Jules Moulet

Légende :

Jules Moulet, Bernard, MUR-MLN, chef du NAP des Bouches-du-Rhône, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives privées - Collection Simone Moulet-Chiny Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Jules François André Moulet naquit le 9 juillet 1899 à Marseille (Bouches-du-Rhône), dans une vieille famille marseillaise. Élevé à Marseille dans le quartier de Saint-Henri, où son père, ancien quartier-maître mécanicien, tenait un bureau de tabac, il fut scolarisé au pensionnat religieux Saint-Georges, puis acquit une formation technique à l’École de commerce et d’industrie de Marseille. Lors de la Première Guerre mondiale, il fréquenta assidûment, pendant 8 mois, les cours d’instruction et de préparation militaires et, le 3 mars 1917, s’engagea volontairement pour la durée du conflit. D’abord canonnier au 55e régiment d’artillerie de campagne, il participa en octobre 1917 à la bataille des Flandres, pendant laquelle il fut gazé. Son action lui valut, le 17 novembre 1917, d’être cité à l’ordre du régiment. Lorsqu’il fut rétabli en 1918, il fut affecté à sa demande dans l’aviation et obtint son brevet de pilote militaire, le 3 juin. Basé à Istres, il effectua alors diverses missions aériennes et fut décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Après sa démobilisation en mars 1920, Jules Moulet créa sa propre entreprise de travaux publics. Il se maria, le 22 décembre 1931, avec une jeune institutrice, Simone Teste, dont il eut une fille, prénommée Simone. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la famille habitait 116, boulevard-Notre-Dame, au pied de la colline de Notre-Dame-de-la-Garde.

En 1939, Jules Moulet fut affecté, comme sergent-chef, à la base aérienne de Salon, puis en 1940 au bataillon de l’air 125 à Istres, et, enfin, affecté spécial à la Société de constructions d’embranchements à Marseille.

Selon le témoignage de sa fille, Jules Moulet « fut anéanti » par l’armistice et l’annonce de la Collaboration. Il s’engagea très tôt dans la Résistance et, sous le pseudonyme de Bernard, rejoignit Combat, au sein duquel il fut chef de secteur pour le service recrutement-organisation-propagande (ROP). Il utilisa également son activité d’entrepreneur en travaux publics (bien que ses activités soient réduites) comme couverture pour obtenir des renseignements sur les positions et constructions allemandes - transmis à Londres. Il put également ainsi détecter, parmi les responsables administratifs avec lesquels il était en contact, ceux qui pouvaient sympathiser avec la Résistance. Il devint responsable du Noyautage des administrations publiques (NAP) pour Marseille, au sein des Mouvements unis de Résistance (MUR) qui se transformèrent, en décembre 1943, en Mouvement de Libération nationale (MLN). Le secrétariat du NAP était installé dans la petite boutique de mercerie de Mme Kervela, 15 rue-des-Bergers dans le centre de Marseille. Le dynamisme et l’activité multiforme de Jules Moulet le firent ensuite désigner comme chef départemental du NAP et membre du directoire départemental des MUR-MLN.

Jules Moulet fut arrêté par les services allemands, le 13 juillet 1944, devant la librairie Voltaire, boulevard-Baille, à proximité de la place-Castellane. Informé des arrestations qui frappaient le mouvement, il venait avertir l’un de ses principaux dirigeants, membre du comité départemental clandestin de Libération, Francis Leenhardt, Lionel, qui avait rendez-vous à cet endroit. Jules Moulet fut conduit au siège de la Gestapo à Marseille, 425 rue Paradis. Dans le registre de saisies de la police de sécurité allemande (SD), il figure page 126 sous le numéro 917 à la date du 14 juillet 1944 comme Widerstandler (Résistant). Lors de son arrestation, il était en possession de 3 655 francs. Il apparaît sous le numéro 11 dans le « rapport Antoine », où Ernst Dunker-Delage, homme clé de la section IV du SIPO-SD (la Gestapo), établit le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes, avec une mention très concise : « Fut… le… ».

Jules Moulet fut fusillé à Signes le 18 juillet et enterré de manière sommaire avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 718), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata des fractures du crâne avec irradiation au niveau du temporal gauche, avec enfoncement. Le maxillaire droit était également fracturé en plusieurs endroits. Ces lésions avaient été faites par des coups portés, avec une extrême violence, par un instrument contondant, vraisemblablement une crosse de fusil.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre le 21 septembre 1944, Jules Moulet fut inhumé dans ce cimetière. Jules Moulet a été reconnu interné résistant et mort pour la France. Il fut décoré de la Médaille de la Résistance et de la Légion d’honneur à titre posthume : les décorations furent remises à sa fille devant le monument des Mobiles, le matin du 11 septembre 1945, par le général Maurice Chevance-Bertin.  

Le conseil municipal de Marseille décida, dans sa séance du 19 juillet 1945, de donner le nom de Jules Moulet à la rue Cherchell dans le 6e arrondissement de Marseille, à proximité du logement familial. Une plaque commémorative y fut installée le 18 novembre 1945. Le nom de Jules Moulet fut également donné à une avenue de Carry-le-Rouet, petite station balnéaire de la Côte bleue (au nord-ouest de Marseille), où la famille passait ses vacances.


Auteurs : Jean-Paul Chiny et Robert Mencherini

Sources : Actes de naissance et de décès ; extrait du registre matricule 1R 1472 ; archives familiales de Simone et Jean-Paul Chiny ; DAVCC Caen, dossier de mort pour la France, Jules Moulet, 21P 518 822 ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45, registre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; archives nationales, 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, Interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier, les numéros 1, 2, 42 et 60 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éd. Jeanne Laffitte, rééd. 2001, p. 317 ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Résistance et occupation, p. 505 ; tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2010-2014, p. 58-60 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014, p. 293 ; Simone Chiny-Moulet, Jules Moulet (1899-1944). Le destin d’un Marseillais engagé, Marseille, comité du Vieux Marseille, cahier 102, 2010.