Analyse média

A l’automne 1944, les actualités françaises de la Libération diffusent plusieurs petits films retraçant les combats tout récents des Forces Françaises de l’Intérieur. Ils sont ensuite repris et mixés au montage dans le documentaire 10 minutes avec les FFI, que son générique présente comme "réalisé avec les documents gracieusement fournis par France-Libre-Actualités et Ceux de la Résistance" (nom d'un des 8 grands mouvements représentés au CNR). Ces films incluent ce qu'on appelle aujourd'hui des « docu-fictions », puisqu’il s’agit le plus souvent de reconstitutions, mais qui ont la particularité d’avoir pour protagonistes non pas des acteurs, mais les résistants eux-mêmes.

Cette séance d'instruction au maquis est devenue célèbre,non pas à cause du film 10 minutes avec les FFI qui a été rapidement oublié, mais grâce à une photographie reproduite pendant des dizaines d'années dans d'innombrables ouvrages ou articles, avec tous les protagonistes présents sur cet extrait filmé. Longtemps, la photo a été utilisée de façon purement illustrative, avec une légende très générale du type "Instruction au maquis", sans même préciser de quel maquis il s'agissait. En fait, elle appartient à un ensemble de clichés concernant le maquis de Boussoulet (Haute-Loire). Son chef, Albert Oriol-Maloire - l'homme au béret - tient la Sten sur la photo alors que dans le film il commente son démontage par un camarade.

En partant de cette photographie, la Fondation de la Résistance a pu récolter, il y a une dizaine d'années, des témoignages sur les protagonistes de cette séance d'instruction au maquis et sur les circonstances de sa prise de vues. La datation attribuée par les témoins était variable, mais par recoupement on arrive à la période du printemps 1944, à cause de l'absence de neige d'un côté, et du départ présumé d'une des personnes sur la photo au début de juillet 1944 (selon un membre de sa famille). Cela peut paraître contradictoire avec le fait qu'une bonne partie des autres clichés relatifs à ce maquis datent à coup sûr de l'après-libération puisqu'ils représentent des scènes d'entrée dans une caserne, qu'ils montrent à découvert les visages de personnes en train d'aider le maquis : paysans, postière, etc. Cependant, on ne peut exclure que les clichés aient été pris à deux époques distinctes, une partie d'entre eux (dont cette photo) correspondant à un  premier reportage fait sous l'Occupation.

Voir la photographie et son analyse sur le site de la Fondation de la Résistance.

La redécouverte récente du film 10 minutes avec les FFI, avec cette séquence filmée, relance la question de la datation de la photo et du film. Ont-ils été réalisés avant la Libération ou font-ils partie d'une initiative entièrement conçue après la Libération comme une reconstitution ? Des recherches complémentaires restent à mener. Si la première hypothèse était la bonne, resterait à découvrir le but poursuivi par les résistants : transmettre à Londres des images pour montrer la Résistance française au monde libre ? Tenter aussi, par ce moyen, de continuer à faire pression vis-à-vis des Alliés pour qu'ils parachutent enfin massivement des armes ? On connaît au moins deux exemples de films tournés sous l'Occupation et qui sont parvenus à Londres, pour montrer aux Alliés la bonne organisation et les besoins en armes des maquis: le film et les photographies du défilé des maquis de l'Ain à Oyonnax le 11 novembre 1943, et le film Ceux du maquis transmis à Londres à peu près à la même période, durant l'hiver 1943-44.