Article "Deux paquebots ont ramené d'Odessa 4 000 prisonniers et déportés", Le Provençal, 24 avril 1945
Légende :
Article de presse intitulé « Deux paquebots ont ramené d'Odessa 4 000 prisonniers et déportés », paru dans Le Provençal, 24 avril 1945
Genre : Image
Type : Article de presse
Source : © Collection Robert Mencherini Droits réservés
Détails techniques :
Document imprimé.
Date document : 24 avril 1945
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Dans cet article daté du 24 avril 1945, le journal Le Provençal rend compte de l’arrivée, la veille, à Marseille, de deux nouveaux paquebots en provenance d’Odessa, avec, à leur bord, près de 4 000 prisonniers et déportés français, belges, mais également sept Luxembourgeois et un Danois.
Après avoir donné des précisions sur le statut, la nationalité et le nombre de ces rapatriés, l’article témoigne de scènes de retrouvailles observées lors du passage des convois, en cars, vers le centre de rapatriement de Marseille : « Au passage, une jeune femme accompagnée de son fils, reconnut son mari parmi les prisonniers : Roger Martin, originaire de la Lozère, qui a quitté sa famille, alors que son bébé n’avait que 7 mois. C’est ensuite Roger Bonnet, de Vals-les-Bains (Ardèche), qui parmi la foule, aperçoit sa sœur. Puis un Marseillais : Bruno Baptistin, habitant 42, rue-de-Guérin (Belle-de-Mai), sort des rangs pour se jeter dans le bras de sa mère et de son père. »
Comme dans l’article du 21 avril 1945, le journal diffuse la liste des rapatriés originaires des départements de la région et de la Corse, ceux arrivés dans les convois de la veille et ceux encore « en instance de rapatriement ».
L’article fait ensuite état des capacités d’accueil respectives des autres centres recevant des rapatriés (à savoir Lille, Valenciennes, Maubeuge, Jeumont, Hirson, Longuyon, Thionville-Hayange, Metz, Boulay, Saint-Avold, Strasbourg, Revigny, Mulhouse, Evian, Marseille, Pontarlier, Annemasse et Paris).
Un dernier paragraphe est consacré à l’intervention de Félix Gouin auprès du ministre de la Production industrielle en faveur des prisonniers de retour dans leurs foyers. Alerté par le socialiste des besoins matériels urgents de ces rapatriés, le ministère a répondu favorablement à sa demande par un télégramme retranscrit dans l’article :
« Suite télégramme 17 avril 1945. Vous informe prisonniers, déportés rapatriés recevront carte spéciale articles textiles et chaussures (…) En attendant attribution, dépannages peuvent être faits dans cas urgents. »
Auteurs : Laetitia Vion et Robert Mencherini
Contexte historique
Avant même la signature de l’armistice avec l’Allemagne, le 8 mai 1945, et au fur et à mesure de l’avancée des troupes alliées, les prisonniers et déportés des camps allemands progressivement libérés, mais également les requis du Service du travail obligatoire (STO), commencent à être rapatriés.
En France, des centres sont alors créés, à proximité des lieux d’arrivée, près des frontières et dans les grandes villes, pour les accueillir et assurer leur prise en charge rapide. Paris, mais également les centres du Nord et de l’Est du territoire, comme Lille, Strasbourg ou Metz, accueillent principalement des personnes libérées par les Américains, les Britanniques ou les Français.
Marseille, quant à elle, abrite l'un des principaux centres d’accueil pour les déportés, prisonniers de guerre et réfugiés ayant bénéficié de l’avancée des troupes soviétiques. Pour la plupart regroupés à Odessa (Russie), leur rapatriement vers la cité phocéenne est organisé par voie maritime, à bord de navires alliés de différentes nationalités. Un centre d’accueil marseillais est ainsi créé et progressivement aménagé au nord de la ville, à proximité du port commercial, dans un hangar de la Compagnie des messageries maritimes, au 309 chemin-de-la-Madrague.
À partir du 23 mars et jusqu’à la fin de l’été 1945, plusieurs convois, avec à leurs bords des milliers de déportés et prisonniers, se succèdent et accostent à Marseille, au Cap Janet. Les navires sont accueillis par une foule, souvent nombreuse, composée de badauds, mais également de familles et amis venus retrouver un proche.
L’arrivée de certains de ces convois donne également lieu à des manifestations plus officielles, en présence d’autorités civiles et militaires. Lors d’un récapitulatif, établi le 15 octobre 1945, on décompte un total de 49 230 personnes rapatriées par voie maritime à Marseille, à savoir 33 091 rapatriés en provenance d’Odessa, 15 683 depuis Naples, 143 d’Istanbul et 313 d’Alger.
D’autres prisonniers et déportés sont, quant à eux, rapatriés par les airs, ou arrivent en train à la gare Saint-Charles, avant d’être enregistrés au centre de la Madrague.
Au total, jusqu’à la mi-octobre 1945, 58 781 prisonniers, déportés, requis du STO mais aussi travailleurs volontaires en Allemagne, transitent par le centre d’accueil marseillais. La presse régionale se fait l’écho de ces rapatriements et diffuse, chaque jour, la liste des personnes rapatriées originaires de la région dans une rubrique intitulée « Le retour des absents ».
Avec le retour de ces « absents », les enquêteurs, dans un premier temps, puis le grand public, découvrent, au travers des témoignages et articles de presse, la réalité et l’horreur de la déportation d’extermination et du système concentrationnaire nazis. Cependant, les rescapés du génocide étant mêlés avec les prisonniers et requis du STO, numériquement plus importants, et, bien que les camps d’extermination soient rapidement mentionnés, la Shoah, dans toute sa dimension, reste dans un premier temps occultée.
Auteurs : Laetitia Vion et Robert Mencherini
Sources:
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.
Robert Mencherini, Les Bouches-du-Rhône dans la guerre 1939-1945, Clermont-Ferrand, De Borée, 2016.
Site Internet Fresques INA - Repères méditerranéens.