Le Provençal, 18 septembre 1944

Légende :

Journal Le Provençal, 18 septembre 1944

Genre : Image

Type : Journal

Source : © Collection Alain Giacomi Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé d'une page. Voir aussi l'onglet "Album".

Date document : 18 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Analyse média

La découverte du charnier de Signes, le 16 septembre 1944, trouve dans les jours qui suivent cette date un écho naturel et durable dans la presse régionale, dans le contexte des « quatorze glorieuses de Marseille » (Mencherini, 2014) qui ont abouti à la libération de la ville, et dans le climat général de la Libération. Deux questions liées à cette découverte sont traitées alors dans les journaux : elles concernent l’exhumation et, surtout, l’identification des corps martyrisés, qui se fait parfois avec de grandes difficultés : ainsi, Le Provençal du 18 septembre invite les familles qui le souhaitent à l'identification des corps déposés à la morgue du cimetière Saint-Pierre, à partir des vêtements et d’éventuels signes distinctifs. Les articles de presse vont donc s’attacher à faire part, avec force détails, des faits tels qu’ils se sont déroulés ou, du moins, tels qu’ils apparaissent peu à peu, au fil des exhumations. Ils prennent ainsi volontiers la forme d’une chronique « au jour le jour », en mentionnant par exemple le nombre de corps identifiés à une date donnée, ce qui peut s'expliquer par la volonté de capter l'intérêt du lecteur, mais aussi sans doute le désir de rendre compte de moments au cours desquels une population tente de se reconstruire, tout en faisant face à des événements récents et douloureux.

Ainsi, Le Provençal du 19 septembre fait son gros titre de l'identification de dix corps à la date du 18 septembre ; il cite alors les noms dans l'ordre suivant : Levallois (Rossi) ; Dubosc (Sisson [sic. pour Cisson]) ; Bernard (Jules Moulet) ; les frères Barthélemy : Lucien et Georges ; André Wolf [sic. pour Wolff] ; Jean-Pierre Alain (Jean-Pierre Dubois) ; Berger (Guy Fabre) ; Roger Chaudon ; Charles Boyer, chacun de ces noms pouvant s'accompagner de la date et du lieu de naissance, ainsi que de la profession et des responsabilités dans la Résistance.
À la suite de cette première liste, Le Provençal du lendemain 20 septembre fait part de quinze nouveaux noms, tandis que celui du 21 septembre porte à trente le nombre de corps identifiés, en citant – dans l'ordre suivant – les noms de cinq nouveaux corps identifiés le 20 septembre : Bourrely [sic. pour Borrely] (Saint-Martin) ; Bertier (Anne André [sic. pour Aune André]) ; Étienne (Cuzin François) ; Jourdain (Libert Jean) ; Lestrade Jean.

Pour sa part, Rouge-Midi à la date du 21 septembre cite les quinze noms donnés par Le Provençal de la veille : Valmy (Chabanon Albert) ; René Mariani ; Michel (Louis Martin-Bret) ; Kodak (Paul Codaccioni) ; Jaquème (Jean Piquemal) ; Léon Dulcy ; Paul Kohler ; Marcel André ; André Daumas ; Émile Latil ; Mathular d'Errecalde [sic. pour Muthular d'Errecalde] ; François Peltier [sic. pour Pelletier] ; Manuel ; Léon Pageaut [sic. pour Louis Pacaud] (Adrien) ; Tierce [sic. pour Terce] Rossi. À cette liste font suite les cinq noms cités aussi dans Le Provençal du 21 septembre.

La Liberté des Basses-Alpes du 30 septembre, de façon logique par rapport aux lecteurs à qui elle s'adresse en priorité, met l'accent sur les victimes dont les actions de Résistance se sont déroulées dans le département, en faisant son gros titre sur Martin-Bret et ses « principaux lieutenants : le Professeur Cuzin, l'Instituteur André, Alain, Latil, Chaudon, le Docteur Daumas ». Contrairement aux autres titres de presse, ce journal revient sur les circonstances du traquenard d'Oraison, en rappelant aussi les autres lieux du département où des résistants ont été assassinés.

Les émotions et sentiments que la découverte de ces exécutions suscitent, comme leurs détails et le travail d'identification, sont en rapport avec la profusion d'adjectifs qui parsèment les articles et qui sont là moins pour obéir à un style journalistique que pour traduire et faire partager une profonde émotion devant l'horreur des faits à rapporter. Les journalistes ne manquent pas de rappeler que ceux-ci sont, certes, à mettre au compte des Allemands mais aussi, plus particulièrement, à celui de Brandebourgeois (auxquels il est fait référence comme des « miliciens » dans la presse).

Certains articles, tels ceux parus dans Le Provençal, sont accompagnés de photos représentant aussi bien le visage d'un résistant supplicié que les opérations d'exhumation effectuées par des prisonniers allemands du camp de Coulin (Gémenos) sous la surveillance de gendarmes. Une mention est également faite des lieux – autres que Signes – où des résistants ont été exécutés, ce qui fournit l'occasion de rappeler la responsabilité de tous ceux qui ont collaboré avec l'ennemi depuis 1940, et qui doivent maintenant rendre des comptes.
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Alain Giacomi