Monument en hommage aux résistants espagnols de la IIIe division Gard-Lozère-Ardèche, L'Affenadou (Portes, Gard)

Légende :

En bordure de la D.59 de l'Affenadou au Martinet un monument érigé par l’Amicale des Anciens Guerilleros Espagnols F.F.I. en juin 2004 rend hommage aux résistants espagnols de la IIIe division Gard-Lozère-Ardèche tombés en combattant l’Allemagne nazie sur le sol français. 

Genre : Image

Type : Monument

Source : © Mémoire et Résistance dans le Gard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : 2016

Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Gard - L'Affenadou

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Analyse média

Sur la plaque du monument sont mentionnés 40 noms de guérilleros espagnols (14 pour le Gard, 9 pour l'Ardèche et 17 pour la Lozère). Sur une autre plaque est mentionné le nom de Cristino GARCIA, chef de la IIIe division, fusillé par les franquistes le 21 février 1946 à Madrid (et non à Barcelone comme mentionné par erreur).


Mémoire et Résistance dans le Gard

Contexte historique

Le premier maquis espagnol de la région se forme au début de l'année 1944 : il s'agit du maquis de Chatusse, au Collet-de-Dèze (Lozère), qui accueille des réfractaires espagnols de l'organisation Todt et des résistants entrés dans la clandestinité. Le mas de l'Anglaise a aussi servi de poste de commandement à l'état-major de la 3ème division. À la Grand-Combe et à Alès, les corps-francs espagnols agissent conjointement avec les Francs-tireurs et partisans de la main-d'oeuvre immigrée (FTP-MOI), tandis qu'en Lozère et en Basse-Ardèche la coopération avec l'Armée secrète (AS) se poursuit.

Le premier semestre 1944 est marqué par une montée en puissance de la résistance espagnole. À partir du mois de mars, la position de Juan Pujadas au sein de l'AS et du Service d'aide et de protection (SAP) de l'Ardèche, permet l'organisation d'une filière d'approvisionnement en armes des groupes espagnols du Gard : Esperanza Rodriguez, agent de liaison de la 3ème division, assure par des valises déposées dans un bus, le transport d'armes entre les villes d'Aubenas et de Saint-Ambroix.

L'une des actions les plus marquantes est l'évasion des prisonniers politiques de la prison de Nîmes en février 1944. L'opération a été décidée par le commandement FTPF (Antonin Combarmond et Roger Torreilles) et réalisée par les résistants espagnols, sous la direction de Cristino Garcia (avec Joaquin Arasanz et Pedro Vidente). Pedro Vicente a été chargé de trouver un logement à Nîmes devant servir de point d'appui pour mener à bien l'évasion. À la fin janvier, lui et son épouse occupent un appartement de la rue des Arènes, non loin du quartier général de la Gestapo. Le 3 février arrivent à cette adresse l'un après l'autre les 14 résistants espagnols qui doivent participer à la mission.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1944, Cristino Garcia est à la tête du groupe de quatorze guérilleros qui pénètre la maison d'arrêt de Nîmes. L'équipe entre grâce à la complicité d'un gardien. Après avoir coupé les fils téléphoniques et neutralisé les gardiens, elle libère la vingtaine de résistants détenus. Enfin, les maquisards regagnent à pied le maquis FTP-MOI de Saint-Frézal-de-Ventalon et des Bouzèdes (Lozère), où ils arrivent le 10 février. Au cours de l'opération, Cristino Garcia se blesse accidentellement à une jambe avec son pistolet. Le docteur Cabouat, qui s'est mis au service de la Résistance, le cache et le soigne. L'accident oblige Cristino Garcia à suspendre ses activités de terrain et à se mettre en retrait pendant quelques semaines (à Nîmes même, dans un appartement de la rue Générac).

À partir de mars-avril 1944, Cristino Garcia répercute l'ordre d'intensifier les sabotages auprès des chefs de groupe Gabriel Pérez, Joaquin Arasanz, Pedro Vicente, Antonio Garcia, Antonio Guice, Gregorio Garcia et Gines Miñano. La campagne touche un certain nombre de localités des Cévennes gardoises et lozériennes : Bessèges, Laval, Trescol, La Grand-Combe, Rochebelle, Saint- Privat-de-Vallongue, Collet-de-Dèze, Langogne, Villefort, etc.
Les cibles privilégiées sont des transformateurs, des lignes haute-tension, des engins d'extraction, des fours d'antimoine, etc. dont la destruction vise à entraver les productions destinées à alimenter la machine de guerre allemande.

Au mois d'avril 1944, l'état-major de la 3ème division commandée par Cristino Garcia décide le rattachement d'un groupe espagnol au maquis Bir-Hakeim. Fondé en mars 1943 à Montpellier par des militants de l'AS, ce maquis itinérant et atypique est commandé par Jean Capel dit "Barot". Le groupe n'hésite pas à sortir de l'ombre pour des actions directes et spectaculaires. D'abord, il s'installe au hameau de l'Estibi, dans la région de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), puis, à partir du 25 août 1943, sur le plateau de Douch près de Bédarieux (Hérault). À la mi-octobre, il se transporte jusqu'aux environs d'Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées), en pleine zone interdite, pour émigrer début décembre dans le secteur de Pont-Saint-Esprit (au nord-est du Gard). Enfin, le maquis se déplace dans le secteur de la Vallée Française, en plein coeur des Cévennes. Mais le commandant Barot, qui affiche l'ambition d'unifier les maquis de la région, se heurte à l'opposition des chefs locaux de la Résistance.

La décision prise par l'état-major de la 3ème division d'intégrer un groupe espagnol au maquis Bir Hakeim obéit à plusieurs mobiles. La vague de sabotages dans le bassin minier a sans doute rendu nécessaire et urgent le départ des militants les plus compromis. Le groupe Bir Hakeim exerce par ailleurs une attraction en raison de son armement moderne et abondant à un moment où de nombreux réfractaires espagnols placés dans des maquis-refuge sont encore dépourvus d'armes.
Le 12 mai, une vingtaine de guérilleros gagnent en camion le Grand Hôtel du Fangas, sur le mont Aigoual où se trouvent déjà les "biraquins". Le groupe espagnol est placé sous les ordres de Miguel Lopez secondé par Francisco Peña dit "Paco". À ce moment-là, l'état-major de la 3ème division a également entamé des pourparlers pour l'incorporation d'un nouveau groupe Union naçional española (UNE) du secteur de Langogne, sous la houlette de Domingo Cunillé. Le rattachement n'interviendra jamais.

Les 28-29 mai, le maquis Bir Hakeim est encerclé et écrasé par une unité de la Wehrmacht dans le secteur de Mende. Au total, l'opération se solde par la mort de 59 combattants, dont seize républicains espagnols. Parmi ces derniers, dix trouvent la mort au combat de La Borie et La Parade ; six sont exécutés à Badaroux, dont Miguel Lopez. Parmi les pertes, au moins trois Espagnols proviennent de la brigade du Gard : Joaquin Olmos, Aquilino Garcia et Manuel Carrasco.

L'écrasement du maquis Bir Hakeim entraîne d'autres revers, notamment dans les secteurs de La Grand-Combe et de Collet-de-Dèze. Casimiro Camblor, membre du groupe espagnol du maquis Bir-Hakeim s'est blessé au mont Aigoual et a été "démobilisé". Le 29 au soir, il arrive à La Grand-Combe accompagné par l'agent de liaison Manuel Zurita. Cristino García décide son transfert à Larnac, près des Mages. Là réside le médecin de la 3ème division : Emilio Ruiz. Au cours du trajet, près du Martinet, Camblor et Zurita sont arrêtés par des collaborateurs français engagés dans la Waffen SS : il s'agit du groupe dit "La bande à Harry". Casimiro Camblor est exécuté sur le champ. Manuel Zurita est fait prisonnier. Les Waffen SS tentent de l'utiliser pour démanteler la résistance, notamment espagnole : selon une tactique éprouvée, ils sillonnent en sa compagnie les routes des environs de La Grand-Combe pour le pousser à la dénonciation. À la Libération, le corps mutilé de Manuel Zurita est retrouvé dans le puits de Célas près d'Alès aux côtés d'autres corps de résistants.

Le 1er juin, Juan Fernandez, commissaire politique de la 3ème division, échappe in extremis à une arrestation des Waffen SS français qui vise des responsables locaux de la Résistance réunis à La Rivière (Lozère). Le 5 juin 1944, dans cette même localité, des guerrilleros espagnols de la 15ème brigade participent, aux côtés des FTP-MOI (notamment des antifascistes allemands), à une embuscade au cours de laquelle les Waffen SS subissent un sérieux revers.

Le 6 juin 1944, jour du débarquement en Normandie, marque le début de la période d'insurrection nationale. Un mois plus tard, le 4 juillet, la 21ème brigade occupe La Grand-Combe avec les FTP et les Corps-francs de la Libération (CFL). Le 3 août, la 15ème brigade combat au Collet-de-Dèze. Le 4 août, elle participe à la libération de Mende et de Langogne.
Les guérilleros du Gard ont aussi contribué, durant cette période, aux combats dans le département de l'Ardèche.

À la date du 6 juin, Cristino Garcia en personne se trouve dans le village d'Ailhon, près d'Aubenas, où sont regroupés environ soixante guérilleros. Au cours de juillet-août 1944, le chef régional est particulièrement présent dans le sud de l'Ardèche, coordonnant les opérations militaires des groupes relevant du commandement de la 3ème division ; des éléments de la 21ème brigade ont d'ailleurs renforcé la brigade de l'Ardèche. Après le retrait de Juan Pujadas pris par ses responsabilités et activités au sein de l'AS et de la SAP, Grégorio Izquierdo, provenant de La Grand-Combe, assure, pendant quelques semaines le commandement de la 19ème brigade. Izquierdo est à la tête du groupe de 25-30 guérilleros qui, le 5 juillet 1944, attaque la colonne allemande se dirigeant sur Le Cheylard au col de l'Escrinet.

Au mois de juillet 1944, le commandement de la 3ème division - qui coordonne les activités sur les trois départements - s'installe sur la commune de Joannas près de Largentière. Vers le 15 août, elle déménage pour s'établir au lieu-dit le Gua, sur la commune de Beaumont. À la fin août 1944, les effectifs espagnols commandés par Cristino Garcia dans les départements du Gard, de l'Ardèche et de la Lozère peuvent être estimés à 400 (140 sont attestés par un document pour le sud de l'Ardèche d'après un recensement nominatif du commissaire aux effectifs FTP ; les effectifs sont vraisemblablement supérieurs pour le Gard et légèrement inférieur pour la Lozère).

Au cours de la période de Libération, Cristino Garcia s'efforce de mettre en oeuvre une stratégie de guérilla (tirant sans doute les leçons de l'écrasement du maquis Bir Hakeim) notamment dans les combats de Basse-Ardèche après le 15 août. Dans un discours, il déclare à ses hommes :
"Ennemi qui fuit, fais-lui un pont d'argent. Vous n'allez pas au combat pour vous faire tuer ; vous allez au combat, surtout pour tuer l'ennemi ou l'obliger à déposer les armes" (propos rapportés par Juan Pujadas)
Jusqu'à la fin août, les guérilleros espagnols harcèlent les unités ennemies, sans chercher à les bloquer définitivement ; ils se replient à temps pour attaquer plus loin, et évitent ainsi de s'exposer à des pertes importantes. Michel Bruguier, chef des FFI du Gard, présent dans le secteur de Barjac et de Vallon en août 1944, rend dans le journal L'Assaut un hommage à l'ardeur au combat des Espagnols face aux unités de la Wehrmacht en repli.

L'ultime combat mené par les guérilleros dans la région se déroule le 25 août à la Madeleine-Tornac, entre Alès et Anduze. Les groupes de maquisards français et espagnols, soutenus par l'aviation alliée, arrêtent une forte colonne allemande (estimée à 800) dont le commandant se suicide après la reddition. La clef du dispositif est constituée par 32 guérilleros issus des brigades du Gard et de la Lozère, dirigés par Gabriel Pérez, Joaquin Arasanz et Miguel Arcas ; les forces FTP, FTP-MOI et CFL sont aussi représentées, de même qu'une mission inter-alliée qui négociera la reddition. Au cours du combat, Antonio Fernandez a été blessé à la main. L'événement est devenu emblématique de l'action des guérilleros espagnols, notamment au moment de l'affaire Cristino Garcia (1946). Les divers récits ont cependant fait l'objet de controverses liées à la part prise par les différents acteurs.

Au total, quarante combattants espagnols identifiés sont morts dans des actions de résistance ou dans les combats de la Libération : quatorze dans le Gard, neuf dans l'Ardèche et dix-sept en Lozère. Parmi ces derniers, trois au moins avaient fait partie de la brigade du Gard. José Ferrer, lieutenant de la 3ème division, mort en service commandé dans le département de l'Ardèche, était domicilié à Bessèges avant son entrée dans le maquis.

La plupart des guérilleros espagnols de la 21ème brigade ne rendent pas les armes après la Libération : un certain nombre tombent plus tard dans les combats en Espagne ou devant les pelotons d'exécution. Les chefs - Cristino Garcia et Gabriel Pérez - font partie de ceux qui paient de leur vie cette nouvelle résistance au franquisme. D'autres guérilleros du Gard, comme Joaquin Arasanz ou Pedro Galindo, passeront de longues années dans l'enfer des prisons franquistes.


Hervé Mauran in CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009