Rapport de gendarmerie sur l'arrestation du CDL des Basses-Alpes

Légende :

Rapport du gendarme Boyer, commandant provisoirement la brigade de gendarmerie d'Oraison, 17 juillet 1944

Genre : Image

Type : Rapport de gendarmerie

Source : © AD Alpes-de-Haute-Provence 42 W 105 Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié d'une page.

Date document : 17 juillet 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Alpes-de-Haute-Provence - Oraison

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Analyse média

Ce rapport de gendarmerie, daté du 17 juillet 1944, fait état de la « mise en scène » et du coup de filet réalisés, la veille, sur des résistants bas-alpins, et notamment les membres du Comité départemental de Libération réunis à Oraison.

Dans ce rapport, le rédacteur rend compte précisément des événements survenus le 16 juillet 1944, indiquant les différents lieux et horaires des arrestations dont il a été témoin.

Le gendarme Boyer revient sur ce qu’on pourrait appeler les « prémices du théâtre d’Oraison » et l’installation, à partir du 12 juillet 1944, d’un détachement de soldats allemands au nord d’Oraison. Il décrit ensuite la « mise en scène » de l’attaque de « jeunes gens armés » sur ces soldats allemands, puis l’investissement et le bouclage du village par ceux qu’il identifie alors comme des « miliciens ».

Parmi les personnes arrêtées citées dans son rapport, hormis les gendarmes de la brigade d’Oraison, figurent André Daumas, Terce Rossi, Roger Chaudon et Émile Latil que l’on retrouve parmi les victimes exécutées à Signes deux jours plus tard, le 18 juillet 1944.

Le gendarme Boyer ne fait pas mention des conditions d’arrestation des membres du CDL qui étaient réunis à Oraison.

Plusieurs versions des événements survenus à Oraison le 16 juillet sont données, notamment par les autorités françaises, le jour-même, le lendemain, dans l’enquête qui s’en suit et dans les témoignages postérieurs, notamment ceux recueillis par Jean Garcin. Ce sont surtout les horaires et les lieux d’arrestation qui diffèrent d’un rapport ou d’un témoignage à l’autre.

Par ailleurs, la mise en scène organisée par les Brandebourgeois, déguisés en « résistants », ne manque pas de troubler les témoins qui les identifient tantôt comme des agents de la Gestapo « déguisés », tantôt comme des Miliciens, ou encore comme des membres du Parti Populaire Français (PPF).


Auteurs : Laetitia Vion et Pierre Ciantar

Sources :
Jean-Christophe Labadie, La répression allemande dans les Basses-Alpes, 1943-1944 : miliciens, Doriotistes, Brandebourgeois, agents auxiliaires et les services allemands de maintien de l'ordre et de la sécurité, Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, 2014.

Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, réed. 1990.

Contexte historique

Le 16 juillet 1944, le Comité départemental de Libération (CDL) des Basses-Alpes, présidé par Louis Martin-Bret, se réunit à Oraison. Les membres du CDL sont alors trompés par de faux maquisards qui, annonçant la libération de la ville, incitent les résistants à se découvrir après avoir bouclé le village.

Il s’agit en fait de « Brandebourgeois », supplétifs de la Wehrmacht et plus particulièrement de l’Abwehr, les services secrets de l’armée allemande. Certains sont français.

Au matin du 16 juillet, une quarantaine de ces « maquisards » investissent le village et simulent l’attaque du poste allemand, installé à la sortie nord d’Oraison, qui en fait est complice de cette mise en scène. Après avoir repoussé les forces militaires allemandes, les « faux résistants » font croire à la libération du village. Les membres du CDL, arrivés la veille et réunis depuis le matin au-dessus du Café de France, sortent à découvert. Un à un, ils sont arrêtés, avant d’être conduits à Marseille.

La 8e compagnie Brandebourg, qui opère à Oraison, a en effet pour vocation d’infiltrer la Résistance et les maquis, notamment grâce à ses membres français qui se travestissent pour endosser le costume de réfractaires ou de maquisards. Ces derniers opèrent à plusieurs reprises dans les Basses-Alpes. Parlant français, mais portant l’uniforme allemand, ils sont parfois identifiés par les populations tantôt comme des Miliciens, tantôt comme des soldats de la Wehrmacht, ou encore comme des membres du PPF.

Ce « coup de filet » à Oraison, mené par les Brandebourgeois, est dirigé depuis le Sipo-SD de Marseille, par Dunker-Delage qui met en œuvre son plan de démantèlement de la Résistance provençale (voir affaires Catilina et Antoine).

Le noyau dirigeant du Comité de Libération des Basses-Alpes est arrêté lors des événements d’Oraison, déstabilisant ainsi la Résistance locale et son organisation, à la veille de la Libération.  C’est le cas de son président, Louis Martin-Bret, de François Cuzin, Marcel André, Maurice Favier, Émile Latil et Jean Piquemal, tous membres du CDL.

À Signes, le 18 juillet 1944, les Allemands les exécutent aux côtés de 23 autres résistants, dont 5 également arrêtés à Oraison deux jours plus tôt : Roger Chaudon, André Daumas, Léon Dulcy, Terce Rossi et Robert Salom.


Auteurs : Laetitia Vion et Pierre Ciantar

Sources : 
Jean-Christophe Labadie, La répression allemande dans les Basses-Alpes, 1943-1944 : miliciens, Doriotistes, Brandebourgeois, agents auxiliaires et les services allemands de maintien de l'ordre et de la sécurité, Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, 2014.

Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, réed. 1990.