Analyse média

Cette maquette a été  fabriquée par un résistant communiste, Roger Payen, durant l'hiver 1943-1944 alors qu'il était détenu à la prison de la Santé. Il a réussi à la faire parvenir à ses parents, accompagnée d'un petit message: "A mes chers Parents avec mes meilleurs voeux pour l'année 44, ce souvenir de la 11.22 leur fils Roger".

La virtuosité de l'ancien élève de l'Ecole Boulle, devenu décorateur et créateur de meubles de style, se reconnaît dans ce travail d'une minutie extraordinaire; l'affiche sur le mur gauche de la cellule est d'une hauteur de 1,5 cm...

La présence de deux portes s'explique parce qu'à la fin du XIXe siècle, les cellules originelles de 6 m2 de la prison de la Santé ont été regroupées deux  par deux. Les deux portes subsistaient, bien que l'une fût condamnée (ici, celle de gauche), seule l'autre étant dotée d'un guichet. Mais les deux oeilletons devaient rester libres, utilisables par les gardiens pour surveiller les prisonniers. 

Contexte historique

Roger Payen naît le 13 janvier 1913, à Puiseaux (Loiret). Il passe son enfance à Corbeil-Essonnes puis à Vigneux, en Seine-et-Marne. A quatorze ans, il est embauché par la maison Soubrier, dans le faubourg Saint-Antoine, où il commence une carrière de décorateur et créateur de meubles de style. Pendant quatre ans, il suit les cours du soir de l’École Boulle.

Adhérent des Jeunesses communistes en 1930, et au PCF l'année suivante, marié en 1933 avec son amie d’enfance Suzanne Deguéret, Rober Payen s'installe alors à Draveil. Il quitte l'année suivante la maison Soubrier, crée des décors de théâtre pour la Fédération du Théâtre ouvrier français, puis travaille à partir de 1937 pour le magazine Regards, créé par le PCF.

Il fait partie des militants communistes passés dans la clandestinité dès l'interdiction du PCF en septembre 1939, suite au pacte germano-soviétique. Au moment de l’arrivée des Allemands en juin 1940, il devient membre du triangle de direction de la région Paris-Sud du Parti communiste.  Ses responsabilités après juin 1941, quand le PCF se lance dans la lutte armée, restent à préciser, mais il semble s'être consacré au travail de propagande. Il n'en continue pas moins de peindre des panneaux décoratifs et de les vendre par l'intermédiaire d'amis, pour subsister, tout en changeant fréquemment de "planque".

Roger Payen et son épouse sont arrêtés le 2 mars 1943 et séparés, elle étant internée à la prison pour femmes de la Petite Roquette, et lui à la prison de la Santé. Tous deux sont condamnés aux travaux forcés par le Tribunal d'Etat, lui à 15 ans, elle a 5 ans. Leur détention dure jusqu'au 17 août 1944, date où, la capitale étant au bord de l'insurrection, les détenus "politiques" de la Santé et de la Petite Roquette sont libérés par les autorités françaises grâce à l'entremise du consul de Suède Nordling.

Durant sa détention, Roger Payen a dessiné des centaines de croquis et de dessins et créé plusieurs de ces boîtes d'allumettes. Une partie d'entre eux partait avec les lettres qu'il était autorisé à envoyer à ses proches. Les autres lui ont été remis fin août 1944 par la préfecture de Police, dans une valise: ces dessins qu'il avait laissés punaisés sur les murs de différentes cellules avaient été rassemblés et "planqués" par quelques-uns des gardiens de la prison.

Après la guerre, Roger Payen est secrétaire de rédaction de L’Humanité jusqu’en 1947, puis reprend son métier d’architecte et de décorateur. Il est conseiller municipal de Draveil de 1947 à 1965. En 1969, il s’installe à Balazuc (Ardèche), où est présentée en 2006 la première exposition consacrée à l'oeuvre réalisée pendant sa détention. Il est décédé en le 12 novembre 2012 à Aubenas.