Avertissement et menaces à toute personne aidant la Résistance
Légende :
Affiche allemande d’avertissement et de menaces à toute personne aidant la Résistance, apposée à Die juillet 1944. Elle a été publiée dans Le Pionnier du Vercors, n°36, octobre 1981.
Genre : Image
Type : Affiche
Source : © AERD, Le Pionnier du Vercors, n° 36 octobre 1981. Droits réservés
Détails techniques :
Affiche papier de très mauvaise qualité.
Date document : Juillet 1944
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die
Analyse média
Des affiches, comme celle-ci, ont été apposées dans Die annonçant à la population : « tous ceux qui par leur activité ont favorisé le maquis verront leurs biens confisqués, leur maison détruite, leur vie menacée ».
A remarquer la signature : "Les autorités allemandes d'opérations".
Contexte historique
Le dimanche 23 juillet 1944 au soir, Vérillon, maire, et Coudray, sous-préfet (sous Vichy) reviennent à Die et se présentent à la Kommandantur. Le lendemain, Vérillon entame des négociations avec les Allemands.
Le 23 à 10 h, Camille Buffardel, du réseau Buckmaster, industriel et adjoint au maire, est fusillé sur la place Saint-Pierre. Le docteur Paul-Élie Kroll (Kraul ?) et son fils Maurice, juifs réfugiés à Die, sont abattus sur la placette, Pierre Chérissol près de la Barrière, le sous-lieutenant Victor Vermorel (« Vallin »), René Brugier et Hubert Laheurte, au bord de la Drôme. Le corps de Léon Livache, resté sur la route de Romeyer, sera écrasé par plusieurs véhicules allemands. Tous ces hommes auraient été exécutés au revolver par un certain Desgeorges qui les fait extraire de leur cellule et les abat de sa main un à un. Desgeorges sera condamné à mort un an après par la Cour de Justice de Lyon.
Le lundi 24 juillet, un détachement allemand et un peloton de la Milice investissent l’hôpital où ils arrêtent deux Juifs, Pascal Cohen et Alexis Feldman, ainsi qu’Albert Froment, Marcel Jeanneret et Claude Lieber, qu’ils massacrent à la prison avec le juif Albert Peters pris au château de Salières. Ce dernier, âgé de 51 ans, d’origine autrichienne, ancien artiste lyrique et chef d’orchestre à Berlin, venu en France dès 1933, avait été détaché du 352e GTE (Groupement de travailleurs étrangers) de Crest où il était interné à l’usine de meubles Audra à Die.
La secrétaire de l’hôpital, Yvette, a pu sauver à l’aide de faux papiers trois blessés qui y étaient restés, mais le quatrième, un blessé de la compagnie Brentrup originaire de Crest, Jean Rousset, martyrisé par les miliciens, avoue son appartenance aux « terroristes », il est abattu quelques heures plus tard d’une balle dans la nuque sur l’ordre d’Halperson qui menace de faire fusiller les sœurs de l’hôpital, compromises : elles sont soumises à interrogatoire, puis, alignées devant un mur, elles attendent longtemps leur exécution, évitée in extremis grâce à la négociation de l’abbé Bossan et de son vicaire l’abbé Muller. Elles sont enfermées et ne seront libérées que le lendemain soir.
À Salières, le cultivateur chez qui ont été planquées les armes du PC d’"Alain" descend à Die, ne trouve pas Vérillon et, devant les risques encourus, ne peut qu’informer les autorités allemandes. Les Allemands n’ont plus qu’à procéder au déménagement, ce qui permettra à certains de leurs soldats de s’équiper avec des armes américaines ou anglaises.
Le 25 juillet, dans la soirée, les habitants apprennent que Die ne sera pas un nouvel Oradour. Il n’empêche que les Allemands pillent la gare, s’emparant du panier de grand secours, des couvertures, des brancards, de la literie des agents des trains, des réchauds électriques.
Par voie d’affiches, les habitants sont priés le 26 juillet de livrer au tribunal, siège de la Kommandantur, les vélos, appareils de TSF, armes, vêtements militaires, etc. Les Diois, non sans humour, apportent alors une série d’objets hétéroclites. Toute la population de Die de plus de 14 ans est convoquée sur la place de l’Évêché. À 14 h, devant les officiers allemands se promenant leur badine à la main, le chef milicien François fait un discours : « je suis père de 4 enfants, mon père est mort à la guerre de 1914-18, j’ai fait la guerre de 1939-1940, donc je suis un bon Français... je ne suis pas pour les Allemands, je suis avec les Allemands, contre les juifs, les communistes, les terroristes ». Il jette l’anathème sur Die, ville rebelle, ville coupable. A un bourgeois qui lui demande pourquoi 20 morts, il répond : « 20 fusillés, soit ! mais sur ce nombre, combien de Français ? ». Et il invite à emboîter le pas pour l’ordre allemand. Les visages dans la foule sont tristes et prêts à pleurer. M. Verillon, maire de Die, fait ensuite un discours dont Allemands et miliciens ne seront pas satisfaits, mais qui console la population de l’infâme palinodie que vient de proférer le chef des miliciens. La place de la République est débaptisée et prend le nom de « place Philippe Henriot ».
28 juillet : Vers 13 h à Die, des avions anglais tournent au-dessus de la ville, puis piquent et mitraillent vers Chamarge où ils ont dû repérer l’avion et les planeurs allemands posés à terre.
30 juillet : Des soldats allemands se promènent par petits groupes dans Die, certains armés des Sten récupérées à Salières. Ils procèdent au pillage de la maison Werly en emportant tout dans un camion. Des miliciens pillent la maison du pasteur Loux, qui a été dénoncé, en la mettant en désordre pour chercher des preuves de sa complicité avec la Résistance.
31 juillet : les miliciens exécutent à la prison 4 jeunes maquisards pris à Romeyer : Alphonse Canovas, Henri Gagnol, Jean Ordassière, Humbert Pedoyat. L’un d’eux n’étant pas mort sur le coup, un milicien s’acharne sur le corps en criant : « tu ne veux pas mourir, sale Espagnol ! » car le pauvre diable a avoué au cours d’un interrogatoire que sa mère était Espagnole. Les miliciens collent sur les murs de la ville une affiche qui commence ainsi : "les terroristes continuent à combattre" et continue par des menaces. Ce même jour, des avions anglais mitraillent Die, obligeant les Allemands à faire « du plat ventre ».
Pendant ce temps, les combattants et les habitants du Vercors tentaient de fuir. La prise et l’occupation de Die empêchait toute sortie du massif par le sud. Ne restait que la solution de la dispersion.
Auteurs : Robert Serre
Sources : AN, BCRA, 3AG2/478, 171 Mi 189. SHAT, bobine 173, journal de la 9e Pz. Tagesmeldung von 24.7.44, AOK19, Anlage 481. ADD, 9 J 1, 255 W 89, 711 W 76-7 / 4 M 7. Pour l’Amour de la France. Drôme terre de liberté. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Ladet, Ils ont refusé de subir. Abbé Bossan, Témoignage manuscrit. Claude Arnoux, Maquis Ventoux. Le Vercors raconté... Veyer, Souvenirs sur la Résistance dioise. Collectif, Die, histoire. H. Faure, éphéméride. Jean Cathelin et Gabrielle Gray, Crimes et trafics de la Gestapo française, tome 2, Historama, 1972. Archives Paul Arthaud : notes de Robert Noyer sur la Résistance dioise.