Le journal Association des Rescapés de Montluc, janvier 1945

Légende :

Siège social : 13, rue des Quatre-Chapeaux à Lyon
Gérant G.-A. Champion
Imprimerie : Lorge à Lyon

Genre : Image

Type : Journal associatif

Source : © Fondation de la Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Journal imprimé
4 pages, format : 24,5 x 31 cm 

Date document : Janvier 1945

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

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Analyse média

Le journal Association des Rescapés de Montluc dans l’un de ses premiers numéros daté de janvier 1945, rappelle quelles sont les raisons de la fondation de cette association ayant son siège à Lyon.
Dans son article « Pourquoi !... » Alban Grateau en énumère deux :
- témoigner de la répression nazie et vichyste à Montluc et garder vivante la mémoire de ses martyrs « grouper dans un élan d’amitié tous ceux qui sont passés par cette géhenne qu’est Montluc et qu’une fois groupés, ils puissent perpétuer le souvenir de cette atroce captivité. » écrit-il.
- défendre les intérêts de ceux qui sont passés par Montluc et venir en aide à leurs familles. Des familles de fusillés ou de déportés, qui ne sont pas encore rentrés, vivent dans des situations matérielles précaires touchant difficilement une pension ou une allocation militaire. L’association entend faire pression sur les pouvoirs publics pour accélérer leur prise en charge mais dans cette situation de fin de guerre elle développe tout un dispositif d’aide social d’urgence. « Ce qu’il faut obtenir c’est l’intervention efficace, régulière et légale des Pouvoirs Publics ; ce sont les allocations militaires pour tous les ayants droit. Il nous faut encore des secours permanents pour nos blessés, pour nos malades des suites de mauvais traitements, des indemnités à ceux qui ont été pillés ».

Le journal de 4 pages décline dans ses colonnes les missions ainsi désignées.
La recherche du sort des victimes de la répression nazie après le passage à Montluc fait l’objet de la majorité des articles.
Dans le premier numéro sont publiés :
- une liste des martyrs fusillés,
- une liste de noms de prisonniers passés par la prison de Montluc (représentant la moitié du contenu rédactionnel du journal) est également publiée à la demande des familles pour obtenir auprès des rescapés des renseignements sur leurs parcours après la prison (exécution ou déportation) et éventuellement recueillir leurs derniers messages, leurs dernières confidences… Une exhortation appelle les rescapés à témoigner « Héritiers spirituels et moraux de nos camarades, c’est un devoir dont nous devons comprendre toute la portée et auquel nous ne saurions nous dérober pour quelque motif que ce soit. »
- des nouvelles d’anciens de Montluc déportés sont communiquées par les familles.

L’aide sociale est également un élément important comme en témoigne un arbre de Noël organisé fin décembre pour les « 350 enfants de Montluc», ou bien une journée pour les enfants de fusillés prévue pour février 1945.

Mais c’est l’hommage aux morts qui domine. Le bureau de l’association se rend à tous les offices en mémoire d’anciens de Montluc morts pendant la guerre. On peut apprécier à la fin de l’article « Notre activité » combien cet hommage engage les survivants de Montluc : « Nous sommes les héritiers spirituels de nos martyrs, nous qui qui les avons vus partir pour le dernier voyage, ils n’ont pu mener leur tâche jusqu’au bout et c’est à nous de prendre le flambeau qu’ils nous ont laissé, c’est à nous qui sommes vivants de parachever leur œuvre : de faire une France plus belle, faire une France unie, faire une France glorieuse, faire la France. » Au nom de leurs camarades disparus, les « rescapés de Montluc » doivent être des acteurs de la reconstruction morale de la France.

Comme beaucoup d’association qui débute une activité en cette période de sortie de guerre, un engagement total est exigé de chaque militant. Dans l’article où la rédaction présente ses vœux aux adhérents pour l’année 1945, on peut lire : « 1945 doit être une année d’efforts et une année de labeur acharné. Dans cette lutte de tous les jours que nous avons à soutenir pour vivre, pour panser nos blessures pour reconstruire, nous avons besoin du concours de tous et nous espérons que tous vous répondrez à notre appel. La moindre abstention serait une lâcheté à une heure où nous n’avons pas fini d’enterrer nos morts et où des milliers des nôtres, sont encore déportés. »

Dans un encadré en fin de journal c’est encore plus clair et cette exhortation prend une forme singulière de « culpabilisation » du survivant : « Tu es libre et vivant : songe à ceux qui sont déportés, à ceux qui sont morts »/ « As-tu répondu aux recherches ? As-tu pensé que ta famille aurait pu être plongée, elle aussi, dans l’angoisse ? Fais ton devoir, nous faisons le nôtre.»


Frantz Malassis