Vassieux-en-Vercors depuis le col de La Chau

Légende :

Les traits indiquent les trajectoires des planeurs d'assaut DFS 230, le 21 juillet 1944. D'autres aéronefs sont indiqués. Ils se sont souvent posés sur « Taille-crayon ».

Genre : Image

Type : Photo aérienne

Producteur : Cliché Alain Coustaury

Source : © Collection Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur renseignée.

Date document : 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

Le document est une photo argentique couleur renseignée. Elle a été prise depuis le col de La Chau, au niveau du mémorial. Le val de Vassieux apparaît dans toute son ampleur. Au sud du village, se développe le terrain préparé par la Résistance pour accueillir des troupes alliées.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Le 21 juillet 1944, un train de planeurs allemands atterrit à Vassieux-en-Vercors, surprenant les résistants. C'est un des épisodes les plus célèbres de l'affaire du Vercors. Il occulte même d'autres combats du Vercors et de la Drôme, tout aussi importants. Il est fortement ancré dans la mémoire.

Les planeurs sont accueillis par un tir nourri des hommes du capitaine Hazebrouck (« Hardy »). Les travailleurs de Tournissa (« Paquebot »), employés à la confection de la piste, les hommes de Victor Boiron, la surprise passée, réagissent vigoureusement. Plusieurs planeurs sont touchés, une fois posés. Des parachutistes sont tués. Les attaquants se trouvent rapidement dans une situation délicate. Ils perdent, pratiquement dès les premiers instants de l'attaque, une vingtaine d'hommes sur les quelques 200 qui ont atterri. Le récit de soldats allemands en témoigne. Une polémique s'est développée sur ce moment des combats. Il est assez fréquent d'entendre que les résistants n'ont pas réagi, voire qu'ils se sont enfuis. C'est une erreur. Ils ont fait ce qui était possible de faire dans les circonstances du moment. Ils attendaient des alliés, non des ennemis. Tout les portait à croire, depuis quelques jours, à l'arrivée imminente d'un renfort en hommes. La preuve flagrante en est l'aménagement de la piste d'atterrissage. On peut s'étonner toutefois de la faiblesse de la protection de cette piste par une DCA (Défense contre avion) efficace. L'absence de pièces lourdes est à replacer dans le cadre plus général de la défaillance de cette catégorie d'armement. On peut rêver d'une DCA bien installée sur le flanc des montagnes dominant Vassieux. Pratiquement, aucun planeur n'aurait atterri sans dommages. Le cours des combats aurait changé à Vassieux, mais pas pour l'ensemble du Vercors. Cette hypothèse peut être évoquée lors de conférences, de repas, de commémorations, mais ce n'est plus de l'histoire.

L'intensité des combats varie selon les quartiers de Vassieux. Hameaux, ferme du Château, des Chaux, de Jossaud sont vides de résistants. À La Mure, se repose le groupe du lieutenant Pérol (« Philippe »), une section du 11ème Cuirassiers, arrivé pendant la nuit de La Britière par le pas du Pré. Les Allemands surprennent les hommes endormis, les anéantissent avant qu'ils aient pu réagir. Les deux sentinelles, capturées, sont pendues dans des conditions atroces. Attachés à la même corde, les deux hommes sont entravés de façon à ce qu'une seule de leurs jambes les soutienne. À bout de force, ils finissent par s'étrangler mutuellement quand l'un ou l'autre de leurs appuis fléchit. Cette pendaison est l'objet d'une photo, très célèbre qui symbolise l'horreur de ce qui s'est passé à Vassieux. Les résistants contre-attaquent autour de Vassieux. Ils échouent face à des chasseurs parachutistes, supérieurement entraînés et armés, retranchés dans les habitations. Les pertes augmentent. Vers 16 heures, lors d'un assaut contre le hameau de La Mure, le capitaine Haezebrouck est tué. Le commando américain de 14 à 15 hommes du capitaine T. Hoppers (ou Hoopers, nommé Tuppers par les résistants à cause de la façon dont il se présentait en anglais) tente de s'infiltrer à l'est de Vassieux. Hoppers et ses hommes combattent aux côtés des maquisards de Vassieux, tirant à la mitrailleuse de 12,7 sur les ennemis. Mais ils échouent. Les hommes du Génie du capitaine « Nicolas », secondés par une section du lieutenant « Arnold », sont repoussés au Château. Les attaques des résistants mettent les Allemands en difficulté. Des hommes, prélevés à La Mure et au Château, viennent soutenir le groupe qui se retranche dans Vassieux après un âpre combat de rues. À la fin de la journée, de l'aveu même des combattants, leur situation, sans être désespérée, est délicate. 29 soldats ont été tués, vingt autres blessés. C'est important pour un effectif de quelques 200 hommes. Les Allemands attendent impatiemment du renfort en hommes et en matériel. Le mauvais temps de la nuit et du 22 juillet empêche tout ravitaillement aérien. Du côté français, on déplore une centaine de tués, militaires ou civils. Parmi les victimes se trouve Jacques Descour (« la Flèche »), 18 ans, fils du colonel Descour (« Bayard »). Cette situation explique le regret de résistants qui n'ont pu disposer d'un armement puissant ou qui reprochent aux chefs de n'avoir pas mis le terrain de Vassieux en position de défense sérieuse. À son PC de Saint-Martin-en-Vercors, Huet (« Hervieux ») a vu la descente rapide des planeurs. Il réunit la centaine de jeunes maquisards, tenus en réserve. Ce sont les cinquante hommes des camps 16 et 17 du capitaine Bagnand, les cinquante hommes du 1er escadron du 11ème Cuirassiers du capitaine Bourgeois, les trente hommes du capitaine Chastenet de Géry (« Roland »). Il prépare une contre-attaque. Dans la soirée, Huet adresse un ordre général à ses troupes, traduisant la gravité d'une situation, pas encore désespérée : « Au cours de la journée, l'ennemi a procédé à l'atterrissage d'une dizaine [sous-estimation volontaire ou traduisant une méconnaissance réelle ?] de planeurs dans la région de Vassieux. Des mesures ont été prises pour réduire aussitôt ces éléments, mais il est à prévoir qu'un certain nombre échapperont. D'autre part, il est possible que l'ennemi recommence cette opération [lucidité de la situation]. Il est donc extrêmement important que, dès réception de cet ordre, tous les commandants d'unité – PC, services, détachements, radio, détachements d'intendance, dépôts, etc. – prennent toutes les dispositions nécessaires pour assurer leur défense immédiate et éviter toute surprise [indirectement il reconnaît que la Résistance a été surprise le matin du 21 juillet]. Au cas où des unités de différentes armes seraient stationnées au même point, l'officier le plus ancien sera responsable de l'organisation d'ensemble. » L'ordre de réduire le groupe allemand posé à Vassieux est donné par Huet à Geyer (« Thivollet »). L'échange téléphonique est rapporté par des indiscrétions du personnel du central téléphonique de La Chapelle-en-Vercors. Un premier coup de téléphone du commandant avise le commandant Geyer de l'arrivée des parachutistes et lui demande de les encercler et de les réduire. Geyer déclare qu'il est au courant, qu'il a déjà pris des mesures, qu'il s'en charge et que les parachutistes « sont à sa pointure ». À des conseils du colonel, il ajoute : « Je vous répète mon colonel, je m'en occupe, ils sont juste à ma taille ». Le colonel lui dit qu'il lui fait confiance et lui demande de le tenir au courant. À un autre coup de téléphone du colonel, impatient, qui demande où en est l'affaire, Geyer déclare que l'ennemi est encerclé. « À quelle distance êtes-vous des lisières de Vassieux ? » interroge le colonel. « – À 50 mètres environ. – Mais alors l'affaire est terminée, faites donner l'assaut. – Je voudrais donner l'assaut partout à la fois, à Vassieux et aux hameaux où se trouvent des parachutistes. – Alors fixez une heure et avisez-moi aussitôt du résultat. – Il me faudrait un canon, je voudrais faire donner le signal de l'attaque par un canon. – Je n'en vois pas la nécessité, cependant, si vous y tenez, faites monter le canon des Baraques, mais agissez vite et tenez-moi au courant ». Ces propos, rapportés par André Vincent Beaume, indiquent la fébrilité du commandement. Ils sont source de polémiques sur le rôle de celui-ci. L'âpreté des combats est bien rendue par le rapport quotidien de la Wehrmacht du 22 juillet, même si l'issue apparaît favorable : « Dans le Sud de la France, opérations dans la région du Vercors (entre Grenoble et Valence) en cours. Au Nord-Est de Corrençon, Pas de la Balme (4 km sud est de Corrençon) atteint. Chaîne de collines à l'Ouest de Gresse [en-Vercors] traversée. Dans la partie sud du front d'encerclement, Die et Châtillon atteints. Quelques groupes débarqués à La Mure-Vassieux ont rencontré un puissant ennemi. Avons réussi approvisionnement en munitions et ravitaillement. Jusqu'à présent, 220 ennemis tués. Les localités fortement fortifiées de St-Julien et St-Martin [-en-Vercors] bombardées par l'aviation. » « Les actions au sud de Grenoble ont fait de grands progrès malgré une résistance très forte, localement, de l'ennemi. Des groupes d'assaut ont pénétré, du nord est et de l'ouest dans la zone d'encerclement, et les forces opérant dans le sud de la zone d'encerclement de l'est et de l'ouest, avancent pour s'approcher de plus en plus. Le groupe débarqué dans la région de La Mure-Vassieux a, par contre, à combattre un ennemi puissant ; il peut être ravitaillé convenablement par la voie des airs. Jusqu'ici 220 morts, ennemis. Nos propres pertes : 29 morts, 20 blessés. » Dans son rapport, le major étatsunien Vernon Hoppers chef d'un groupe opérationnel, précise les conditions du combat autour de Vassieux : « Leurs armes – trois mortiers, deux mitrailleuses légères et quelques bazookas – étaient inadaptées pour un assaut de cette nature ». Ils partaient à la bataille avec des hommes avec lesquels le jeune officier de la Caroline du Sud ne pouvait parler sans l'aide d'un interprète. Personne n'avait vraiment placé Hoppers au commandement de l'attaque, mais les Français semblaient l'accepter, en tant qu'officier américain, il était leur chef, même si cette incertitude est claire dans son rapport. Ils avancèrent dans le noir, la pluie sur leur visage. Ils se retrouvèrent sous le feu d'armes lourdes venant de la ville, et chargèrent. Les hommes de Cathala atteignirent les premières maisons quand, d'accord avec les Français, Hoppers donna l'ordre de la retraite. Geyer blâma Hoppers pour cet échec mais il n'avait eu de succès nulle part ailleurs. Au matin du 22, les Allemands étaient toujours en position dans Vassieux et les quatre hameaux. Insuffisance de l'armement, mauvaises communications, flottement dans le commandement de la Résistance expliquent que, le soir du 22 juillet 1944, les Allemands tiennent toujours dans Vassieux, même s'ils sont en difficulté.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Escolan Patrice, Ratel Lucien, Guide-mémorial du Vercors résistant, Le cherche midi éditeurs, 1994 ; La Picirella Joseph, Témoignages sur le Vercors, Drôme Isère, 1978.