La Voix du Maquis. Organe bi-mensuel de la Fédération nationale des maquis., n°1, 30 mars 1946

Légende :

Paraissant les 2e et 4e samedi de chaque mois.
Direction : 33, rue de la Faisanderie 75 016 Paris.
Directeur de la publication H. Romans-Petit.
Rédaction administration : quai de Gaulle à Seyssel (Ain)
Gérant Léopold
Imprimerie spéciale de la « Voix du Maquis », Belley (Ain).Travail exécuté par des ouvriers syndiqués.

Genre : Image

Type : Journal associatif

Source : © Fondation de la Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Journal imprimé
4 pages, format : 32 x 50,5 cm 

Date document : 30 mars 1946

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ain

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Analyse média

Dans le premier numéro daté du samedi 30 mars 1946, le directeur de la publication H. Romans-Petit, compagnon de la Libération, anciens chef des maquis de l’Ain, Haut-Jura et Haute-Savoie et dans un article intitulé « Les imposteurs » nous laisse entrevoir l’amertume que peuvent ressentir les résistants à l’égard de la société de l’immédiat après-guerre. Ainsi, il évoque les entretiens que Lucie Aubrac a menés lors de la rédaction de l’étude La Résistance. Naissance et organisation (Paris, Robert Lang, 1945). Il rapporte que : « questionnant tout dernièrement une personnalité, elle reçut la réponse suivante : “ La Résistance ? Un bluff…” ». Mais, selon lui, ce n’est pas là la seule allégation largement répandue dans l’opinion publique d’alors salissant la Résistance. Pour beaucoup « la Résistance est responsable du chaos actuel ». Il ajoute : « Si tout va mal, entend-on couramment, c’est parce que les leviers de commande ont été remis entre des mains maladroites, et que des plantons ont été soudain promus directeurs ». Tordant le cou à cette idée fausse, il nous montre les difficultés de réinsertion de « nombre de maquisards [qui] sont à l’heure actuelle sans emploi, alors que les ambitions de la majorité d’entre eux sont des plus modestes ». Pour lui la cause de ce désordre est le maintien dans de nombreuses administrations publiques d’adversaires de la Résistance.

Louis Delcourt « Ducroc » un ancien des maquis du Haut-Jura conclut son article « Pionniers d’hier et d’aujourd’hui » en souhaitant qu’il soit possible aux résistants d’assumer un rôle qui leur permette de peser sur la reconstruction politique de la société française : « Les Maquisards n’ont besoin ni d’hommages officiels, ni de grasses prébendes, ils réclament simplement un champ d’action où s’exercera leur talent de pionnier. »

Néanmoins, les hommages officiels sont une préoccupation tout à fait légitime pour l’ensemble des maquisards. Ainsi, le journal diffuse des communiqués administratifs sur les commissions qui permettent de faire reconnaître ses titres de Résistance. « Du nouveau pour nous. Délégation générale pour le règlement et la liquidation des F.F.C.I. » (La Voix du Maquis. Organe bi-mensuel de la Fédération, national des maquis. n°1, 30 mars 1946) donne la composition et le fonctionnement de la Commission Supérieure des Forces Françaises Combattantes de l’Intérieur.

De nombreux articles reviennent sur l’absence ou le retard de reconnaissance de la Nation à l’égard des résistants. Mais que l’on ne s’y trompe c’est avant tout pour le collectif et notamment pour les camarades tombés au combat que ses honneurs sont réclamés.
Pierre-G. Jeanjacquot, des maquis de l’Ain, dans son papier « Qui doit-on décorer ? » déplore qu’au « début de l’année 1946, les patriotes tués dans les combats pour la sauvegarde de la France de toujours n’est pas encore droit à une récompense » il affirme plus loin : « Que les vivants soient oubliés, il n’y a là que demi-mal. Mais que l’on rende au moins à ceux qui sont morts les armes à la main l’hommage qui leur est dû. Ceux qui restent aujourd’hui ont obtenu une récompense : ils ont conservé la vie. Si justice est faite à leurs camarades disparus, ils ne réclameront rien pour eux-mêmes. Dans la lutte clandestine, ils ne sont jamais battus dans l’espoir de voir fleurir à leur boutonnière des rubans multicolores

Dans le même ordre d’idée, le journal se réjouit de la nomination du colonel Romans-Petit au grade de Grand Officier de la Légion du Mérite, décoration qui lui est décerné par les États-Unis lors d’une cérémonie dans leur ambassade à Paris le 5 mars 1946. Cet honneur rejaillit sur le « maquis de l’Ain ». En effet la citation signée du président Truman sonne comme une citation collective, comme une reconnaissance officielle de l’action menée par le maquis tout entier, comme un témoin de l’estime des Alliés à la Résistance : « Les opérations menées par le maquis sous son Commandement, en coopération avec la 7e armée américaine, ont contribué de la plus belle façon au succès de l’invasion du continent et à l’avance rapide du Corps Expéditionnaire Allié à travers la France ». L’auteur anonyme de cet article déplore en creux que la Nation française ne manifeste pas plus d’empressement à « connaître les hommes et les faits à leur juste valeur ».

Il faut dire que l’hommage à l’histoire collective du maquis est ce qui anime le journal. Ainsi, à côté des articles d’information sur l’actualité internationale (« Le Canada dans a guerre » sur l’effort de guerre et l’essor économique du Canada), ou bien sur l’évocation de la Résistance au cinéma ou lors d’exposition artistique (« Art et Résistance »), une part importante du contenu éditorial évoque des épisodes emblématiques de la Résistance maquisarde comme dans l’article « Il y a deux ans. Les Glières » du docteur Bombiger, médecin des Glières ou bien des chefs charismatiques comme le capitaine André Lévrier, commandant la compagnie Levêque et le secteur AS ouest des maquis de l’Ain, mort pour la France le 12 juillet 1944.

Enfin, une page entière sur quatre est dédié à la rubrique « le maquis de l’humour » qui revient, pour partie, sur certains points de l’actualité de façon humoristique (à la manière du Canard enchaîné) avec de très belles plumes comme Pierre Scize et Marcel E. Grancher tous deux ayant pris part à la création du faux Nouvelliste diffusé à Lyon le 31 décembre 1943 à l’initiative des Mouvements unis de la Résistance (MUR).


Frantz Malassis