campagne de 1939-1940, il est démobilisé le 25 juillet 1940.
Il entre dans la Résistance en janvier ou mars 1943 au sein du réseau Ceux de la Libération (CDLL). Un groupe important de CDLL était implanté dans la région d'Etampes. Les premiers contacts furent pris début 1943 par le lieutenant Paul Simon. Simon visitait de nombreuses villes de la zone occupée, sous la couverture de représentant de pièces détachées de radio. Il aurait fixé une cinquantaine de terrains d'aviation et aurait supervisé la réception de 600 tonnes d'armes parachutées. A Etampes, il rentre en contact avec un radio-électricien, adjoint au Maire, Pierre Audemard. Son adjoint au sein du groupe est Gabriel Gautron. L'équipe comprend une dizaine d'hommes parmi lesquels Charles Sauret, Gaspard Lafouasse, André Lafouasse, Raymond Lafouasse, Marcel Dugué, Jules Randon et Georges Dubreucq.
Charles Sauret, adjudant-chef en retraite, adjoint au Maire de la commune de Morigny-Champigny, demeure à la Montagne, près d'Etampes ; c'est un ancien sous-officier de carrière à la retraite. Sa position d'adjoint au Maire lui permet d'établir de fausses cartes d'identité et de connaître admirablement la topographie de sa commune et de ses environs. Gaspard Lafouasse, ancien combattant de 14-18, est adjoint au Maire de Boissy-la-Rivière. Entrepreneur de battages, il se met à la disposition de Sauret. Comme ce dernier, son poste d'adjoint au Maire lui permettra d'établir de fausses cartes d'identité pour les réfractaires. Il emploie et camoufle dans des fermes des réfractaires et des prisonniers de guerre évadés. En 1943, Marcel Dugué est cuisinier en chef au mess des officiers généraux allemands à Etampes. Contacté par Audemard, il accepte immédiatement et sans hésitation de participer à l'action contre l'occupant. Jules Randon travaille chez son père, distillateur à Etampes, mais demeure chez son beau-père, M. Martin, apiculteur à la Montagne. Enfin, Georges Dubreucq est employé à la meunerie Poisson à Morigny-Champigny.
La diffusion des messages émanant de Londres et annonçant un parachutage destiné au groupe Audemard s'étendait sur trois jours de suite et dans l'ordre suivant :
1° " Mai est le mois des fleurs ".
2° " Préparez le terrain, les semences arrivent ".
3° " Ali viendra voir sa fatma ce soir ".
Le 17 mai 1943, le groupe entend la première phrase pour la première fois. Le terrain de parachutage est prêt. Il se trouve au lieu-dit "La Montagne" à Morigny. Le 19 mai à 23 heures, le parachutage a lieu. Six containers contenant des grenades, des explosifs en tout genre, des mitraillettes et des munitions sont récupérés par l'équipe et immédiatement camouflés sous des ballots de paille. Quelques jours plus tard, Audemard reçoit l'ordre de faire l'inventaire du parachutage en vue de les répartir entre différents groupes. Les containers sont transportés chez monsieur Martin à La Montagne. Gautron participe au transport et au camouflage des armes parachutées. Après inventaire, Sauret et Audemard prennent en charge deux containers. Gaspard Lafouasse emmène dans sa camionnette, à Mesnil-Girault, les quatre containers restants et les cache dans une mare asséchée.
Le soir même, en rentrant chez lui à Etampes, Audemard est arrêté par la Gestapo qui l'attendait à son domicile. Le lendemain, les membres du groupe s'empressent d'enterrer les containers au Mesnil-Girault derrière un silo à betterave. Torturé, Audemard finit par reconnaître qu'il a reçu un parachutage d'armes. Le 10 novembre 1943, Sauret est arrêté à la mairie de Morigny-Champigny. Il est confronté avec Audemard. Henri Poirier, responsable local de Libé-Nord, a livré un témoignage sur cette confrontation : "Un homme est amené devant Sauret. Celui-ci a peine à reconnaître Audemard en cet homme vieilli, amaigri, dont l'état général laisse deviner les tortures qu'il a endurées. Sa voix est celle d'un vieillard lorsqu'il dit à Sauret : “Mon pauvre vieux, ils savent tout... ne nie pas plus longtemps... inutile de les obliger à te faire parler” " (Henri Poirier, Un Français dans la nuit cité dans Gilbert Dréano, 1939-1945, du côté d'Etampes et de Méréville, page 51). Sur les indications de Sauret, qui cherche à sauver ses compagnons non repérés, les Allemands découvrent deux des six containers.
Le soir-même Gaspard Lafouasse est appréhendé à son domicile. Puis c'est au tour de Gautron et Dugué d'être arrêtés. Tous les principaux membres du groupe d'Etampes sont entre les mains de la Gestapo.
Arrêté ce 10 novembre 1943 par la Gestapo à son domicile, Gabriel Gautron est emmené à la feldgendarmerie d’Etampes puis rue des Saussaies où il est brutalisé lors de son interrogatoire. Incarcéré à Fresnes, il est déporté à Buchenwald via Compiègne le 24 janvier 1944. Le 10 août 1944, il est transféré au camp de Blankenburg où il reste jusqu’en mars 1945. De là, il est dirigé vers Lübeck. C’est à Lübeck qu’il bénéficie d’un échange de prisonniers. Son groupe de déportés est embarqué sur un bateau de la Croix-Rouge à destination de la Suède où les hommes sont désinfectés et habillés chaudement. Gabriel Gautron apprendra la capitulation nazie à l’hôpital. Il ne pèse alors plus que 34 kilos.
Déportés également à Buchenwald le 22 janvier 1944, Audemard et Dugué sont transférés à Mathausen en avril 1944 où Audemard décède le jour de la libération du camp.
Le 17 février 1944, un message reçu au BCRA à Londres mentionne cette vague d'arrestations : "L'électricien Audemard dénoncé à la suite d'une lettre anonyme a été arrêté il y a plusieurs mois. (…) Les armes parachutées qui avaient été cachées dans une fosse en ciment construite dans une mare asséchée pour la circonstance et remplie d'eau une fois les travaux terminés, ont été découvertes. Depuis les arrestations continuent. Le 11/11/43, les patriotes d'Etampes ont, en signe de protestation, planté un drapeau tricolore sur la tour de Guinette. Actuellement, toute activité est supprimée dans le secteur pour le moment." (archives nationales, 3AG2/391).
Gaston Dubreucq se mettra au vert une quinzaine de jours à Beauvais et ne sera pas inquiété. Jules Randon ne sera pas arrêté non plus. André et Gaspard Lafouasse, Charles Sauret, déportés à Buchenwald, sont libérés par les Alliés en avril 1945.
Rapatrié le 28 juin 1945, Gabriel Gautron a été décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze (10/11/1945). Le titre de déporté résistant lui a été décerné le 29 juin 1953 et il a été homologué le 29 février 1968 au grade d’assimilation de sous-lieutenant des Forces françaises combattantes.
Dans le bois de la commune de Morigny, une stèle, érigée sur les lieux du parachutage du 19 mai 1943, perpétue la mémoire des déportés de ce groupe local.
Gabriel Gautron est décédé à Etampes le 7 décembre 1996.
Fabrice Bourrée
Sources :
Service historique de la Défense, Vincennes, 16 P 248 145 (dossier Gabriel Gautron)
Archives nationales, 3AG2 391 (archives du BCRA)
Archives départementales des Yvelines, dossiers de CVR d'André Lafouasse, Gaspard Lafouasse et Charles Sauret.
Gilbert Dréano, 1939-1945, du côté d'Etampes et de Méréville, Etampes, 1995.